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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

La Fabrique du Consommateur, pilier des sociétés marchandes
Article mis en ligne le 4 novembre 2023
dernière modification le 3 novembre 2023

Une amie m’a passé ce magnifique article, fondamental, en ce sens qu’il questionne les fondements mêmes de notre société.

"Notre monde insatiable nous désole chaque jour un peu plus. Mais à qui la faute ? A ces autres consommateurs stupides qui ne sont jamais nous ? « Si personne n’achète, ils arrêteront de vendre ! » ... n’est-ce pas ? Ce serait donner là bien plus de pouvoir aux individus qu’ils n’en ont vraiment, nous y compris ... Non, la machine du capitalisme est infiniment plus insidieuse. Dans son dernier livre La Fabrique du consommateur, le sociologue Anthony Galuzzo nous offre une analyse au scalpel de l’évolution de notre société entre le XIXe siècle et aujourd’hui."

En voici quelques extraits, apéritifs de l’article complet que j’ai mis sur mon blog de larcenciel. Une invitation à lire le livre d’Antony Galuzzo. [1]

Voici un voyage dans le temps qui retrace les soubresauts de la société marchande, des premiers échanges d’hier à l’hyperconsommation d’aujourd’hui.
Lumière sur ces invisibles rouages qui nous pourrissent l’existence et la Terre avec.

En 1800, la plupart des français étaient des paysans qui cultivaient leur nourriture, assuraient localement leur existence et fabriquaient leurs propres objets. Leur survie dépendait uniquement du fruit de leur travail. Aujourd’hui, dans nos sociétés industrielles, nous vivons tous entourés d’objets fabriqués par d’autres, composés d’éléments venant majoritairement du bout du monde, dont nous peinons à nous représenter concrètement toutes les étapes de production.

Comment est-on passé d’une société autonome à une société de consommation ? Comment cela a-t-il modifié notre rapport aux objets ? Comment ce glissement a-t-il influencé jusqu’à notre organisation sociale ? Et pourquoi y reste-t-on coincés à ce point ? C’est à l’ensemble de ces questions que le sociologue Anthony Galuzzo entend répondre dans son dernier essai La Fabrique du consommateur publié aux éditions Zones. Une analyse captivante de la mutation progressive de nos sociétés occidentales entre le XIXe et le XXIe siècle.

D’une société autonome et morcelée à l’interdépendance marchande.

(...) C’est donc à l’échelle de la communauté que la survie s’organise. On cultive sa propre terre, on fabrique ses propres outils, le plus clair du temps est consacré à cette entreprise de survie. Chaque foyer est un rouage essentiel de la communauté et l’individu se trouve pris dans un grand tout qui le dépasse. L’emprise de la communauté sur l’individu est totale. Les habitants participent de près ou de loin à la production de tous les objets qui les entourent, de tous les produits qu’ils consomment. C’est pourquoi les objets n’existent pas seulement comme objet mais sont pris dans un continuum cohérent allant de la production à la consommation.

La généralisation de la machine à vapeur va renverser la donne. Progressivement, les marchandises circuleront plus rapidement et la communication devient plus aisée. L’homme se rend maître de l’espace et du temps. Il devient désormais rentable de produire à grande échelle, de mettre en place un large réseau commercial pour distribuer sa marchandise sur tout le territoire. Cette nouvelle appréciation de l’espace consacre la domination du marché grâce à son extension exponentielle et irréversible. L’accumulation du capital s’enclenche.

Très vite, le pays tout entier se trouve pourvu en objets manufacturés. On ne cherche plus à produire son moyen de subsistance, mais à devenir soi-même un acteur du marché en vendant sa production. (...)
Un lien se rompt peu à peu entre les Hommes et les objets qui les entourent. Ce sont les premiers balbutiements de la société marchande.

Fétichisation des marchandises : perte de contact avec le coût réel de la matière.

C’est l’un des concepts puissants du texte : ayant perdu de vue l’acte concret de production des marchandises, l’individu ne les perçoit désormais plus que comme simple objet de consommation : l’utilité finale. (...)

Cette démystification de l’objet permet à la société marchande de redonner un sens à la marchandise, de manière arbitraire et dans une logique purement commerciale : « Les marchands ont, dès lors, le pouvoir d’insuffler[. . .] artificiellement une existence symbolique à leur produit. »
(...)

La marchandise, un outil pour exister socialement

Avec le développement de la presse et de la publicité, les grandes entreprises vont parvenir à accentuer, encore un peu plus, le capital symbolique de leurs marchandises à travers la diffusion d’images. Pour le sociologue, cette valeur symbolique conférée aux objets explique pourquoi la possession devient un moyen d’affirmer son identité. Posséder un objet, c’est posséder les caractéristiques qui l’entourent.

Au début de la société marchande, la première classe à avoir surinvesti les objets d’une valeur symbolique est la bourgeoisie. «  On peut considérer le bourgeois comme la première figure du consommateur et la culture matérielle bourgeoise comme étant à l’origine d’une culture de consommation généralisée ».

« Je possède donc je suis »

(...) L’accumulation d’objets devient un moyen de se distinguer de la plèbe, une manière d’exister socialement à travers les objets qui l’entourent. Pour l’auteur, la bourgeoisie cherche à combler un déficit symbolique par un style de vie démontrant sa respectabilité.

Ce réflexe social, aujourd’hui partagé, voilà ce qui a été récupéré par la société marchande à son avantage et continue de l’être. Peut-être ce vampirisme est-il d’ailleurs la plus authentique preuve de la structure prédatrice de notre modèle. Nous nous sommes imaginés tout en haut de la chaîne du vivant, (...)

La consommation comme affirmation de soi.

La naissance d’une culture jeune entre 1960 et 1970 répond à une logique similaire d’affirmation de soi. Une période aux perspectives fructueuses pour le monde marchand qui perçoit là un nouveau territoire commercial à conquérir.

En effet, durant les sixties, la jeunesse se rebelle contre l’ordre établi et la rigueur parentale. Le mode de vie rangé de la classe moyenne apparaît repoussant tout en permettant à la jeunesse de jouir d’un pouvoir d’achat nouveau. Ainsi, c’est par la possession d’objets et des habitudes de consommation renouvelées que la jeunesse va se distinguer : musique, vêtement et loisir forment un nouvel archipel de consommation dans lequel la nouvelle génération va puiser les outils pour affirmer une identité singulière.

Le désir de singularité et d’affirmation de soi ne se cantonnent pas à une fracture générationnelle, au sein même de la jeunesse, on assiste à un phénomène de segmentation grâce à la variété des modes.(...)
A chaque courant sa musique, ses codes vestimentaires et ses spécificités. Appartenir à un courant, c’est adopter les habitudes de consommation qui lui correspondent.

On constate le même phénomène dans les mouvements de la contre-culture. En dépit de ses caractéristiques contestataires et ses appels à la marginalisation, la contre-culture sera investie par la société marchande qui utilisera cette fibre révolutionnaire comme argument de vente. C’est par des achats spécifiques que l’on prouvera son esprit de révolte. La généralisation de la tête de Che Guevara sur toute une génération de t-shirts industriels en est l’exemple le plus connu au point où sa symbolique en fut vidée de sa substance.

Pour Anthony Galuzzo, il n’y a pas eu de véritable rupture entre cette époque et la nôtre. En réalité, il s’agit davantage d’un processus évolutif que d’une véritable transformation. (...)

Loin des discours moralisateurs habituels sur la société de consommation, Anthony Galuzzo nous offre avec son essai une histoire claire et cohérente de la société marchande. Un ouvrage utile pour que chacun repense son rapport aux objets à l’heure où la crise écologique nous invite à plus de mesure.

Infos livre : La Fabrique du consommateur. Anthony Galuzzo aux Editions Zones. ISBN 9782355221422
ISBN numérique 9782355221699.

et aux Ed. La découverte

lire les 25 premières pages sur Calameo :https://www.calameo.com/read/000215022d46beecc8aad