1.
Nous sommes les enfants de l’humus d’où notre nom. Plantes et animaux sont nos parents biologiques. Avec l’émergence des civilisations agro-pastorales, nous avons rasé les forêts et mis la terre à nu pour faire de l’agriculture et de l’élevage. Nous avons débroussaillé par le feu et commencé à renvoyer le carbone dans l’atmosphère. Nous avons perturbé des équilibres naturels millénaires.
Avec le feu solaire et l’eau planétaire, la nature avait accompli le grand miracle de créer de la vie, et mis en place les bonnes conditions de sa perpétuation. Quant à nous autres, qui jouons avec le feu (nitrates, nucléaire ... ), et avec l’eau (gaspillage, pollution ... ), nous arrivons à l’effet inverse ; nous stérilisons notre Terre.
Les zones fertiles, autrefois recouvertes de forêts et de steppes, ont été labourées et pâturées jusqu’à l’usure. Mis à nus et soumis aux violences climatiques, les sols millénaires se sont érodés, toutes civilisations confondues. L’utilisation des engrais chimiques et des pesticides issus directement de l’industrie de la guerre, achève le processus de la nécrose des sols. Héritiers de ces sols exangues, contraints sous perfusion chimique et technologique à une production intensive onéreuse et de mauvaise qualité, nous n’avons plus d’autre alternative pour enrayer la crise alimentaire mondiale en cours, que celle de mettre toute notre énergie au service de la régénération et de la protection des sols. Il y a de quoi faire pour mettre en œuvre les mille formes de l’agroécologie : en un mot, on n’est pas au chômage !
Pierre Buchberger, éco-paysan, intervenant dans les formations Terre & Humanisme.
(Dans le n° 92 des Nouvelles (Terre & Humanisme), été 2016. Dossier "LES SOLS. Ce bien commun à protéger d’urgence.")
2.
Une voiture est-elle vivante quand elle est pleine d’occupants vivants ? Non. Pour les sols, cest pareil ; le sol n’est qu’un contenant, l’épiderme de la Terre. Et si la terre est vivante, c’est grâce à la racino-sphère, ce gigantesque tube digestif où les végétaux s’abreuvent et se nourrissent. (...)
Le sol vivant n’appartient ni à l’agroécologie ni à la permaculture car il faut se souvenir que jusqu’au 19ème siècle, l’agriculture était considérée comme un art majeur, l’art de "rendre la terre fertile indéfiniment". Et pendant des millénaires, les paysans du monde entier ont en effet nourri la terre, sans forcément comprendre pourquoi, mais en sachant que s’ils ne la nourrissaient pas, ils n’auraient pas de légumes. Aujourd’hui, on imagine que les jachères servent à laisser la terre « se reposer ».
Mais, au contraire, autrefois, les paysans grattaient superficiellement la terre pour retourner les plantes dans le seul but de nourrir la vie du sol. Prenant les paysans pour des arriérés, l’agriculture moderne a décidé de ne plus perdre de temps à nourrir le sol, mais de nourrir directement la plante. Au final, elle a isolé les plantes de la terre comme la roue du tracteur a isolé le paysan du sol. Privées de l’écosystème souterrain, les plantes sont devenues plus sujettes aux attaques des parasites, parfait appel aux pesticides, herbicides, fongicides, etc. Historiquement, le paysan avait toujours cultivé avec la Terre, le soleil et l’eau, les carburants du Vivant.
Christophe Gatineau, auteur du www.lejardinvivant.fr. spécialiste des agricultures dites innovantes et cultivateur.
(Dans le n° 92 des Nouvelles (Terre & Humanisme), été 2016. Dossier "LES SOLS. Ce bien commun à protéger d’urgence.")
3.
"Tous les déchets verts sont à valoriser directement au jardin. Pour moi, le compost c’est quand on ne peut pas faire autrement (quand on a trop de déchets ou pendant les saisons froides). Le frais c’est mieux. On répand ses déchets ménagers directement sur le sol : c’est un apport azoté qui vient enrichir les mulchs souvent carbonés, un apport en engrais bio autoproduit ! Les cultures s’implantent à travers les herbes pas décomposées. "
Gille Domenech, pédologue, formateur et auteur d’ouvrages sur le sol
4.
« La terre nourrit les plantes, les plantes nourrissent les animaux et les humains mais qui va nourrir la terre ? C’est le paysan qui doit le faire car on ne peut pas demander à la terre la nourriture sans jamais la nourrir, elle s’épuiserait. »
Pierre Rabhi
5.
Réparer un sol, est-ce possible ?
Terre & Humanisme en est l’exemple même.
"A Sully qui proclamait "labourage et pâtureage sont les mamelles de la France", aujourd’hui, nos jardiniers répondent : "Compost, paillage, engrais vert sont les trois mamelles de l’agriculture."
"Le sol est un organisme indéfini et indéfinissable, c’est quelque chose d’hybride entre deux choses tout à fait mystérieuses : le monde minéral et le monde organique."
(...) Si on me demande comment faire pour sauver les sols, je réponds : "primum non nocere" , d’abord ne pas nuire. C’est la base de la médecine. Si on leur redonne de la vie, de l’air, la possibilité de construire un système racinaire, sans les tasser, la moitié des sols se porterait déjà mieux."
Gérard Auger, agronome et pédologue, auteur du site : soinsdesplantes.fr
Pour en savoir plus :
– "Manuel des jardins agroécologiques", Terre & Humanisme
– Aux sourœs de l’agriculture, la permaculture : illusion et réalité,
Christophe Gatineau
– Jardiner sur sol vivant,
quand les vers de terre remplacent la bêche, Gilles Domenech
6.
Militer pour protéger les sols
Terre &Humanisme vient de rejoindre le mouvement "People for soil". Ensemble, ils sont en train d’unir leurs forces pour que l’Europe reconnaissent le sol comme étant un bien commun et adopte une législation qui permette enfin de le protéger.
Car aujourd’hui le sol n’a aucun droit. Avec l’initiative Citoyenne Européenne (ICE), si 1 million de citoyens se mobilisent, ils peuvent influer sur l’élaboration des politiques au niveau européen.
Le réseau People for soil prépare une pétition citoyenne qui sera diffusée dès septembre 2016. [2]
Plus d’informations sur l’initiative sur www.people4soil.eu
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