Une opinion, déjà ancienne mais toujours d’actualité, de Teshome Toga, ambassadeur de la République fédérale démocratique d’Ethiopie auprès des pays du Benelux, Baltes et de l’Union européenne.
La famine menace 20 millions de personnes. Le changement climatique est l’une des causes de la sécheresse. L’Ethiopie, à la pointe de la prévention et de la réduction des risques, nous montre comment relever ce défi.
Extraits
Depuis plusieurs semaines, les rapports alarmants sur le risque de famine en Somalie, Soudan du Sud, Yémen et Nigeria se succèdent dans les médias. Selon l’Onu, 20 millions de personnes sont actuellement au bord de la famine, constituant la pire crise humanitaire depuis la Seconde guerre mondiale. L’urgence de la situation a cependant tendance à occulter un enjeu à plus long terme lié à cette crise : le réchauffement climatique, dont certains gouvernements occidentaux continuent, contre l’évidence, d’interroger la réalité ; et qui touche déjà de nombreux pays en voie de développement, où la lutte quotidienne pour faire face à un climat déréglé est bel et bien engagée.
Bien que l’étendue de la famine actuelle soit le résultat d’une combinaison complexe de facteurs, dont les conflits persistants qui provoquent des déplacements massifs de population, les violences n’ont fait que décupler les effets de la sécheresse inhabituelle qui touche l’Afrique depuis 2015. (...) De nombreux chercheurs pensent en effet qu’El Niño s’intensifie à cause du changement climatique, et le phénomène actuel est le plus fort jamais observé. L’Éthiopie fait également face à sa pire sécheresse depuis 30 ans, plaçant près de 8,2 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire. Pour autant, le spectre de la famine demeure éloigné en Éthiopie, qui reste un îlot épargné dans une région très durement frappée par la sécheresse. Dès lors, quelles leçons tirer de l’expérience éthiopienne ?
Mesures gouvernementales
Plus de 30 ans après l’époque où l’Éthiopie faisait les gros titres de la presse internationale à cause de l’étendue la famine y sévissant, la situation ne pourrait pas être plus différente. Le gouvernement a transformé l’économie en l’une des plus dynamiques au monde (9,9 % de croissance en 2014) en faisant de l’agriculture l’élément central de sa politique économique. Cette ligne politique, indispensable pour assurer la sécurité alimentaire, mise sur des filières performantes pour commercialiser céréales, fruits et légumes, afin que les paysans puissent mieux vivre de leurs terres.
Tout est mis en place pour éviter l’insécurité alimentaire : les systèmes d’alerte et de réponse précoces se sont considérablement améliorés et des stratégies d’adaptation pour faire face au changement climatique ont été mises en place. Dès les premiers signes de sécheresse, le gouvernement éthiopien a agi pour limiter leur impact négatif sur la vie des agriculteurs et de leur bétail.
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Une première leçon peut être tirée ici : les graves crises humanitaires peuvent être évitées par des décisions politiques appropriées. Cependant, le continent africain sera la région la plus fortement touchée par les effets négatifs du changement climatique. Dès lors, il devient clair que si la bonne volonté des Etats concernés est un préalable indispensable, elle ne suffira pas à faire face au problème sur le long terme.
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Confrontée au double défi du développement économique et du changement climatique, l’Ethiopie est également précurseur dans la politique climatique internationale, en visant à transformer son économie en une économie verte et résiliente aux effets du changement climatique. La réhabilitation des sols, qui permet à la population de posséder des terres, travailler et manger à sa faim, est une autre façon d’éviter la crise migratoire.
De nombreuses régions du monde doivent se préparer à affronter des précipitations moins abondantes qui affecteront leurs moyens de subsistance et leurs économies. Fin 2015, un rapport de la Banque mondiale indiquait que, sans efforts immédiats, le changement climatique risquait de faire exploser l’extrême pauvreté d’ici 2030, sapant à la fois les mesures de réduction de la pauvreté mises en place par les pays développés et les efforts de pays en développement comme l’Ethiopie, dont les politiques volontaristes d’industrialisation et de développement ne suffiront pas à faire face, seules, à l’ampleur du phénomène. Les régions fragilisées par le changement climatique, en Asie et en Afrique, sont le laboratoire du monde de demain et préfigurent des solutions qui pourraient empêcher l’aggravation des crises actuelles.
Alors que l’Onu prédit 250 millions de réfugiés climatiques d’ici 2050, les leçons tirées en Ethiopie s’avéreront essentielles dans le monde qui vient.