Extraits d’une Rencontre du 27 mai 2021 avec Peggy Totte par Isabel Wagemans
L’architecte et urbaniste Peggy Totté est l’auteure de publications et d’expositions consacrées à l’étude de ces nouvelles formes. Dans cet entretien, nous enfourchons deux de ses chevaux de bataille : l’habitat partagé et la coopérative d’habitation.
La première nouvelle forme d’habitat étudiée par Peggy Totté est l’habitat partagé ou cohousing. Pour l’association culturelle Architectuurwijzer, elle a organisé l’exposition « Housing apart together », regroupant une vingtaine de projets d’habitat collectif. Il s’agit chaque fois d’un groupe de personnes ayant choisi d’avoir leur propre unité d’habitation dans un bâtiment disposant de divers espaces partagés tels qu’une buanderie, un jardin ou même une salle polyvalente et des chambres.
L’étude anthropologique lui a aussi appris que les meilleurs projets sont ceux où peuvent s’intégrer des personnes qui n’ont pas l’esprit de groupe, où les moments passés en groupe ne sont pas source de contraintes et où chacun peut retrouver son intimité à sa guise. « Un voisin qui se trouve sur sa terrasse privée peut signaler qu’il a besoin d’intimité et n’a pas envie de passer un moment en groupe. Cela se traduit par une grande qualité d’habitat, parce qu’on peut compter sur les autres et partager des activités tout en veillant à respecter le besoin d’intimité de chacun.
Certains groupes optent explicitement pour un projet d’habitat durable, en oubliant parfois que la situation joue elle aussi un rôle important. C’est par exemple le cas d’une ferme en carré située loin de tout.
Coopératives d’habitation ?
Une autre nouvelle forme d’habitat susceptible de fortement séduire Peggy en tant qu’urbaniste et architecte, c’est la coopérative d’habitation. Dans notre pays, on trouve des coopératives en tous genres dans tous les secteurs.
Quant aux coopératives d’habitation, elles existent aussi. Elles construisent aussi bien des projets d’habitat partagé que des habitations ou appartements classiques.
vos parts et avec vos revenus locatifs. En tant qu’actionnaire, chacun a son mot à dire dans la gestion, explique Peggy. Le terrain appartient également à la coopérative, sauf lorsque la commune le met à disposition, par exemple par le biais d’une emphytéose. Dans ce cas, la coopérative dispose d’un droit d’utilisation du sol pendant 99 ans. »
Habitat abordable
Par ailleurs, il ne faut pas obligatoirement détenir (beaucoup) de parts d’une coopérative d’habitation pour pouvoir y habiter à prix abordable. L’habitat abordable est précisément l’objectif de wooncoop, qui lance aujourd’hui des projets d’habitat dans tout le pays. Créée à Gand en 2017, cette coopérative s’adresse à plusieurs profils, à un public avec plus ou moins de moyens financiers, qui constituent ensemble une part importante du capital. Chacun loue ensuite à prix cotant, ce que wooncoop appelle « louer à soi-même ».
Créée à Gand en 2017, la coopérative wooncoop s’adresse à plusieurs profils, à un public avec plus ou moins de moyens financiers. Ici, le projet Moos°Herk à Hasselt.
“ Dans les années 1920 fut votée une loi sur les logements sociaux permettant aux coopératives de construction d’emprunter à un taux de 2,75% sur une durée de 66 ans.” À peine trois ans plus tard, suite à un changement de politique, on décide de ne plus travailler avec les coopératives. De cette courte période, il nous reste ce qu’on appelle les cités-jardins aux noms à la fois prometteurs et pratiques tels que la Cité Moderne (Berchem-Sainte-Agathe, toujours sous gestion coopérative), le Logis-Floréal (Watermael-Boitsfort) ou Veertig Huizen (Waregem, qui n’est plus sous gestion coopérative).
Le modèle suisse
Dans de nombreux pays voisins, la coopérative de construction et d’habitation a toutefois été préservée. Peggy est elle-même allée chercher de nombreuses informations en Suisse, et plus précisément à Zurich. « Les coopératives y représentent plus de 20 % de l’offre d’habitation en ville. Chaque habitant de Zurich a, un jour ou l’autre, déjà investi de l’argent dans une coopérative d’habitation. Personne ne trouve étrange que les banques appliquent un taux d’intérêt négatif sur l’épargne. »
Les architectes pour qui elle organisait un voyage d’étude ont écarquillé les yeux. “Ils ne connaissaient pas ce modèle, mais lorsqu’ils ont vu les bâtiments, ils se sont rendu compte qu’ils aimeraient beaucoup travailler pour des coopératives. Contrairement aux promoteurs immobiliers qui visent un bénéfice maximal en multipliant le nombre de petits appartements sur un terrain, les coopératives d’habitation veulent avant tout construire des bâtiments durables offrant un habitat de qualité. Cela se concrétise par des bâtiments réellement intéressants.”
Financièrement intéressant
L’architecture durable et la qualité d’habitat peuvent indubitablement convaincre un large public de la pertinence de la coopérative d’habitation. Reste à savoir si c’est financièrement intéressant.
Il est indispensable de s’appuyer sur l’enthousiasme de villes et communes pionnières. Peggy Totté
Par comparaison, la location est beaucoup plus avantageuse dans une coopérative que sur le marché privé.
Cohousing + coopérative = ?
Tout cela est très différent de la manière dont la plupart des groupes d’habitat partagé se sont organisés jusqu’ici. « À quelques exceptions près, la plupart des habitants d’un cohousing optent pour une Association de Copropriétaires, selon des principes bien connus calqués sur l’immeuble à appartements. » Créer une coopérative est toutefois moins intéressant si on ne fait qu’un seul projet. « Certains aimeraient constituer une coopérative, mais lorsqu’ils passent chez le notaire et calculent les coûts, ils finissent par opter pour l’association de copropriétaires qui les dispense de l’impôt sur le patrimoine et leur permet d’obtenir individuellement un prêt bancaire. »