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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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Michel Simonis

En Europe, la dette publique va bientôt dépasser une année de PIB.
Article mis en ligne le 22 janvier 2014
dernière modification le 24 janvier 2014

Ce constat est la plus redoutable menace qui frappe notre continent, puisque la dette publique s’enflamme dans une économie sans croissance ni inflation.

Ceci conduit à s’interroger : que représente une dette publique ?

Un peu d’économie pour y voir plus clair.

EXTRAITS d’un article de Bruno Colmant [1]

Certains considèrent qu’elle est étrangère à chaque citoyen, comme si elle n’affectait pas nos patrimoines individuels. Ceux-là argumentent qu’une dette publique n’est jamais remboursée et qu’elle se dilue, au fil des années, dans un refinancement permanent. Sous cet angle, on pourrait imaginer que la dette soit naturelle : elle refléterait un transfert continu des créanciers de l’Etat vers les secteurs publics, à l’instar d’une gigantesque sécurité sociale. La dette publique importerait alors peu. Elle serait à l’épargne privée ce que l’impôt est aux revenus professionnels. Elle serait même ’la’ représentation de la solidarité étatique de l’Etat puisque son refinancement conditionne les mécanismes fiscaux et de redistribution.

Malheureusement, c’est beaucoup plus compliqué. La dette publique constitue, pour les créanciers, un capital. Mais, contrairement à un capital qui représente du travail passé progressivement épargné, la dette publique représente aussi un prélèvement sur le travail futur. Plus spécifiquement, le créancier de l’Etat lui prête avec de l’épargne du travail passé tandis que l’Etat (le débiteur) rembourse sa propre dette grâce à un prélèvement fiscal sur le travail futur. C’est logique : la dette publique est garantie par la capacité de l’Etat à lever des impôts portant, entre autres, sur les revenus professionnels futurs. En s’endettant, l’Etat demande donc à des créanciers de lui faire crédit au motif qu’il sera capable d’exiger un prélèvement sur la création de richesse de ses futurs contribuables. Dès lors, une dette excessive est l’écueil principal à une fluidité du capital et à l’allégement du coût du travail. En effet, si la dette est refinancée par l’impôt, c’est immanquablement le travail qui est frappé.

C’est ainsi que Marx (1818-1883) considérait que la dette publique était sans lien nécessaire avec le processus de production de capital et qu’elle n’était pas un titre sur du capital réel. Il l’assimilait à un capital fictif parce qu’il en voyait l’extinction dans la révolution, état préalable à la victoire du prolétariat. Aux yeux de Marx, cela allait même plus loin : comme la dette publique est un travail passé accumulé gagé par un travail futur, cette même dette devait être annulée par la négation de la propriété privée, qu’il percevait comme un obstacle à l’égalité sociale. Le nihiliste Proudhon (1809-1865) n’avait pas une vision très éloignée.

Quand on prolonge l’analyse marxiste, on doit immanquablement dresser le parallèle entre la dette publique et la monnaie. Ces deux notions constituent l’avers et le revers de la même réalité, puisque tant l’une que l’autre sont émises par les mêmes Etats. La monnaie est une dette financière tandis que la dette publique est une dette sociale.

Comme la dette publique, la monnaie est souveraine. Et, bizarrement, nous opérons la même confusion mentale avec la monnaie qu’avec la dette publique : nous conceptualisons la monnaie comme un acquis privé alors qu’elle reflète un bien public. Et, malgré que nous en soyons les débiteurs individuels, nous visualisons la dette publique comme une obligation collective qui nous est étrangère alors que nous bénéficions des biens publics. Comme la dette publique, la monnaie mesure la stabilité de l’agencement économique. En effet, une monnaie faible reflète un pays moins compétitif, et inversement. Pour cette raison, la crédibilité monétaire découle rarement d’un acte d’autorité. La garantie de la monnaie est plutôt un état de confiance. Sous cet angle, il est illusoire de croire que la monnaie met à l’abri d’un choc financier systémique. En cas de déflagration financière existentielle, la monnaie ne fournit aucune garantie à sa propre survie.

Si, aux yeux de Marx, la dette publique est un capital fictif, la monnaie ne l’est-elle pas davantage ? N’est-ce pas un immense jeu d’écriture qui repose sur de fragiles conventions ? La réponse est indécise parce que la dette publique et la monnaie sont des actes de convictions partagées.

Mais l’effarante réalité, c’est que lorsque la dette publique est trop importante, ce ne sont plus les créanciers qui obligent les débiteurs : ce sont les débiteurs qui imposent des effacements de dettes à leurs créanciers. C’est pour cela que l’excès d’endettement public met irrémédiablement en péril la monnaie. Pour résorber la dette, il faut soit dévoyer la monnaie (c’est-à-dire créer de l’inflation), soit effacer les dettes, comme lors du défaut grec ou de la confiscation des dépôts bancaires chypriotes. Dans ces deux cas de figure, il n’est pas possible de rembourser une dette publique incontrôlée sans corrompre la monnaie.

Marx ne pourrait avoir vu juste que si la résorption de la dette publique passe par la confiscation de la propriété privée, c’est-à-dire l’antimatière de l’économie de marché.

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