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Michel Simonis

Les eurodéputés ne veulent plus des "minerais du sang"
Article mis en ligne le 29 juin 2015
dernière modification le 30 juin 2015

Le Parlement européen fait preuve de maturité.
Face à la position de la Commission, il affiche une position forte, appuyée par une majorité alternative (Socialistes & démocrates, Verts, Gauche unitaire, Italiens du mouvement 5 Etoiles auxquels se sont ralliés quelques libéraux dissidents.
Ce n’est pas habituel. Peut-être un jour fera-t-il de même au sujet du TTIP

Le résultat du vote des députés européens sur la traçabilité des "minerais de sang" semblait plié d’avance. Il ne l’était pas. L’eurodéputé roumain du Parti populaire européen (PPE, centre-droit) Iuliu Winkler, rapporteur du texte, était pourtant sûr de lui lors de la conférence de presse qu’il a tenue ce mercredi matin, avant même le scrutin, programmé à midi. Il était convaincu de rassembler une (courte) majorité sur un texte qui proposait que les raffineries et les fonderies vérifient, sur base volontaire, l’origine du tungstène, de l’étain, du tantale et de l’or qu’elles traitent. Calqué sur la proposition de la Commission européenne, le rapport Winkler avait d’ailleurs été approuvé en commission parlementaire du commerce international, en avril dernier.

Les espoirs de M. Winkler ont été anéantis par le vote en plénière d’un amendement déposé par l’eurodéputé belge Louis Michel (Alliance des libéraux et démocrates européens, ALDE). En quelques phrases, celui-ci détricotait l’accord conclu par les groupes parlementaires de droite (PPE, ALDE, Conservateurs et réformistes européens, europhobes et élus d’extrême droite). Naviguant à l’encontre de son président de groupe et compatriote, Guy Verhofstadt, l’ancien chef de la diplomatie belge a ainsi réclamé que les quelque 800 000 entreprises européennes utilisant "les minerais du sang" soient contraintes d’assurer la traçabilité d’un bout à l’autre de la chaîne d’approvisionnement. En d’autres termes, il s’agit de savoir qui fournit quoi à qui dans un process qui va de la mine d’Afrique au smartphone, à l’ordinateur ou au réfrigérateur, par exemple. Un changement tout sauf anodin quand l’on sait que l’extraction de ces minerais se fait dans des conditions humainement inacceptables et que leur trafic alimente les caisses des groupes armés.

Union sacrée Michel-Arena

Par ce vote, le Parlement européen affiche une position plus forte que celle exprimée par le rapport Winkler. Elle a été appuyée par une majorité alternative (Socialistes & démocrates, Verts, Gauche unitaire, Italiens du mouvement 5 Etoiles auxquels se sont ralliés des libéraux dissidents parmi lesquels les Belges Frédérique Ries, Hilde Vautmans et Gérard Deprez et certains PPE dont le CDH Claude Rolin).

Cette majorité a obtenu le report du vote en première lecture et le renvoi du texte en trilogue Commission-Conseil-Parlement. La négociation s’annonce tendue : les Etats membres ne sont pas favorables à la traçabilité généralisée. "Il va falloir convaincre les Vingt-huit", confirme la socialiste belge Marie Arena qui suit ce dossier pour son groupe. "Il faut que les chefs d’Etat et de gouvernement se rallient à la ligne définie par le Parlement. Celle-ci tient compte à la fois des valeurs humanistes et des valeurs économiques, elle va dans le sens d’une économie émancipatrice pour les pays d’Afrique. Qui plus est, elle me semble s’imposer dans le contexte de crises migratoires. Comment s’étonner que des gens viennent chercher une vie meilleure chez nous si nous ne faisons rien pour arrêter de les appauvrir et de financer indirectement les guerres dans leur pays ?"

La socialiste a rendu hommage au travail du libéral Michel. "On a évité une version dérisoire et inefficace que le Conseil aurait encore plus affaiblie", s’est félicité l’ex-commissaire européen au Développement, avant de saluer "le soutien indéfectible de Marie Arena". Tous deux confirment avoir travaillé de concert depuis plusieurs semaines sur un dossier qui les a rassemblés au-delà des postures politiques traditionnelles.
Avec au final, un coup de théâtre.

VÉRONIQUE LEBLANC, CORRESPONDANTE À STRASBOURG, AVEC OLEB Publié dans La Libre le mercredi 20 mai 2015


Un contrôle tout au long de la chaîne de production

L’étain, le tantale, le tungstène et l’or sont utilisés dans de nombreux secteurs : automobile, électronique, aérospatial, emballage, construction, éclairage, industrie et outillage, ainsi qu’en bijouterie. Ils sont essentiellement importés de la République démocratique du Congo et de la région des Grands Lacs, et leur trafic finance les groupes armés, qui par ailleurs se disputent le contrôle des mines, avec de dramatiques conséquences pour les populations locales.
Le Parlement européen entend que tous les importateurs dans l’Union obtiennent "une conformité obligatoire" qui assure qu’ils n’alimentent pas les conflits et les violations des droits de l’homme dans les zones de conflit.

Le texte s’applique aux quelque 880 000 entreprises européennes, et pas seulement aux fonderies et raffineries, intervenant en "aval" - c’est-à-dire dans la transformation de ces minerais et la fabrication de produits de consommation. Elles seront obligées d’informer des mesures qu’elles prennent pour identifier et traiter les risques dans leurs chaînes d’approvisionnement des minéraux et des métaux concernés. Ce "devoir de diligence", basé sur le guide établi par l’Organisation de coopération et de développement économiques, doit favoriser le choix de l’intervenant le plus "propre" tout au long de la chaîne. Les députés demandent à la Commission de fournir aux microentreprises et aux PME qui le souhaitent une aide financière à la certification.

Le Parlement européen s’est prononcé en faveur d’une clause de révision du régime deux ans après son entrée en vigueur, puis tous les trois ans ensuite. 


Réaction du principal acteur de ce changement

Louis Michel a réagi après le vote des eurodéputés : "Je me réjouis que le Parlement se soit prononcé pour un marché européen des minerais propres en provenance des zones de conflits. La conscience universelle a triomphé sur l’affairisme sordide. Quand les enjeux engagent la conception éthique du bien commun, il est inacceptable de continuer à s’approvisionner en minerais de conflit".

"En adoptant massivement les deux amendements que j’ai introduits, le Parlement s’est désormais clairement positionné pour une approche ambitieuse, réaliste et humaniste. Ces amendements imposent une obligation minimale d’information pour les "entreprises en aval", représentant plus de 99% des opérateurs européens intervenant dans l’importation, la transformation et la commercialisation des minerais et des métaux couverts par le règlement".

Mais l’homme politique libéral ne s’enflamme pas et avertit : "Ce règlement ne sera efficace que s’il induit des changements significatifs dans les pays tiers. C’est pourquoi, l’UE doit mettre en place une approche intégrée visant à renforcer le dialogue politique permanent avec les pays tiers pour promouvoir l’application du devoir de diligence au niveau international".