Pister serait une activité que nous partageons depuis des millénaires avec les animaux et qui colorerait nos activités cognitives et affectives dans notre vie quotidienne d’aujourd’hui.
Si le livre m’a paru difficile à lire, d’une écriture pas toujours fluide et harmonieuse, j’ai apprécié quelques passages marquants et surtout la remarquable préface de Vinciane Despret.
Je vous en donne ici les extraits les plus significatifs à mes yeux.
Ces extraits font suite à la séquence de lecture que j’ai proposé dans cette "Convergence de lectures" [1]
1 Extraits de la préface de Vinciane Despret
Pister, c’est apprendre à détecter les traces visibles de l’invisible ou, encore, c’est transformer de l’invisible en présences.
Jean-Christophe Bailly nous l’avait rappelé : la manière propre d’habiter leur territoire, leur ’chez-soi’, pour grand nombre d’animaux, consiste à se dissimuler au regard - ’vivre, en effet, c’est pour chaque animal traverser le visible en s’y cachant”. Nombre d’entre nous en ont fait l’expérience, nous pouvons nous promener en forêt des heures durant et ne rien capter de leur présence et même totalement ignorer leur existence. S’imaginer ce monde inhabité, se croire seuls. Oui, si nous ne prêrons pas attention aux signes. Mais pour peu que l’on change la manière d’arpenter les espaces, d’y accorder l’attention qui convient, d’apprendre les règles qui ordonnent les traces, nous voilà, sur la piste des invisibles, à devenir lecteurs de signes. Chaque trace témoigne d’une présence, d’un ’quelqu’un a été là’ avec qui il s’agit à présent de faire connaissance, sans nécessairement le rencontrer.
Géopolitique : ’Pister, c’est l’art d’enquêter sur l’art d’habiter des autres vivants’
Ce que la pratique du pistage rend perceptible, également, c’est que suivre, c’est marcher avec. Marcher devient un acte de médiation. Ni à côté, ni en même temps : dans les pas d’un autre qui suit son propre chemin et dont les traces sont autant de signes qui cartographient ses désirs-y compris le désir d’échapper à son pisteur s’il en a saisi la présence. ’Marcher avec’, sans simultanéité et sans réciprocité, relève ainsi des expériences par lesquelles on se laisse instruire par un autre être : se laisser guider, apprendre à sentir et à penser comme un autre (qui, peut-être lui-même, comme le loup se sentant suivi, est en train de tenter de penser comme celui qui suit sa trace, on en découvrira l’histoire), se déprendre de sa propre logique pour en apprendre une autre, se laisser traverser par des désirs qui ne sont pas les nôtres. Et surtout, imaginer et penser à partir des signes laissés par l’animal, là où le conduisent ses intentions et ses habitudes, pour ne pas en lâcher la trace. Surtout, ne pas la lâcher. Ce que nous apprend l’art du pistage, c’est à ne pas perdre ce qu’on ne possède pas. ..
On peut donc ’rencontrer’ au sens de commencer à connaître, sans nécessairement être au même moment dans un même lieu- faire connaissance. ’Marcher avec’ en différé et à distance pour mieux se laisser instruire. Convoquer l’imagination pour rester connecté à une réalité fragile. C’est ce que la philosophe américaine Donna Haraway a magnifiquement défini comme ’l’intimité sans proximité !’.
Rencontrer un animal par signes interposés revient alors à dresser un inventaire d’habitudes qui dessinent, progressivement, une manière de vivre, une manière d’être, une manière de penser, de désirer, d’être affecté.
La forme d’enquête que propose Baptiste Morizot indique d’abord une mutation profonde dans nos relations aux autres qu’humains. Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir vivre autrement avec les animaux, à rêver de renouer d’anciens rapports, de reprendre langue, comme on dit. Mais comment ? Que devons-nous faire ? Que devrions-nous apprendre ? Comment habiter avec d’autres êtres qui nous sont, pour la plupart, totalement étrangers ? Baptiste Morizot soulignait à cet égard, non sans humour, que, depuis les années 1960, ’nous cherchons une vie intelligente dans l’univers, alors qu’elle existe sous des formes prodigieuses sur Terre, parmi nous, sous nos yeux, mais discrète d’être muette ?’. Nous lançons des sondes et même des messages aux quatre coins de l’univers, et nous promenons en forêt aussi bruyants qu’une troupe de babouins en goguette, ce qui ne peut que confirmer cette étrange conviction que nous sommes seuls en ce monde. Il est temps de revenir sur terre.
C’est là que cette enquête intervient. Comme enquête géopolitique, elle s’efforce de trouver les moyens de répondre à la question du comment habiter ensemble avec les autres qu’humains, non plus comme un rêve assez abstrait du retour à la nature, mais concrètement, pratiquement.
Contrairement aux premières (les plus anciennes pratiques des chasseurs), il ne s’agit plus de connaître pour s’approprier et, contrairement à la seconde (l’éthologie), il ne s’agit plus seulement de connaître pour connaître, mais de ’connaître pour cohabiter dans des territoires partagés’. Ce qu’il s’agit de remettre au travail, avec le pistage, c’est la possibilité de tisser des rapports sociaux avec les autres qu’humains.
’On ne change de métaphysique qu’en changeant de pratiques’
Pister, donc, c’est un art de voir l’invisible pour configurer le cadre d’une authentique géopolitique. On l’a évoqué, rien de surnaturel dans ces invisibles même si chaque découverte relève d’une certaine magie, celle du pistage ’qui fait lever les signes’’.
Et si même nous nous contentons seulement d’affirmer notre volonté de protéger la nature,"nous n’échapperions pas à ce que ce terme continue de véhiculer, en l’occurrence qu’il y aurait, là, devant nous ou autour de nous, une nature passive, en somme un objet d’action - voire un site de récréation ou de ressourcement spirituel.
Le projet de Morizot nous demande donc de nous défaire d’une métaphysique qui a largement fait ses preuves en matière de dégâts et qu’on ne peut espérer accommoder avec de meilleures intentions. (…)
Le pistage, comme pratique géopolitique, devient alors l’art de poser des questions quotidiennes, des questions dont les réponses vont composer des habitudes, préparer les alliances ou anticiper les conflits possibles, pour tenter de leur trouver une solution plus civilisée, plus diplomatique : ’Qui habite ici ? Et comment vit-il ? Comment fait-il territoire en ce monde ? Sur quels points son action impacte-r-elle ma vie, et inversement ? Quels sont nos points de friction, nos alliances possibles et les règles de cohabitation à inventer pour vivre en concorde ?”
(p.14)
’Un détour possible pour rentrer chez soi’
Pister, c’est apprendre à retrouver un monde habitable et plus hospitalier où se sentir ’chez soi’ ne fait plus de nous des petits propriétaires avares et jaloux (maîtres et possesseurs de la nature comme il paraissait si évident de le penser), mais des cohabitants s’émerveillant de la qualité de la vie en présence d’autres êtres.
Pister, c’est enrichir des habitudes. C’est de l’ordre du devenir, de la métamorphose de soi : ’activer en soi les pouvoirs d’un corps différent’, comme l’écrit l’anthropologue Eduardo Viveiros de Castro, c’est retrouver en soi la curiosité sautillante du corbeau, la manière d’être vivant du ver - peur-être même, comme lui, se sentir respirer par sa peau-, la patience désirante de l’ours, ou celle repue de la panthère ou encore, bien différente, celle des parents loups d’un louveteau turbulent. Accéder, comme le dit Baptiste Morizot, ’aux invites propres à un autre corps’.
Mais ’tout cela, ajoute-t-il, est bien difficile à formuler, il faut tourner autour’.
’La langue française, que j’ai embrassée et faite mienne au cours d’un long apprentissage, est issue de l’âge de Descartes. Elle porte en elle, en un sens, la trace de cette coupure fondamentale à partir de laquelle il devient possible de ranger les vivants non humains dans la catégorie des machines à exploiter. Il est triste de constater que la langue d’après Descartes m’obscurcit quelque peu la vue quand je contemple le monde animalier, si foisonnant, si généreux, si bienveillant de Montaigne.’ (Akira Mizubayash, ’écrivain d’origine japonaise)
Nous héritons donc d’une langue qui, à certains égards, accentue la tendance à désanimer le monde autour de nous - en témoigne le simple fait, pour ne citer que cet exemple que soulignait Bruno Latour, que nous n’ayons à notre disposition que les catégories grammaticales de passivité et d’activité.
Raconter le pistage, comme le fait Morizot, raconter les effets de ce ’retour chez soi’ lui a demandé d’apprendre à se défaire de certains mots, à ruser avec la syntaxe pour rendre compte de présences ou, plus précisément, d’effets de présence, pour évoquer des affects qui traversent le corps, la joie, le désir, la surprise, l’incertitude, la patience, la peur parfois… (…)
Créer, en d’autres termes, une poétique de l’habiter, une poétique expérimentale et au grand air, des corps pluriels.
Au-delà de tout ce que ce livre nous apprend de ce que peuvent les animaux et de ce que peuvent les humains qui vont à leur rencontre, au-delà des propositions politiques concrètes et si novatrices pour une autre façon d’habiter la terre avec d’autres, Morizot nous propose d’explorer non seulement les confins si proches de notre monde, mais les limites mêmes de notre langue. Pour dire l’événement de la vie.
Où irez-vous demain ? Mais, dès les premiers mots, vous serez déjà en route.
[(Extraits de la préface de VINCIANE DESPRET au livre de Baptiste Morizot “Sur la piste animale”.
2
L’anthropologue Claude Lévi-Strauss soutient dans une page célèbre que l’impossibilité de communiquer avec les autres espèces avec lesquelles on partage la terre est une situation tragique et une malédiction. Lorsqu’on lui demande ce que c’est qu’un mythe, il répond en effet : ’Si vous interrogiez un Indien américain, il Y aurait de fortes chances qu’il réponde : une histoire du temps où les hommes et les animaux n’étaient pas encore distincts. Cette définition me semble très profonde. Car, malgré les nuages d’encre projetés par la tradition judéo-chrétienne pour la masquer, aucune situation ne paraît plus tragique, plus offensante pour le cœur et l’esprit, que celle d’une humanité qui coexiste avec d’autres espèces vivantes sur une terre dont elles partagent la jouissance, et avec lesquelles elle ne peut communiquer. On comprend que les mythes refusent de tenir cette tare de la création pour originelle ; qu’ils voient dans son apparition l’événement inaugural de la condition humaine et non de l’infirmité de celle-ci”.
Or cette “tare de la création’ est en un sens une vue de l’esprit : la communication est possible, même si elle est difficile, toujours sujette au malentendu créateur, toujours ourlée de mystère. Elle n’a jamais cessé de l’être, sauf pour une civilisation qui a défiguré les autres vivants en machines, matière régie par des instincts ou altérité absolue régie par des rapports de force.
Si néanmoins la définition du mythe que Lévi-Strauss propose est la bonne, alors le pistage apparait, de manière énigmatique, comme une voie possible, parmi d’autres, pour éprouver et accéder au temps du mythe lui-même.
(p 27)
3
Même après sa disparition de nos écosystèmes, le loup était visible dans la grâce des chevreuils, comme un écho d’un très lointain passé. La grâce des chevreuils est un cadeau des loups. En exerçant une pression de prédation, les loups sont les opérateurs de la sélection naturelle et produisent ainsi des chevreuils plus agiles, plus vifs, plus alertes, plus malins, plus puissants. Cette vitalité extrêmement aiguë, cette presque perfection sans modèle, tissée dans ses propres conditions écologiques, lorsqu’on la pressent dans le mouvement désinvolte du chevreuil rencontré par hasard, qui broute ou glisse de lisières en soleils, c’est, précisément, ce qu’on appelle sa grâce.
C’est peut-être un invariant de la rencontre animale : quand on croise un animal sauvage par hasard dans la forêt, une biche qui lève les yeux vers soi, on a l’impression d’un don, un don très particulier, sans intention de donner, sans possibilité de se l’approprier.
(p. 40)
4
Dans un chant sioux, le chanteur raconte qu’il est transformé en ours. Il se voit avancer dans la prairie, son pied transformé en patte, et le chant dit :
Ma patte est sacrée
Il y a des simples partout
Ma patte
Il y a des simples partoutMa patte est sacrée
Tout est sacré
Ma patte
Tout est sacré
Les simples, ce sont les plantes sauvages médicinales, aromatiques ou nutritives qu’on trouve partout dans les friches, les forêts, les interstices du béton et les prairies. Des chercheurs ont découvert à El Sidron les restes d’un jeune Néandertalien, mort il y a quelque cinquante mille ans, dont le tartre dentaire montre qu’il mâchait des bourgeons de peupliers, dont les propriétés antalgiques et anti-inflammatoires ont été récemment découvertes par les biologistes. Il est assez mystérieux, quand on y réfléchit, que des plantes sauvages, qui ont évolué parallèlement à nous, recèlent des substances qui nous soulagent, nous soignent, nous réjouissent, nous font vivre. Des plantes qu’on n’a ni cultivées ni sélectionnées, et qui spontanément, lorsqu’on sait les trouver et les utiliser, sont pour les humains depuis trois cent mille ans des remèdes à portée de main, offerts et imprenables, dans le mystère intact de leur généreuse origine. Dans un monde où ’il y a des simples partout’, il n’est pas absurde de soutenir que ’tout est sacré’. C’est bien une autre cosmologie qui se dit dans ce phénomène, et dans ce chant : le monde naturel n’est pas d’abord une sauvagerie inhospitalière à civiliser à la sueur de son front, ce n’est pas un cosmos absurde de matière inerte à portée de main, c’est d’abord un environnement donateur que l’éco-évolution a rendu étonnamment prodigue pour tous. Un chez-soi inappropriable, parce que le foyer lui-même n’est pas un habitat de matière physique inerte : ce qu’on habite, c’est le tissage intime des autres habitants.
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Avec l’art du pisteur originel, figure du premier enquêteur de l’humanité, on assiste probablement à quelque chose comme l’émergence de notre intelligence. Mais c’est une intelligence d’une grande écosensibilité : sensible aux finesses vibratiles du monde vivant, à son cosmos bigarré de significations et d’interactions. C’est une intelligence écologique que l’on a comme oubliée quelque part, dès lors qu’on a pensé l’environnement donateur comme Nature, puis la nature comme matière, et qu’on s’est refermé dans notre huis clos humain, perdant le contact avec la grande politique vitale de la communauté animale et végétale. C’est une intelligence qui mérite probablement d’être réinventée pour aujourd’hui, nourrie des recherches des sciences, des savoirs traditionnels et des puissances évocatoires des arts, pour cohabiter en bonne intelligence avec le vivant autour de nous et en nous.
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Le pistage pourrait être vu comme une activité primale et omniprésente , fondatrice de notre condition cognitive et constitutive de nos matrices affectives.
Temple Grandin, spécialiste du comportement animal de première ordres, analyse ainsi la puissance émotionnelle qui nourrit nos projets les plus divers comment un dérivé du pistage évolutionniste. Par le le biais des avancées de la neurobiologie animale, elle la traduit en un état d’amour neuronal du désir même de chercher, et pas du seul plaisir de trouver. Elle propose ainsi une théorie du sens profond de l’activité humaine qu’est la ’quête’, mythifiée dans la chevalerie occidentale, les légendes nordiques, les romans policiers, et probablement toutes les littératures d’aventure. Son analyse consiste à aller chercher dans la vie animale des singularités comportementales qui nous éclairent sur nous-mêmes.
Grandin s’appuie sur les résultats expérimentaux du neuroscientifique Jaak Panksepp. Ce dernier propose l’idée de système ’chercheur’ (il écrit SEEKING en majuscules pour qualifier le système neuronal en activité lorsque se manifestent chez le vivant des émotions ’d’intérêt intense, de curiosité attentive et de vive anticipation’ procurées par la recherche de la nourriture. Ces émotions sont aussi présentes durant la recherche d’un abri ou d’un partenaire sexuel.
Les découvertes de Panksepp sont à cet égard décisives, car il a associé ce circuit à quelque chose de profondément nouveau :
’Les chercheurs pensaient que ces circuits étaient le centre du plaisir, parfois appelé centre de la gratification. Puisque la dopamine est le principal neurotransmetteur de cette zone, ils la considéraient comme le médiateur chimique du plaisir... ’
Il s’avère en fait que ce que les animaux de laboratoire étudiés stimulent pour obtenir la synthèse de dopamine, ce n’est pas le système du plaisir, c’est le centre ’chercheur’ du cerveau :
’Ce que stimulaient les rats, c’étaient leurs circuits curiosité-intérêt-anticipation : le plaisir est d’être excité par quelque chose et très intéressé par ce qui se passe, de vivre intensément, pourrait-on dire.’
Ce qui est vrai pour la recherche de nourriture en général est accentué pour la prédation en particulier : parce que la nourriture y est plus difficile à obtenir. On peut faire l’hypothèse qu’un prédateur avec une base comportementale induisant une joie intense lors de la chasse possède par là un avantage adaptatif susceptible d’être accentué par la sélection. De manière plus générale, comme l’a vu Darwin, l’évolution tend à inscrire en nous des joies pures à faire ce qui est bon pour nous (ici au sens de ce qui augmente la valeur sélective d’une manière ou d’une autre). Or Panksepp montre que la chasse active les mêmes réseaux que le système chercheur (curiosité, intérêt, anticipation) avec les mêmes sensations agréables, les mêmes joies de la quête”.
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”Cette zone du cerveau commence à s’activer quand l’animal perçoit qu’il pourrait y avoir de la nourriture à proximité et cesse de s’activer quand il voir effectivement cette nourriture. Le circuit chercheur s’excite pendant la recherche de nourriture, mais pas une fois qu’elle est trouvée et ingérée. C’est la recherche qui est agréable.’
La dopamine serait l’hormone, non du plaisir, mais de la quête. Le pistage comme ardente recherche, ce serait l’essence animale de la quête humaine. L’ensemble complexe des émotions d’intérêt, d’anticipation, de curiosité attentive, d’énergie inépuisable, de sensation de flow, serait une exaptation, donc un détournement, d’un circuit cérébral dont la fonction originelle était de nous intéresser immodérément à ce qui était important pour notre survie.
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Grandin est une grande éthologue des humains : elle rend compte de qui nous sommes en faisant justice à la grande puissance de la vie animale en nous, à sa détermination plurivoque et subtile, loin de tout déterminisme physicochimique simpliste. Sans nous déparer de notre humanité, elle la vitalise. Elle rend visible le mystère d’être un corps animal, loin de la jubilation mauvaise d’avilir l’humain en le réduisant à un animal, caractéristique d’un certain réductionnisme qui confond corps et machine, animalité et bassesse primitive. Elle nous empêche d’oublier que nous sommes d’abord un corps dans les expériences spirituelles de l’existence : l’amour, la peur et l’angoisse existentielle, la pensée la plus haute, la recherche et la curiosité, le désir, la paix.
Voilà la force d’une analyse de la vie humaine en termes biologiques : elle se manifeste lorsqu’on peut rendre intelligibles les aspects les plus subtils et hauts de l’existence humaine sans les avilir.
Pister aujourd’hui prend alors une autre dimension.
Il ne s’agit plus seulement d’une pratique naturaliste folklorique ; il s’agit de puiser, selon la formule de Paul Shepard, ’aux sources du Pléistocène’. Loin d’une expérience romantique de vie nue dans les bois, cette connexion prend une forme précise : elle consiste à laisser remonter en nous un fragment de notre biogramme humain, en coïncidant avec cet acte originel qu’est le pistage, qui aurait façonné effectivement une part de nos aptitudes cognitives et affectives, et ainsi une partie de qui nous sommes.
(p. 181 - 187)
Pour les nombreuses notes, je vous renvoie au livre de B. Morizot