Elik et Dan n’ont pas 30 ans. Ils vivent dans un petit appartement qui leur sert de quartier général, situé dans un quartier bourgeois de Tel Aviv. Je passe la première journée avec eux. Tel Aviv est une ville où il pourrait faire bon vivre. Dans certains quartiers israéliens, et en particulier à Tel Aviv, on se croirait sur un campus américain ; les jeunes parlent anglais avec un excellent accent, les magasins sont les mêmes et - puisqu’ils en sortent - les vêtements aussi.
Quelques extraits de l’article
Refus de la violence et acceptation du dialogue. C’est la magie du risque réciproque : en refusant de servir "son" camp contre l’autre, on prouve à ce dernier qu’on est digne de confiance. Elik témoigne. Pilote de chasse. La crème de Tsahal, la fierté du pays. Patriote, loyal, dévoué. Un jour, tout bascule : sa sœur est tuée dans un attentat suicide. Elik s’interroge : comment est-il possible que des gens acceptent de se suicider en donnant la mort autour d’eux ? Quel désespoir inouï anime ces kamikazes ? La logique aurait voulu qu’il cherche à se venger. Les représailles, ainsi que l’Etat d’Israël a pris l’habitude de les pratiquer. Disproportionnés, sans doute, mais quelles sont les proportions de l’horreur et du crime ? Elik hésite, puis rejette cette logique, malgré la pression terrible que toute une société, toute une tradition, toute une culture font peser sur lui. Pour elles, refuser est indigne. Une trahison, un déshonneur. Impossible de parler à l’ennemi, et plus encore de lui faire confiance. Quant à construire quelque chose avec lui...
Elik est vraiment quelqu’un d’attachant. Pas parce qu’il a souffert ; parce qu’il est juste, pudique, et en même temps rigoureux. Dans ses actes et ses paroles. Ce n’est pas de la puissance qui se dégage de lui, mais de la fermeté et de la concentration. La fermeté, c’est un mélange de force et de courage ; la puissance, de violence et d’arbitraire. Je ne sais pas pourquoi je songe que leur militantisme est une forme d’art, particulièrement osé, à la pointe de la modernité et de l’humanité. Ces jeunes gens ne sont pas seulement des rêveurs ; ils ont une maturité qui, lorsqu’on écoute les médias officiels, semble cruellement manquer aux dirigeants politiques des deux camps.
De retour à Jérusalem, Elik m’invite chez ses parents, Nurit et Rami Elhanan, un couple adorable qui m’accueille dans une oasis de paix. Bien sûr, des photos de leur fille ornent les murs. Mais elles sont accompagnées par des poèmes, des messages de soutien. Ils s’occupent d’une association qui rassemblent les parents de victimes d’attentats et travaillent eux aussi pour la paix et la réconciliation. Sur la terrasse où elle tient la main de son mari, la mère d’Elik me donne une leçon de paix. Tout semble limpide. Il fait doux. Pourtant, la guerre est si proche Comme la plupart des Israéliens, cette femme et sa famille portent le souvenir du drame du génocide. Pourtant, c’est elle qui me dit que personne n’a le monopole de la souffrance.
L’axiome d’Elik :
Le seul acte de courage dans une négociation, c’est d’avoir confiance dans l’autre.
http://www.lalibre.be/culture/selection-culturelle/article/552925/artistes-de-la-confiance.html
Mis en ligne le 04/01/2010
voir aussi www.combatantsforpeace.org