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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
Slogan du site

"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

NE PLUS SE MENTIR : la suite de mes extraits.
Article mis en ligne le 7 novembre 2023
dernière modification le 7 janvier 2024

Comme je l’ai annoncé dans l’introduction à cet article, voici la suite de mes "extraits choisis".

1. L’AVENIR EST-IL ENCORE OUVERT ?


Voici la suite de l’article dont vous avez pu lire le début ICI.

2. CROYONS ENFIN CE QUE NOUS SAVONS

(57 - 65)
Nous refusons obstinément de regarder la réalité en face mais le temps est venu de « croire enfin ce que nous savons [1] ». Si le futur est imprédictible, le présent est incontestable : la capacité de charge de la planète est largement dépassée et la plupart des limites allègrement franchies. Le scénario tendanciel est clair et rejoint l’hypothèse la plus noire : l’effondrement global de notre société industrielle à court terme est devenu plus que plausible. Inévitable.

On aura beau s’agiter en tous sens en clamant « il n’est pas trop tard », il est désormais certain qu’il n’existe aucune porte de sortie aisée pour s’extraire de la situation dans laquelle nous nous sommes empêtrés. Plus le temps passe, plus les marges de manoeuvre sont minces et plus le maintien de l’espoir s’apparente à une échappatoire pratique à notre inaction, une diversion cognitive (…)

Pour Bruno Latour, la dénégation, le dos rond, les fausses solutions et le fantasme démiurgique n’empêcheront effectivement en rien l’inéluctable d’advenir. [2] (...)

Envisager une sortie du tunnel optimiste demeure obstinément la réponse adaptative de survie à un environnement de plus en plus anxiogène. Accepter l’inacceptable avec le sourire et continuer à se mentir.

Nul doute pourtant que le néolibéralisme, le capitalisme, la surconsommation, le productivisme, le fondamentalisme marchand, la civilisation industrielle, quel que soit le qualificatif qu’on veut donner au système dominant, ira au bout de sa logique. Il y parvient jusqu’à présent sans encombre. Faut-il se remémorer comment les premières grandes campagnes climatosceptiques - menées par l’American Petroleum lnstitute et l’organisation de lobbying Global Climate Coalition, financée par les entreprises - se sont opposées à toute mesure de restriction dès 1990, alors que les faits déjà dramatiques du réchauffement étaient établis et le consensus scientifique acquis [3] ? Dépensant des millions de dollars, ils vont réussir à retourner des politiciens et des scientifiques proches des industriels, jusqu’à paralyser la ratification du protocole de Kyoto par les États-Unis. Pour rappel, en 1997, le Sénat américain a refusé de ratifier le traité à 95 voix contre 0. Aucun sénateur démocrate n’a voté en faveur du protocole. Aujourd’hui, en 2019, la logique de ce système reste la même.
(...)

***

Alors que nous ne représentons que 0,01 % de la biomasse terrestre, nous sommes quand même parvenus à entraîner la disparition de 83 % de tous les mammifères sauvages. [4] Il ne reste plus que 4 % d’animaux en liberté sur cette planète. Le reste, c’est de la viande en devenir, entassée dans des fermes usines, des entrepôts géants, des prisons à ciel ouvert. Parmi tous les oiseaux du monde, 70 % sont des volailles élevées principalement en batterie ; 60 % de tous les mammifères sur Terre sont du bétail, surtout des bovins et des porcs. (…)

Cette hécatombe planétaire a une cause originelle : le spécisme. Persuadés de notre supériorité sur toutes les autres espèces, nous avons développé un rapport utilitariste aux animaux non humains, disposant de leur vie comme bon nous semble et dans notre intérêt exclusif, mus par l’indécence de considérer que seule la vie humaine a de la valeur. Nous avons ignoré les grandes lois de l’écologie qu’Alexander von Humboldt ou Charles Darwin nous ont pourtant enseignées dès le XIX" siècle. Nous savons que la force d’un écosystème repose sur sa diversité, que toutes les espèces sont interconnectées et qu’il existe des limites à la capacité de charge d’une planète aux ressources finies. Nous savons que l’histoire de la vie sur terre est celle de la multitude d’interactions entre toutes les espèces qui la constituent. Mais nous sommes restés sourds à notre interdépendance avec la nature, en exterminant consciemment tous les autres êtres vivants, en nuisant au bon fonctionnement d’écosystèmes indispensables à notre existence.

En sapant méthodiquement les conditions de vie sur cette planète jusqu’à menacer la sienne propre, l’espèce humaine serait-elle fondamentalement et définitivement autodestructrice ? C’est ce que prétend Yuval Noah Harari, dans son best-seller mondial Sapiens : « Ne croyez pas les écolos qui prétendent que nos ancêtres vivaient en harmonie avec la nature. Bien avant la révolution industrielle, Homo sapiens dépassait tous les autres organismes pour avoir poussé le plus d’espèces animales et végétales à l’extinction. Nous avons le privilège douteux d’être l’espèce la plus meurtrière des annales de la biologie. (...). S’il est admis qu’Homo sapiens a toujours profondément modifié ses conditions d’existence, tous les modèles de développement ne peuvent effectivement être tenus pour responsables de leurs dégâts à équivalence de causes et d’effets. Nul ne peut aujourd’hui contester que le colonialisme, le capitalisme, l’industrialisme, le patriarcat, le productivisme, le culte du progrès technique, le consumérisme constituent autant de paliers d’accélération et d’approfondissement significatifs de la destruction du monde.

Quoi qu’il en soit, le retour fantasmé à des modèles inspirés des modes de vie plus harmonieux avec la nature, ceux des peuples premiers et de quelques tribus de chasseurs-cueilleurs demeurant sur Terre, paraît incongru tant il percute la réalité d’un monde peuplé de 7 milliards d’humains et bientôt davantage encore. Aussi juste et séduisante que puisse paraître la doctrine de l’anarcho-primitivisme [5], se libérer de l’emprise de la société industrielle et productiviste paraît d’autant plus irréaliste dans une société antropocentrée que cela suppose des conséquences démographiques colossales pour les sociétés humaines.

Dans ces conditions, pouvons-nous encore échapper à notre funeste destin ? Nul ne le sait, mais rien n’empêche de nous y consacrer corps et âme pour éviter le pire du pire, à savoir l’anéantissement de la vie elle-même, prise dans les filets d’Horno destructor.


3. CONSIDÉRATIONS POUR LA SUITE

(67 - 81)
Nous avons désormais un devoir de lucidité.

Accepter le tragique de la situation, aiguiser un esprit critique sur les racines du désastre, ne pas se défausser de notre responsabilité, identifier et nommer l’adversaire, livrer bataille. (…)

Il nous faut mesurer et intégrer pleinement l’ampleur de la catastrophe et la gravité de l’écocide en cours afin d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux. Les gestes symboliques, les initiatives anecdotiques, les issues qui n’en sont pas, la confiance dans le politique ou la responsabilité sociale des multinationales - en un mot l’écologie de réassurance - ne sont pas à la hauteur. Ils sont autant de leurres qui prétendent combattre un système mais finissent, en dernière analyse, par le renforcer.

Considérons enfin nos actions individuelles pour ce qu’elles sont. Les gestes qui font sens pour chacun d’entre nous ont le mérite de réduire la dissonance cognitive qui nous tiraille en nous permettant de nous aligner sur nos convictions. Ce n’est déjà pas mal. Mais le« faire sa part » ne résoudra rien, surtout s’il se mue en alibi facile du laisser-faire collectif. (…)

Nous avons perdu un temps colossal à espérer.

Nous évoluons malheureusement dans un XXI siècle qui démarre sous les plus mauvais auspices, livré à la mise en synergie mortifère de la cupidité sans limites des intérêts privés, des délires nationalistes de dirigeants obnubilés par leur souveraineté et leur puissance et du désarroi d’individus déboussolés et tentés par le repli sur soi. Il est illusoire de penser que dans ces conditions les États ou les individus renoncent volontairement à leurs avantages compétitifs. Leur demander des efforts pour limiter leurs émissions de C02 ou renoncer à certaines ressources pour des motifs écologiques, c’est inévitablement les enjoindre à baisser leur niveau de consommation d’énergie et leur niveau de vie. Cela affaiblira leur capacité de défense face à la menace potentielle d’autres États ou d’autres individus. Personne ne le fera de plein gré, a fortiori en période de turbulences sévères. (…)

Dans un système mondialisé, l’injustice l’est également. Notre confort de vie occidental dépend toujours de la prédation des ressources des pays du Sud (énergies fossiles, minerais, ressources halieutiques, etc.) et de l’exportation de nos pollutions en dehors de nos frontières (émissions de gaz à effet de serre délocalisées en Chine, montagnes de déchets électroniques en Afrique, déforestation en Amazonie, etc.). Il se paie donc au prix d’une dette écologique colossale. Notre train de vie suppose en effet un recours inconsidéré à l’énergie jusqu’ici peu chère et abondante. (…)

Dans ces conditions, rien ne viendra contrecarrer la trajectoire de la machine climatique vers des seuils de réchauffement invivables. Seul un effondrement brutal du système économique et politique dominant pourrait enrayer la destruction de la biosphère. (…)

De multiples effondrements sont déjà à l’œuvre, des centaines de milliards d’animaux et des centaines de millions d’humains en subissent les conséquences tragiques. Certains s’adaptent tant bien que mal, d’autres sont contraints à la migration pour retrouver des conditions de vie moins défavorables. D’autres encore succombent. Ces phénomènes toucheront irrémédiablement ceux qui parviennent aujourd’hui à s’en prémunir. Les lois naturelles ne connaissent pas de frontières et se moquent des inégalités ; même les plus riches ne pourront durablement maintenir leurs niveaux de confort et de sécurité. « Il n’est pas trop tard » veulent se persuader certains. Effectivement, il y a toujours quelque chose à sauver du pire. Mais soyons lucides, il est carrément trop tard pour inverser la tendance générale. li nous faut maintenant faire face en conscience, avec dignité, courage et détermination à l’issue qui se dessine, afin d’en minimiser les effets pour le plus grand nombre. Humains et non humains.
Pour reprendre les mots du climatologue français Robert Vautard, la seule option est désormais de tenter d’« éviter l’ingérable et gérer l’inévitable ».

Allégeons-nous

Soyons cohérents déjà et allégeons-nous, vraiment. La corrélation entre notre train de vie et notre empreinte écologique est mathématique. À une unité monétaire correspondent une empreinte énergétique et un niveau de pollution donnés. C’est simple, basique : plus nous consommons, plus nous ruinons l’avenir. Pour quiconque revendique une conscience écologique, la réduction volontaire de son pouvoir d’achat et le choix d’un mode de vie sobre ne doivent plus être questionnés. Ils s’imposent. Loin d’être l’expression d’un repli rétrograde, ce sont des actes politiques forts et engageants qui marquent le refus de collaborer avec les logiques insensées de l’illimité qui fondent le système « croissanciste ».

Consommer (beaucoup) moins et se contenter de l’essentiel sont des décisions à la portée de chacun et immédiatement efficaces à hauteur d’homme. Elles n’ont besoin d’aucun gouvernement, d’aucune innovation technique, d’aucune incitation fiscale, d’aucune norme imposée. Seulement de cohérence. Se libérer du superflu permet de cultiver sa créativité, de retrouver de l’autonomie, suppose de se tourner vers les autres pour faire face aux difficultés et encourage à coopérer pour mutualiser ce qui peut l’être. C’est une façon à la fois de reprendre le contrôle de sa vie et de créer du commun.

Affranchissons-nous

Tenons-le désormais pour acquis : le réformisme et la démocratie actuelle ne sauraient mettre fin au mode de production capitaliste, à la tyrannie de la croissance, à l’impératif compétitif et à la dévastation des écosystèmes. Nous n’avons plus rien à attendre d’un système politique et économique viscéralement lié et obsédé par la préservation d’un modèle à bout de souffle. (...)

Relions-nous

S’opposer, par une conflictualité assumée, aux ravages de notre modèle de société ne constitue évidemment pas une fin en soi. Son délitement, souhaitable, nécessite d’expérimenter en parallèle et au plus vite des organisations plus résilientes pour faire face aux inéluctables chocs qui s’annoncent. La multiplication des zones à défendre (ZAD), l’expansion des écovillages comme le développement d’écosystèmes urbains coopératifs fournissent des pistes pour des modes de vie mieux synchronisés aux aspirations émancipatrices des individus et aux limites planétaires. Les fondamentaux au cœur de leurs modèles - frugalité, démocratie directe, mutualisation et coopération, relocalisation de l’économie, monnaies libres, gestion raisonnée des ressources, autonomie énerqétique, agriculture vivrière, diffusion des savoirs et des pratiques, enracinement dans le local, réensauvagement, etc. - méritent d’être attentivement observés et soutenus.

Ces expériences incarnent à leur façon une version contemporaine des théories du municipalisme libertaire chères à Murray Bookchin. Elles ne constitueront cependant une alternative crédible et attractive au système dominant que si elles parviennent à dépasser l’isolement, la dérive autarcique et le fantasme de l’autosuffisance, en s’interconnectant de proche en proche et à plus vaste échelle. Des initiatives comme celle de la Suite du Monde, qui revendique une approche confédérale de communes libres et autonomes, s’inscrivent parfaitement dans cette exigence. [6]

Mais ne soyons pas naïfs. Développer et maintenir ces archipels ne s’accompagnera pas d’une bascule douce et apaisée vers une démocratie réelle. (…)

Murray Bookchin cautionnait lui aussi cet apparent paradoxe d’une pensée profondément pacifiste : « Je déteste la violence. J’ai un grand respect pour la vie humaine mais aussi pour la vie animale, avec laquelle je dois vivre : je crois que notre destin, en tant qu’êtres humains, est de devenir conscients de la nature tout en étant conscients de soi, en équilibre et en harmonie, non seulement les uns avec les autres mais avec l’ensemble du monde naturel. Je respecte énormément [le pacifisme] et, dans une large mesure, je tends à le suivre à titre personnel : stratégies, approches et philosophie pacifistes. Mais je ne me qualifierais pas de pacifiste pour la simple raison que si quelque chose comme un Franco devait réapparaître en Espagne ou, d’ailleurs, en Amérique, pour tenter de faire disparaître les libertés civiles et les droits de l’homme, je lui résisterais avec une massue s’il le fallait. [7] »

Biocentrons-nous

(78-79)
Notre trajectoire est sans appel. L’anéantissement biologique est aujourd’hui cent fois plus rapide que le rythme naturel et la vitesse du changement climatique sans précédent historique. La sixième extinction de masse qui se déroule sous nos yeux n’est pas un effondrement aux causes mystérieuses, c’est une extermination dont nous sommes les auteurs. Et c’est irréversible. Il faudrait entre trois et cinq millions d’années pour retrouver le niveau de biodiversité d’il y a cinquante ans64. Nous tronçonnons sciemment, depuis des millénaires, l’arbre de la vie, feignant d’ignorer que nous sommes assis sur l’une de ses branches.

Il va nous falloir accepter enfin de sortir d’une vision anthropocentrique du monde qui fait de l’humain l’espèce la plus aboutie de l’évolution, la plus à même par le biais de la science et de la technique non seulement de connaître l’univers mais aussi de le transformer.
Cette croyance nous a conduits à oppresser et exploiter toutes les autres formes de vie à notre bon vouloir et à notre profit exclusif. Il est plus que temps de prendre conscience que nous sommes totalement interdépendants d’une « géo-ingénierie » planétaire complexe qui devrait nous rendre très humbles et viscéralement solidaires de la biodiversité animale et végétale. En exterminant consciemment tous les autres êtres vivants comme nous le faisons, en nuisant au bon fonctionnement d’écosystèmes indispensables à notre existence, littéralement, nous nous suicidons.

Rien ne peut permettre de réfuter que les animaux ont une valeur intrinsèque, indépendamment des « services » qu’ils nous rendent. Comme nous, ils éprouvent de la joie, de la colère, de l’empathie, toute une palette d’émotions et de sentiments dont la science confirme qu’ils sont universels à tous les animaux, dont nous sommes. Au nom de quoi les animaux non humains n’auraient-ils pas un droit à la vie équivalent au nôtre ? À l’aune de ce que nous savons aujourd’hui, rien ne justifie plus de les chasser, de les exploiter, de les tenir en captivité, de les élever, de les abattre par centaines de milliards chaque année. Les implications éthiques et les conséquences écologiques de ce droit de vie et de mort que nous nous sommes injustement octroyé sont proprement immorales et catastrophiques. Tout devrait désormais être mis en œuvre et chacun devrait s’engager résolument pour préserver coûte que coûte le vivant. Par intérêt bien compris comme par simple humanité. (...)

Aimons-nous

Le vertige de notre époque nous divise, nous oppose, nous fragmente, nous fracture. Amplifiées par les réseaux sociaux, l’invective, la colère, la détestation gagnent du terrain, tandis que l’apathie, le repli, le désespoir, l’indifférence constituent pour certains d’ultimes refuges au désarroi global.

Pourtant, ce dont nous aurons certainement le plus besoin pour tenir dans les temps qui viennent c’est de fraternité, de vitalité et d’amour. Seules des communautés soudées, déterminées et coopératives pourront résister aux menaces, mutualiser leurs ressources, s’entraider, produire et partager équitablement.

Ne pas subir la peur mais lui tenir tête suppose de se serrer les coudes. Choisir le plaisir de l’action collective contre la résignation et la morosité est un puissant antidote à la haine. En tous les cas, j’y vois la meilleure stratégie de résistance face à l’autoritarisme et au fatalisme. Nous n’aurons pas d’autre choix que de compter résolument sur ce qu’il y a de meilleur en l’homme et le nourrir inlassablement chez chacun d’entre nous.


4. NOUS ALLONS AVOIR BESOIN DE COURAGE  [8]

(83 - 85)
Nous venons d’atteindre un nouveau record : celui de la teneur moyenne de CO2 dans l’atmosphère, qui culmine désormais à 405,5 parties par million (ppm) [9]. La dernière fois que la Terre a connu pareille concentration en dioxyde de carbone, c’était il y a trois à cinq millions d’années, quand la température était de 2 ou 3 degrés plus élevée et le niveau de la.mer de 10 à 20 mètres plus haut. Les effets cumulatifs du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité sur la santé, l’alimentation, l’eau, les infrastructures, l’économie et la sécurité vont rendre l’humanité plus vulnérable que jamais. [10] Aucune volonté politique, aucune innovation technologique, aucune conversion même brutale de nos modes de vie, aucun nouveau récit, aussi positivement mobilisateur soit-il, ne contrariera, à cette échelle et dans le temps imparti pour réagir, les lois immuables de la biophysique.

À partir de maintenant nous allons avoir besoin de courage (...). Nous allons être mis à l’épreuve de ce que nous voulons vraiment et de ce que nous sommes réellement. (...)

Alors, il serait encore temps ? Pour inverser la donne, sûrement pas. Pour nous adapter à un environnement radicalement perturbé, éventuellement.

Mais ce sera très vraisemblablement au prix d’une impitoyable sélection naturelle qui laissera des milliards d’humains et de non-humains sur le carreau. Et surtout à la condition absolue que nos potentiels d’adaptation ne soient pas totalement réduits par le franchissement de seuils fatals de destruction de la biosphère. Pensons à la simple possibilité de nous alimenter.

Dans l’incontournable épreuve de dérèglement climatique, de descente énergétique, de raréfaction des ressources et de déclin de la biodiversité que nous allons traverser, nous n’aurons pas besoin de « bons sentiments » mais de puiser profondément dans les valeurs qui ont toujours permis au collectif de faire face : lucidité, honnêteté, justice, dignité, responsabilité, fraternité, vaillance, bravoure, courage ... Et probablement une autre, essentielle, qui nous fait aujourd’hui massivement défaut : la compassion envers toutes les formes de vies animales et végétales sur cette planète.


Notre meilleure assurance-vie, celle qui précisément nous permettra d’exercer au mieux nos facultés d’adaptation, reste la préservation de la diversité du vivant, seule et unique garante du bon fonctionnement des écosystèmes dont nous dépendons tous.
Tout ce qui pourra être fait pour en maximiser la vitalité est à entreprendre d’urgence, depuis l’exigence radicale de sobriété individuelle jusqu’à l’obstruction et au démantèlement par tous les moyens acceptables d’un système industriel prédateur et destructeur.

Si nous ne parvenons pas à nous sauver de nous-mêmes, nous sauverons au moins l’honneur de l’humanité, enfin à sa juste place, aux côtés et solidaire de toutes les autres espèces vivantes (...).