"Je dois rentrer pour nourrir mes enfants !" Je lui dis alors : "Madame Kessler, vous ne pouvez pas rentrer chez vous. Vos enfants ne sont pas là. Vous êtes maintenant à la maison de retraite de Montefiore." Elle répond : "Je le sais, ne soyez pas idiote. C’est pour ça que je dois partir tout de suite. Je dois rentrer chez moi pour faire manger mes enfants."
Aucune forme de référence à la réalité ne parvient à convaincre Madame Kessler. Elle se sent inutile dans une maison de retraite. Elle a besoin de retrouver son rôle de maman de trois enfants et sa maison pour se sentir utile. Elle s’écarte de moi en me pointant du doigt et marmonne : "Qu’est-ce qu’elle en sait et pour qui elle se prend, celle-là !"
Réorienter les vieillards désorientés vers la réalité, entrer dans leur jeu, parler d’autre chose… Quelle est la bonne attitude ?
Dans ce livre, Naomi Feil nous expose les principes fondateurs de sa méthode, la ValidationTherapy, basée sur une attitude empathique, respectueuse et authentique envers le vieillard désorienté.
Reconnue et utilisée dans le monde entier, la Validation de Naomi Feil est une méthode d’accompagnement pour les personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées.
Ce livre est destiné à tous ceux qui prennent soin des grands vieillards désorientés et les accompagnent au quotidien. La méthode Validation donne aux aidants les moyens d’être plus à l’aise dans l’accompagnement de ces grands vieillards, qui expriment leurs sentiments sans retenue.
La Validation accepte les individus tels qu’ils sont. Elle nous aide à comprendre les raisons cachées derrière les comportements. La Validation aide les personnes désorientées à atteindre leurs objectifs, et non les nôtres.
Naomi Feil est américaine. Elle a grandi dans une maison de retraite dirigée par son père. Après ses études et dans la continuité des travaux menés par son père, elle s’est spécialisée dans l’accompagnement et la communication avec les personnes âgées très désorientées. Déçue à l’époque par les pratiques de prise en charge de ces personnes, elle s’attache à développer sa propre méthode. Ainsi, pendant 17 ans, entre 1963 et 1980, elle met au point et expérimente cette technique qu’elle nomme « validation ». Voici quelques éléments de compréhension pour appréhender cette pratique et tenter d’entrer en relation avec son proche désorienté, atteint de démence.
Qu’est-ce-que la méthode de « validation » proposée par N. Feil ?
Cette méthode a pour objectif de permettre à toute personne qui le souhaite, aidant familial, proche ou professionnel, de maintenir une relation avec une personne âgée très désorientée dans le respect de son identité et de sa dignité, en s’appuyant sur son histoire, son vécu.
Adhérer à cette pratique, c’est penser que « l’âge extrême de la vieillesse sert à quelque chose » et que la personne désorientée, démente, au travers de son comportement, exprime son besoin d’exister et d’être entendue.
Le principe développé par N. Feil est simple : il s’agit de rentrer dans le monde de la personne âgée désorientée, dans sa propre réalité… et non l’inverse !
Mais alors comment faire pour tenter d’entrer en relation avec une personne âgée très désorientée ?
Pour tenter de communiquer avec une personne qui n’a plus la capacité de s’exprimer avec des mots ou plutôt qui n’utilise plus les mêmes « codes » que nous, il est essentiel de mettre tout en œuvre pour instaurer une relation de confiance afin qu’elle se sente apaisée et en sécurité. Pour cela, il est nécessaire que le proche « s’y prépare », qu’il se mette en situation de lâcher-prise, qu’il fasse fi des préjugés, du sens et de tout raisonnement rationnel pour être totalement à l’écoute de la personne désorientée et tenter d’entrer dans « son monde ». S’essayer à la validation selon N. Feil demande une grande faculté d’empathie, c’est-à-dire d’avoir la capacité de se détacher de soi pour prendre en compte les émotions de la personne désorientée, d’essayer de ressentir ce qu’elle ressent, d’être en phase avec elle, sans jugement.
Tenter d’établir une connexion avec une personne désorientée quand les mots ne sont plus accessibles, c’est faire appel aux sens, au vécu de la personne, aux liens émotionnels. C’est l’accompagner par un regard bienveillant, une écoute active, un toucher apaisant, une tonalité de voix calme et rassurante. C’est laisser les émotions et les sentiments s’exprimer et essayer de comprendre ce que la personne veut nous dire, trouver un sens à ce qui n’en a pas pour nous. Dans un climat apaisé, on pourra l’accompagner dans ses mouvements, ses mimiques… Enfin, on l’a vu, s’appuyer sur cette méthode basée sur l’empathie, c’est se donner les moyens de rentrer dans le monde de l’autre, sans vouloir y mettre de cohérence, de bon sens. Ainsi, il sera totalement vain d’essayer de convaincre la personne désorientée de notre réalité, la réalité !
Combien de fois a-t-on entendu par exemple : « elle pense que son mari est encore là et qu’il va venir la voir ». Dans cette situation, le proche ou le professionnel pourra « valider » ces propos en faisant appel à des souvenirs agréables de sa vie avec son mari. Lui mentir « votre mari va venir vous voir » ou l’exposer à la réalité « votre mari est décédé » ne fera que raviver son angoisse et son insécurité.
Dans cet autre exemple : « elle dit qu’on lui a volé ses vêtements », il s’agira d’utiliser le mode qui ? quoi ? où ? quand ? comment ? : « qui les a pris ? » « quand ont-ils disparu ? » ce qui aura pour effet de lui permettre d’exprimer ses émotions et ainsi de calmer ses tensions, sa colère, sa tristesse.
Post published : Dernière publication : 24 mars 2016
Annie Ludinard, Coordinatrice aide aux aidants Post Category : Être accompagné au quotidien Les soins
Principes de la Validation©
- Chaque personne est unique et doit être traitée en tant qu’individu
- Chaque personne est importante, qu’elle soit ou non Malorientée
- Il y a toujours une raison derrière le comportement des personnes Malorientées
- Le comportement du très grand âge n’est pas seulement lié aux modifications anatomiques dans le cerveau : mais il reflète l’ensemle des changements physiques, sociaux et psychologiques qui ont existé au cours de la vie toute entière.
- On ne peut obliger une personne très âgée à changer de comportement. Les comportements ne peuvent changer que si l’intéressé le veut.
- Les personnes très âgées doivent être acceptées sans jugement.
- Des tâches sont associées à chaque étape de l’existence. Le non-accomplissement d’une tâche à l’époque correspondante de la vie, peut entraîner des problèmes psychologiques.
- Quand la mémoire des faits récents est défaillante, les adultes âgés essaient de rééquilibrer leur vécu en se retirant dans leurs souvenirs anciens. Si leur vue faiblit, pour voir, ils utilisent les yeux de l’esprit ; s’ils n’entendent plus correctement, ils écoutent les bruits de leur passé.
- Les sentiments douloureux diminuent s’ils sont exprimés, reconnus, et Validés par une personne de confiance qui sait écouter. Ignorés ou niés, ces mêmes sentiments douloureux augmentent.
- L’empathie crée la confiance, réduit l’anxiété, et restaure la dignité.
Les techniques
- Se concentrer
- N’utiliser que des mots apaisants et concrets, afin de créer la confiance
- Reformuler
- Utiliser la Polarité
- Imaginer le contraire
- Faire se souvenir
- Maintenir un contact visuel sincère et proche
- Utiliser l’Ambiguïté
- Parler d’une voix claire, basse et affectueuse
- Observer, puis copier les mouvements et les émotions de l’intéressé (technique du “Miroir”)
- Associer le comportement avec les besoins humains insatisfaits
- Identifier le sens préféré
- Toucher
- Utiliser la musique
Conclusion
Parmi une vingtaine d’outils usuels proposés par Naomi Feil, la reformulation utilisée avec mesure et discernement confirme à l’interlocuteur qu’il a été entendu. Faisant écho aux mots, au ton, à la gestuelle, elle contribue à engager une prise de contact, une alliance, pour initier une relation propice à l’accompagnement.
INITIER UNE COMMUNICATION FONCTIONNELLE
Naomi Feil s’adresse aux aidants et soignants de personnes âgées gravement perturbées (démences séniles...) mais l’attitude d’empathie et de “validation” qu’elle développe est valable partout pour l’accompagnement des personnes en difficulté.
CHOIX D’UNE VISION POSITIVE PLUTÔT QUE DÉFICITAIRE :
PRÉSUPPOSÉ PSYCHOCOMPORTEMENTAL : TOUT COMPORTEMENT A UNE FONCTION, MÊME SI NOUS NE SOMMES PAS EN MESURE DE LUI ATTRIBUER UN SENS
Je vous invite fortement à lire cet article :
https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2008-3-page-189.htm