Un régime alimentaire moins riche en viande et en produits laitiers fait partie des mesures nécessaires pour contrer la crise climatique et celle de la biodiversité. Souvent répétée, cette recommandation formulée par de multiples experts scientifiques ne semble pas vraiment en passe de se concrétiser. Telle est la conclusion principale qui ressort de « L’Atlas de la viande 2021 » publié ce mardi par l’ONG « Les Amis de la Terre » et la Fondation Heinrich-Böll.
A ce sujet, voici quelques extraits d’un article de Gilles Toussaint , Journaliste à La Libre Belgique, responsable de la rubrique Planète - Inspire, publié le 07-09-2021
Basé sur une analyse détaillée des diverses données officielles disponibles, l’Atlas de la viande 2021 dresse un tableau très sombre.
• Les trois-quarts des terres agricoles sont désormais dédiés à l’élevage d’animaux (bœuf, porc, volaille…) ou aux cultures nécessaires à leur alimentation.
Rien qu’au Brésil, 175 millions d’hectares sont consacrés à l’élevage de bovins, notamment pour la production de soja, soit l’équivalent de la surface agricole totale de l’Union européenne.
• Au moins deux tiers de la déforestation en Amazonie résultent de la création de pâturages pour le bétail par les grandes entreprises de l’agrobusiness.
Et dans certains cas, ces opérations de défrichement relèvent d’une stratégie visant prioritairement à s’assurer un titre de propriété sur les terres. Un mouvement qui s’est accentué avec l’arrivée au pouvoir du président d’extrême droite Jair Bolsonaro.
Une bombe climatique
• A l’heure actuelle, la production agricole représente environ 21 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Une empreinte carbone en bonne partie imputable à l’élevage industriel, qui génère à lui seul près de 60 % des émissions de ce secteur.
• Son impact sur la consommation d’eau mondiale est également notable (29%), ainsi que sur la pollution des eaux souterraines par les nitrates et par les pesticides massivement utilisés pour la production des cultures fourragères. Une pression sur l’environnement qui a par ricochet de lourdes conséquences pour la biodiversité.
• Orienté vers une augmentation de la productivité sans fin, l’élevage intensif comporte qui plus est une énorme part de gaspillage. De nombreux animaux restent en effet sur le carreau avant d’être envoyés à l’abattoir en raison d’épidémies dans les élevages ou parce qu’ils sont éliminés pour des motifs de rentabilité économique.
En France, par exemple, plus de 50 millions de poussins mâles sont tués chaque année directement après leur éclosion, avance l’Atlas, tandis qu’à l’échelle globale 115 millions de bovins et plus de 400 millions de porcs n’atterrissent jamais dans l’assiette destinée à la consommation humaine.
On est bien loin des « Objectifs de développement durable » pourtant endossés par les 193 Etats membres des Nations unies.
Des impacts sociaux
• L’usage d’antibiotiques dans ces élevages augmente par ailleurs de plus en plus la résistance à ces traitements, posant un danger pour la santé publique.
• Concentrée entre les mains de quelques géants (Cargill, JBS, Tesco…) qui vendent leurs produits sous une ribambelle de marques différentes, la production de viande et de produits laitiers étouffe les filières de la petite agriculture familiale.
• Dans les pays comme le Brésil, cette expansion de l’agrobusiness se fait souvent en piétinant, parfois dans la violence, les droits des communautés locales qui pratiquent généralement un pastoralisme davantage en équilibre avec les ressources naturelles.
Par ailleurs les conditions de travail des ouvriers employés dans les méga-abattoirs qui dépendent de ces filières sont extrêmement dures.
Et le rapport évoque au passage la multiplication des épidémies de Covid-19 qui ont été enregistrées dans de nombreuses « usines à viande » à travers le monde.
• Ces firmes bénéficient de financements considérables tant publics que privés, relèvent les deux associations. Entre 2015 et 2020, elles ont bénéficié du soutien de sociétés d’investissements, banques et autres fonds de pension - pour la plupart basés en Amérique du Nord et en Europe - à hauteur de 478 milliards de dollars.
L’UE, un acteur de poids
Alors qu’elle aime se présenter comme comme étant à l’avant-garde de la lutte pour la sauvegarde du climat et de la biodiversité, l’Union européenne a encore beaucoup de chemin à accomplir, ressort-il du rapport. Quelque 20 % du soja brésilien importé pour nourrir les animaux des élevages européens proviennent par exemple de terres qui ont été illégalement défrichées.
D’où l’appel à abandonner l’accord de libre-échange Mercosur (actuellement en négociation) qui contribuera, selon elles, à amplifier la production de viande et les dérives qui y sont associées.
« Malgré l’impact mondial de la production, la distribution et la consommation de viande de l’UE, les responsables politiques n’ont pas pris de mesures en conséquence pour changer en profondeur le système agricole et alimentaire », déplorent les auteurs.
Ils estiment que ni la nouvelle Politique agricole commune, ni la stratégie « De la ferme à la table » ne permettent de renverser cette tendance lourde et d’ouvrir l’espace aux alternatives qu’offre l’agroécologie.
« L’UE doit interdire l’élevage industriel et réduire le nombre d’animaux d’élevage afin de créer les conditions d’un développement de l’agriculture durable », ajoutent-ils, mettant en avant les nombreux leviers – politiques, juridiques, fiscaux, informationnels - à disposition des pouvoirs publics pour orienter les comportements de consommation dans une direction la fois meilleure pour environnement et la santé publique.
Gilles Toussaint Journaliste La Libre Belgique. Responsable de la rubrique Planète -Inspire. Publié le 07-09-2021
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