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Michel Simonis

21 novembre 2020 • Vers la création d’un délit d’écocide
Article mis en ligne le 20 décembre 2020

INTERVIEW - Le gouvernement français crée un "délit d’écocide" pour punir les atteintes les plus graves à la nature.
L’annonce vise à répondre aux propositions de la Convention citoyenne qui craint de voir son travail détricoté.

Barbara Pompili et Eric Dupond-Moretti : "Nous créons un délit d’écocide"
Le Journal du Dimanche , le 21 novembre 2020
Par
Marianne Enault et Pascal Ceaux

Extraits

Cyril Dion avait soufflé au Président l’idée de la Convention. Macron s’était engagé à les transmettre sans filtre, or elles sont modifiées avant !" En quelques jours, sa pétition pour "sauver la Convention" a recueilli près de 240.000 signatures.

Lundi, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, et la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili vont annoncer au groupe de travail juridique des citoyens la création de juridictions spécialisées pour l’environnement. Une réforme qui était déjà dans les tuyaux mais qui est aussi présentée comme une réponse à la Convention. "Nous créons un délit d’écocide", annoncent également les deux ministres.

Dès le départ, le Président leur avait indiqué aux citoyens que la rédaction proposée pour l’écocide ne pouvait être retenue telle quelle. Elle était en effet trop imprécise, ce qui la rendait potentiellement inconstitutionnelle. Reste que les problématiques posées sont réelles. On a donc mis en place un groupe de travail sur le sujet avec les citoyens dont les échanges ont permis d’aboutir à des avancées majeures pour la protection de l’environnement que nous allons inscrire dans notre droit avec des peines renforcées pour les atteintes à l’environnement, des contrôles qui seront plus efficaces et un fonctionnement de la justice plus spécialisée 

Eric Dupond-Moretti  : Nous avons travaillé ensemble et entre nos deux ministères, ce n’est pas un mariage de raison mais un mariage de passion. J’ai la conviction absolue que la transition écologique ne peut pas se faire sans le concours de la justice. Je veux mettre fin au banditisme environnemental car il existe. Sur le terrain symbolique, le choix de ce mot, "crime", est un mot important. Mais à l’enthousiasme citoyen qui s’est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal. Or, le Comité légistique [qui a travaillé avec les citoyens pour traduire juridiquement leur proposition, NDLR] leur avait déjà clairement indiqué que l’écocide ne pouvait pas recevoir de traduction juridique en ces termes, notamment pour des questions de proportionnalité entre l’infraction commise et la sanction encourue. Comme je l’avais dit cet été, il s’agit de délits et non de crimes. C’est la raison pour laquelle nous allons créer plusieurs nouveaux délits. 

• Nous allons créer un délit général de pollution

La notion symbolique de "crime d’écocide" disparaît donc…


Eric Dupond-Moretti  : Vous parlez de symbolique… en 36 ans de barreau, je n’ai jamais vu un homme condamné avec des mots. On est condamné avec du droit et grâce au droit. 

Nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur. Les peines encourues vont de 3 ans d’emprisonnement à dix ans d’emprisonnement selon qu’on est en présence d’une infraction d’imprudence, d’une violation manifestement délibérée d’une obligation et la plus lourde, d’une infraction intentionnelle. Les amendes vont de 375 000 euros à 4,5 millions d’euros. Dans les cas les plus graves, d’une infraction intentionnelle ayant causé des dommages irréversibles à l’environnement, on peut parler de délit d’écocide.

• Nous créons un deuxième délit, celui de mise en danger de l’environnement

Aujourd’hui, certains choisissent de polluer car cela leur coûte moins cher. Par exemple, il est moins onéreux d’ouvrir ses silos à béton et de polluer un fleuve que de les faire nettoyer par des professionnels. Ça va changer. Autrefois, vous polluiez vous gagniez, demain vous polluerez, vous paierez jusqu’à dix fois le bénéfice que vous auriez fait si vous aviez jeté vos déchets dans le fleuve. Je souhaite que l’on soit extrêmement dissuasif. Puis nous créons un deuxième délit, celui de mise en danger de l’environnement. Le texte vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l’environnement par des violations délibérées d’une obligation. La peine qui est encourue est d’un an de prison et de 100.000 euros d’amende. 

Barbara Pompili  : C’est en fait la traduction, en des termes juridiques précis, de ce que demandaient les promoteurs historiques de la reconnaissance de l’écocide avec l’instauration d’un délit transversal d’atteinte à l’environnement. On va être lourdement sanctionné quand on ne respecte pas un certain nombre d’obligations de sûreté, non seulement quand cela aura entraîné une pollution, mais aussi même si la pollution n’a pas lieu. Plus personne ne passera à travers les gouttes et c’est un puissant signal pour que tout le monde respecte le droit de l’environnement. On va aussi instaurer un dispositif de remise en état pour réparer l’atteinte constatée, via une Convention judiciaire d’intérêt public. Il faut prévenir, punir mais aussi remettre en état l’environnement.

Avec cette loi, les atteintes à l’environnement entrent pleinement dans le droit pénal. 

Dans chaque cour d’appel, il y aura un tribunal spécialisé en matière d’environnement, compétent tant en matière civile qu’en matière pénale.

Eric Dupond-Moretti  : Nous allons créer une juridiction spécialisée de l’environnement. Dans chaque cour d’appel, il y aura un tribunal spécialisé en matière d’environnement, compétent tant en matière civile, pour l’indemnisation des préjudices par exemple, qu’en matière pénale. On va aussi créer des postes d’assistants spécialisés en matière environnementale afin de renforcer les moyens de cette nouvelle juridiction spécialisée. Et on souhaite aussi renforcer les services d’enquête en matière d’environnement en créant un statut d’officier de police judiciaire pour les inspecteurs de l’environnement. 

Barbara Pompili  : Ce sont deux outils très importants. Il faut certes une justice plus spécialisée mais aussi une police plus efficace. Il faut augmenter le nombre de poursuites en renforçant les moyens d’enquête. Le statut d’officier de police judiciaire pour les inspecteurs de l’environnement leur permettra d’avoir les moyens juridiques d’enquête sur le terrain. 

Vos annonces visent-elles aussi à répondre à l’inquiétude des 150 citoyens ?

Barbara Pompili  : Sur ce sujet de la justice environnementale, nous avons lancé ce travail, depuis cet été avec eux, nous avons travaillé rigoureusement, également avec la secrétaire d’Etat Bérangère Abba, et je pense qu’on peut être collectivement fiers du résultat. La crise n’arrête pas les choses - la preuve ! – et nous sommes bien en train de préparer un projet de loi ambitieux pour le climat. 

Les citoyens souhaitaient intégrer dans notre droit le concept de "limites planétaires", défini par l’ONU. Qu’en est-il ? 


Barbara Pompili  : Les limites planétaires sont une notion structurante mais trop floue pour être la base d’une infraction pénale. On va continuer à y réfléchir en associant les représentants de la Convention mais en attendant, il ne faut pas s’empêcher d’agir.

Eric Dupond-Moretti  : Les mesures sur la justice ne sont pas des mesures au rabais. Elles vont faire consensus. Quand les citoyens ont évoqué le crime d’écocide, nous l’avons considéré comme une proposition d’appel sur un débat essentiel. Nous avons donné à ces aspirations une traduction juridique forte, cohérente et efficace.

Lire le texte entier ICI (sur Le Journal du Dimanche)