La présence de coopératives dans le secteur de l’énergie n’est pas neuve. En réalité, c’est la quasi-totalité des régions rurales des Etats-Unis, qui fut électrifiée grâce à des coopératives formées par les agriculteurs locaux, grâce à un programme d’électrification rurale lancé par le président Roosevelt dans les années 1930. Le concept américain de coopérative électrique rurale fut, par la suite, transposé dans plusieurs pays en voie de développement afin d’assurer l’électrification des zones isolées.
Depuis quelques années, plusieurs pays industrialisés, en particulier en Europe, connaissent une nouvelle vague d’émergence de coopératives d’énergie. Cependant, l’objectif premier, poursuivi par ces organisations, n’est plus l’électrification rurale, mais relève de motivations environnementales. En effet, ces initiatives cherchent essentiellement à consolider l’acceptation sociale des technologies de génération d’électricité basées sur les énergies renouvelables.
Contrairement au modèle historique de génération d’énergie, certaines technologies d’énergie renouvelable nécessitent l’installation d’unités de petite taille, géographiquement dispersées et localisées près des utilisateurs, voire même dans leur maison, comme c’est le cas pour les panneaux photovoltaïques. Ce modèle davantage décentralisé n’est pas sans conséquences pour les citoyens. Ainsi, les éoliennes, parce qu’elles sont implantées à proximité des zones résidentielles, peuvent parfois sembler intrusives et comporter certains impacts négatifs. On leur impute, par exemple, d’être sources de pollution visuelle et sonore ou d’engendrer des effets stroboscopiques gênants.
Le modèle coopératif propose aux citoyens de devenir eux-mêmes propriétaires des unités de génération installées dans leur commune. Les droits de propriété sont associés à deux caractéristiques fondamentales. Premièrement, les parts de capital donnent droit à des dividendes versés régulièrement, et les citoyens deviennent ainsi bénéficiaires directs des retombées économiques de la production d’énergie. Ensuite, les parts coopératives confèrent aux titulaires le droit de participer aux processus de prises de décision en leur octroyant une voix au sein de l’assemblée générale de l’organisation. Ce n’est pas tout, puisque ces deux caractéristiques sont opérées au sein du modèle coopératif, selon des modalités particulières. Ainsi, le dividende distribué aux associés est généralement limité, et les décisions sont prises selon la règle ’une personne-une voix’, ce qui garantit, dans une certaine mesure, la poursuite d’objectifs autres que la maximisation du profit couplée à un fonctionnement démocratique, et confère, du même coup, un capital ’confiance’ aux coopératives.
Or, la confiance ainsi que la perception de justice, tant sur le plan de la redistribution des bénéfices et des inconvénients que sur celui de l’implication dans les prises de décision, s’avèrent des facteurs essentiels concourant à l’acceptabilité sociale des technologies d’énergie renouvelable. Mais au-delà d’un simple consentement passif, les coopératives offrent, en outre, l’opportunité aux citoyens de s’engager activement dans la production d’énergie, et pourraient ainsi contribuer à la construction d’une ’citoyenneté énergétique’ caractérisée par une conscience environnementale accrue et un engagement citoyen plus important dans les problématiques énergétiques.
Thomas Bauwens Doctorant-chercheur au Centre d’Economie sociale HEC-Ecole de Gestion de l’université de Liège Thomas.bauwens chez ulg.ac.be
Publié par Anne MASSET le samedi 19 octobre 2013 dans LLB.