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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Les sociétés aussi tombent amoureuses, puis dépriment...
Article mis en ligne le 30 juin 2010
dernière modification le 2 juillet 2010

Je vous propose ici quelques extraits d’un article de Patrick Viveret dans "Nouvelles Clés"

Peut-on décoloniser nos consciences ?
Je pense qu’il faut d’abord faire un arrêt sur image sur le mot conscience. Parce que ce n’est pas de la tarte, l’émergence de la conscience au fil des trois règnes, minéral, végétal, animal ! Imaginez que vous preniez l’une des magnifiques citrouilles qui se trouvent devant nous et que par un coup de baguette magique, vous la dotiez de conscience. Le plus probable, c’est qu’aussitôt elle se demanderait : « D’où viens-je ? », « Où vais-je ? », « Y a-t-il d’autres citrouilles dans l’univers ? », « Suis-je la plus belle ? », « Quel rapport avec les concombres ? »... C’est à dire que d’entrée de jeu, la question égologique se substituerait à la question écologique, parce qu’elle est encore plus complexe. Elle n’est pas simplement dans son univers naturel. La conscience fait émerger une singularité radicale. Et comme en plus, la conscience, c’est la conscience de notre propre mort, vous passez directement de la question « comment survivre ? », question d’adaptation darwinienne, à la question « Pourquoi vivre quand on sait qu’on va mourir ? » Eh oui ! C’est pourquoi je plaide les circonstances atténuantes pour l’espèce humaine.

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La conscience de la mort déclenche du désir et le désir, à la différence du besoin, n’est pas autorégulé par la satisfaction. Il se situe d’emblée sur l’axe vie-mort, donc il est d’emblée illimité.

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Si nous n’étions que des mammifères rationnels, vu que le propre des besoins est d’être autorégulés par la satisfaction, eh bien, par exemple, la réponse libérale, qui consiste à tout faire reposer sur un marché autorégulé, fonctionnerait très bien. J’ai une offre, j’ai une demande de besoins, je mets un système d’autorégulation en perspective, ça finit forcément par s’ajuster. Si les humains étaient ainsi faits, le libéralisme aurait raison. Mais le socialisme de tradition planificatrice aurait tout aussi raison : je fais une planification rationnelle, qui me permet de répondre aux besoins, de les satisfaire, je les hiérarchise, je distingue les besoins individuels et collectifs, ça marcherait très bien aussi.

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La tache aveugle, dans les deux cas, c’est justement qu’on s’occupe des besoins et qu’on ne regarde pas ce qui se passe du côté du désir. Parce que si le besoin est autorégulé par la satisfaction (je mange et, une fois rassasié, même dans un excellent restaurant, je ne peux plus), le désir, lui, parce qu’il est illimité, ne s’autorégule pas. La tache aveugle du libéralisme, c’est par exemple de ne pas voir que quand on est, non pas dans le besoin de richesse, mais dans le désir de richesse, donc dans une forme de lutte contre la mort, même si on est déjà très riche, on en voudra l’être toujours plus, indéfiniment plus. La tache aveugle des traditions socialistes alternatives est, par exemple, de ne pas voir qu’en voulant réguler la passion de richesse par la passion de puissance, et en ne repérant pas que le désir de puissance est, lui aussi, illimité, eh bien, je peux produire un système parfaitement despotique, autoritaire, voire totalitaire. Et on pourrait continuer la suite du côté des traditions religieuses, en disant que le désir dans l’ordre du sens est encore plus illimité et que si vous avez des acteurs qui décident de se placer dans la posture de captation du sens, eh bien, la nature de leur possession sera aussi destructrice, voire davantage, que la possession de pouvoir ou que la possession de richesse.

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Je pense qu’il faut se demander ce que cela voudrait réellement dire que de nous mettre pour de bon sur un programme et une stratégie de type « sobriété heureuse ». Ce qui est sûr, c’est que si l’on veut s’y mettre, il faut une réorientation de la nature du désir. Cela signifie qu’on ne peut plus se contenter de faire la liste rationnelle des raisons pour lesquelles nous allons vers la catastrophe si nous continuons avec nos modèles de croissance actuelle.

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Il faut jouer sur l’enjeu du désir. Et là où la question du désir est fondamentale, c’est que le désir peut être parfaitement illimité - c’est sa nature - quand il est de l’ordre de l’être. Cela ne pose pas de problème. Alors que quand il est de l’ordre de la possession et de l’avoir, il fait des dégâts considérables. Fouillons cette idée. Dans l’ordre de l’être, par exemple, prenez les trois grandes aspirations à une vraie communication - nous vivons dans des sociétés obsédées par les techniques de communication, mais qui ont poussé à un degré inédit dans l’histoire une triple rupture de communication : avec la nature, avec autrui (qui est en permanence considéré comme un rival menaçant), avec soi-même (la sérénité, la vie intérieure, le meilleur des traditions de sagesse et de spiritualité). Or, quelle est la réponse à cette triple rupture ? Du côté de la nature, ça s’appelle la beauté. Du côté de la relation à autrui, ça s’appelle la paix, l’amitié ou l’amour. Et du côté de la relation à soi, ça s’appelle la sérénité. Qui pourrait sérieusement dire que l’humanité serait menacée par un désir illimité dans l’ordre de la beauté, de la sérénité et de l’amitié ?

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Parce qu’une démocratie ne fonctionne bien que si l’autre n’est pas simplement toléré, mais rendu nécessaire. « J’ai besoin de la différence de l’autre, de sa divergence, pour me nourrir moi-même. » Ça n’est plus simplement de la quantification démocratique, c’est de la qualité...

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La qualité démocratique, c’est le moment où je me dis : « Peu importe si je représente 35%, ou 56% ou 68%, ce qui m’intéresse, c’est la qualité de mise en débat - ou en expérimentation, ou en transformation - qui fait que je vais pouvoir m’approprier les approches différentes des miennes. À ce moment-là, on entre dans ce qu’on pourrait appeler, par analogie avec la Haute Qualité Environnementale, de la « Haute Qualité Démocratique ».

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