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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Comment l’intelligence artificielle va révolutionner l’enseignement
Article mis en ligne le 20 janvier 2023
dernière modification le 1er avril 2023

Mauvais tour ou opportunité ? Les programmes qui écrivent des textes à la place des humains, comme ChatGPT, obligent le monde enseignant à repenser ses méthodes et ses contenus.

Monique Baus, La Libre, le 15-01-2023

ChatGPT : l’intelligence artificielle qui fait peur aux professeurs

”Se concentrer sur des compétences plus élevées”

Yves Deville est le conseiller du recteur de l’UCLouvain pour une université numérique. Et il est plutôt enthousiaste. “Dès la rentrée de février, nous allons informer et sensibiliser l’ensemble des enseignants, annonce-t-il. Dans un deuxième temps, des ateliers seront organisés pour réfléchir aux implications de cet outil. Il est impressionnant, mais du calme… Même si on n’a jamais pu évaluer, dès son apparition, quels seraient les effets d’une technologie nouvelle, je pense qu’on a connu des révolutions bien plus bouleversantes que celle-ci avec, par exemple, l’apparition d’Internet ou le téléphone portable.” Pour autant, il ne fait aucun doute que la nouveauté influencera le contenu et les méthodes de l’enseignement.

Le conseiller fait une analogie avec la démocratisation de la machine à calculer, à la fin des années 70. “Avant, les élèves faisaient des pages et des pages de multiplications et de divisions écrites. Qui fait encore cela aujourd’hui ? Les élèves doivent maîtriser le principe d’une multiplication ou d’une division. Le reste n’est plus une compétence indispensable puisqu’on a la calculette.”

Idem pour le GPS ou les logiciels de traduction. De la même manière, puisque la machine peut générer des textes, pourquoi ne pas en profiter pour se concentrer sur des compétences plus élevées comme avoir un regard critique, raisonner, analyser. “Au lieu de demander aux étudiants d’écrire un texte, on pourrait par exemple leur en fournir plusieurs et les inviter à les comparer.” Mais avant tout, il faudra décider. “Va-t-on interdire son utilisation ou pas ? Et si on l’autorise, avec quelles règles ? Des décisions devront être prises.”

”Se méfier d’outils possiblement orientés”

Son confrère Laurent Lefèbvre, vice-recteur à l’enseignement de l’UMons, est plus inquiet. “Pour l’instant, nous faisons plutôt de la prévention face à ce que nous considérons comme un problème, rapporte-t-il. Nous appliquons une veille suspicieuse. Le logiciel passant sous les radars des programmes de détection de plagiat, ce sont les enseignants qui doivent être vigilants pour déceler son utilisation.” L’inquiétude prend le pas sur le champ de réflexion qui s’ouvre.

S’il admet que la machine peut certainement faire gagner du temps dans certains cas, le vice-recteur exprime une grande crainte. “L’esprit critique des étudiants est-il assez aiguisé pour détecter les mauvaises informations ? Et que sait-on de l’algorithme qui sous-tend le logiciel ?” Sans viser Chat GPT, il envisage la possibilité que des programmes soient créés pour mettre en avant certaines informations ou en occulter d’autres. “Il faudra se méfier d’outils possiblement orientés.”

”Il faudra prévoir un encadrement”

Interrogée en Commission, la ministre de l’Éducation, Caroline Désir (PS), a reconnu que “s’il n’existe actuellement pas d’outil capable de discerner les travaux réalisés par les élèves de ceux rédigés par l’intelligence artificielle, l’enseignant peut toutefois différencier les écrits, car le style rédactionnel de l’intelligence artificielle est très formel et impersonnel, à l’inverse d’une production humaine.” Pas question en tout cas de renoncer à demander aux élèves de rédiger des textes. “La capacité à produire des textes structurés intelligibles et authentiques demeurera une compétence primordiale à acquérir, puisqu’elle est essentielle à la communication entre les individus et à l’expression d’une pensée personnelle et rationnelle, a ajouté la ministre. Il faudra évidemment prévoir un encadrement. Une possibilité consiste à réaliser des exercices en classe, sans accès aux outils numériques, plutôt que des productions à domicile, où le contrôle sera difficile.


”Les enseignants devront être particulièrement créatifs”

Interpellée sur le même sujet, la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny (MR), a estimé que “cette nouvelle technologie n’est ni positive ni négative, elle sera ce que nous en ferons. Il serait illusoire de l’interdire. Il faut plutôt en saisir les potentialités, les exploiter au bénéfice de la qualité des apprentissages de nos étudiants.” Sur la question des évaluations, la ministre se réjouit d’avoir débloqué des fonds dans le cadre du Plan de relance européen pour former les enseignants à l’utilisation du numérique. “Ils devront être particulièrement créatifs dans ce domaine. Je suis sûre que la formation leur servira de guide lorsqu’il s’agira d’adopter des mesures concernant l’évaluation. Dans tous les cas, je leur fais confiance. Ils sont capables d’intégrer, dans leur raisonnement, l’existence de cette nouvelle technologie et d’envisager de nouvelles modalités d’évaluation.”

”Insister sur le rôle premier des universités”

Pour le député Rodrigue Demeuse (Ecolo), ancien assistant universitaire en Fac de Droit, on passe à côté de la question si on se limite à réfléchir à la manière d’évaluer les étudiants et de détecter d’éventuels utilisateurs de ChatGPT. “Ce sujet doit nous préoccuper plus largement, déclare-t-il. Il nous force à adapter nos méthodes d’évaluation mais aussi d’apprentissage. C’est une opportunité pour insister sur le rôle premier des universités, qui n’est pas d’inculquer d’énormes quantités de matière à restituer par cœur, mais bien d’exercer son esprit critique, d’apprendre à raisonner.”

Et il conclut : “On n’est pas suffisamment prêt face aux potentialités d’un outil comme celui-là. Il faut donner un coup d’accélérateur à la formation numérique des enseignants et à l’apprentissage de l’esprit critique des élèves et des étudiants. Vérifier ses sources pour repérer des fake news, recouper les informations et respecter des règles déontologiques : voilà des choses que la machine ne fait pas. Il est indispensable que les étudiants, eux, aient ce recul.”