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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

“On ne peut pas dissoudre des idées”
Article mis en ligne le 29 avril 2023

Philippe Descola est membre du Collège de France et titulaire de la chaire d’Anthropologie de la nature. Il est aussi coprésident de l’Association pour la défense des terres, appui financier des Soulèvements de la Terre.

Gérald Darmanin a parlé de “terrorisme intellectuel”, visant à rendre illégitimes Les Soulèvements de la Terre.
Selon l’anthropologue Philippe Descola, cela sert à “faire diversion”.
“On ne peut pas dissoudre des idées”.

Philippe Descola, coprésident de l’Association pour la défense des terres.

Si le gouvernement est si virulent, n’est-ce pas aussi parce que les pensées de l’écologie gênent le pouvoir ?

Tout à fait. On a longtemps cru que les pensées écologiques étaient gentillettes, qu’elles se préoccupaient simplement de la construction de pistes cyclables ou du tri des déchets. Mais en réalité, elles vont beaucoup plus loin. Elles sont porteuses d’une transformation profonde de nos modes de vie et de gouvernance. Le fait qu’elles soient férocement combattues et que le mouvement écologique subisse la répression de l’appareil de l’État le prouve. La dévastation écologique est un véritable moteur pour la rébellion.

En quoi ces pensées sont-elles si subversives ?

Elles pointent le rôle du capitalisme industriel dans l’état actuel de notre planète. Elles critiquent l’ontologie naturaliste — ce tournant anthropologique majeur en Occident — qui a fait que les êtres humains se sont séparés du reste du vivant. Aujourd’hui, cette goinfrerie effrénée vis-à-vis des ressources limitées de la Terre n’est plus concevable et une grande partie de la jeunesse s’en rend compte. Il faut inventer d’autres formes de coexistence avec la Terre et les non-humains. Tout un régime politique et économique parait dès lors condamné et les partisans de l’ancien monde tentent vainement de s’opposer à cet ébranlement massif.

Peuvent-ils stopper cette dynamique ?

Non, on ne peut pas dissoudre des idées. C’est une profonde lame de fond qui touche notre société. S’y opposer est un combat d’arrière-garde. Il est illusoire de croire que l’on peut stopper un mouvement comme Les Soulèvements de la Terre. Il est trop diffus, trop collectif, trop multiple et insaisissable. Il relie autour de lui des associations, des naturalistes, des syndicats.
Permettez-moi même un parallèle. C’est comme en 1789, au moment de la révolution française. On ne pouvait pas dissoudre le Tiers État. C’était un mouvement de protestation trop vaste qui gagnait les villes et les campagnes et qui répondait à une situation intolérable. Aujourd’hui, il se joue quelque chose d’aussi profond, des milliers de personnes bifurquent et désertent. C’est faire beaucoup d’honneur à des intellectuels que leur imputer la responsabilité de ces mouvements, qui naissent de la lucidité de milliers de personnes ouvrant les yeux sur le monde qui les entoure.

Comment en êtes-vous venu, personnellement, à soutenir ces mouvements ?

J’ai découvert progressivement ces mouvements en Europe, alors que je les connaissais déjà en Amazonie et en Amérique latine. En tant qu’anthropologue, j’observais les luttes des peuples autochtones contre la spoliation de leur terre. C’était impossible d’ignorer ces questions et je me sentais responsable de les aider dans leur combat. J’ai découvert ensuite en Europe des situations analogues. J’ai fait plusieurs visites à la zad de Notre-Dame-des-Landes et il m’a semblé qu’il était de mon devoir de les accompagner là aussi, d’user de la respectabilité publique que j’ai pu acquérir pour défléchir sur moi certaines menaces des pouvoirs publics contre celles et ceux qui s’élèvent face à la dévastation du monde.
Aujourd’hui, le gouvernement français est fébrile. On peut gagner. Ils savent qu’ils ne pourront pas résoudre les problèmes liés à la sécheresse et au réchauffement climatique uniquement par des grenades lacrymogènes et des tirs de LBD.

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