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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Dans les écoles, l’association Coexister rappelle, entre autres, qu’on peut être « musulman et laïque »

Depuis 2009, ses membres se rendent dans des établissements scolaires pour parler du vivre-ensemble et pour décortiquer le principe de la laïcité.

Article mis en ligne le 24 août 2021

Depuis 2009, ses membres se déplacent, à la demande d’enseignants, dans les établissements scolaires pour parler du vivre-ensemble, rappeler ce qu’est la diversité des convictions, notamment religieuses, et décortiquer le principe de la laïcité. Autant de concepts parfois difficiles à saisir, surtout à ces âges-là. « L’enjeu est de rappeler ce qu’est notre modèle de société, ce qu’est Coexister, car on se rend compte qu’il y a beaucoup de fausses idées », relève Josselin Rieth, délégué national adjoint à la sensibilisation.

Dans ce collège qui assure des cours de culture religieuse, Stella Penziki, l’adjointe pastorale « voulait éviter, après les attentats, qu’il y ait une confusion chez les jeunes entre l’islam et le terrorisme ». C’est pourquoi, depuis, il lui paraît important d’« éveiller » les esprits. D’autant que, dit- elle, « c’est l’ignorance qui amène aux préjugés ».

Il a fallu attendre la fin du brouhaha et d’un lip dub sur un air du chanteur britannique Mark Ronson pour faire les présentations. « Amine, 28 ans, musulman et ingénieur dans les télécoms » ; « Adèle, 24 ans, agnostique et en service civique » ; « Fatma, de confession musulmane, diplômée en relations internationales » ; « Anne, 25 ans, catholique et super contente d’être là aujourd’hui. » Face à ces quatre personnes, cent cinquante élèves d’un collège privé de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) ont été invités par leurs professeurs à suivre une séance de sensibilisation de l’association Coexister.

Depuis 2009, ses membres se déplacent, à la demande d’enseignants, dans les établissements scolaires pour parler du vivre-ensemble, rappeler ce qu’est la diversité des convictions, notamment religieuses, et décortiquer le principe de la laïcité. Autant de concepts parfois difficiles à saisir,surtout à ces âges-là. « L’enjeu est de rappeler ce qu’est notre modèle de société, ce qu’est Coexister, car on se rend compte qu’il y a beaucoup de fausses idées », relève Josselin Rieth, délégué national adjoint à la sensibilisation.

Dans ce collège qui assure des cours de culture religieuse, Stella Penziki, l’adjointe pastorale « voulait éviter, après les attentats, qu’il y ait une confusion chez les jeunes entre l’islam et le terrorisme ». C’est pourquoi, depuis, il lui paraît important d’« éveiller » les esprits. D’autant que, dit-elle, « c’est l’ignorance qui amène aux préjugés ».

Lire aussi : Après les attentats, l’école exalte la laïcité

« On s’est basé sur des stéréotypes »

Les préjugés. Pour les déceler, Amine, bénévole à Coexister, projette au tableau la photographie de quatre jeunes de l’association partis faire un « tour du monde des initiatives interreligieuses ». « Qui est qui ? », demande-t-il aux élèves. Tous semblent s’accorder sur le fait que le troisième, barbe fournie, cheveux bruns, et chemise noire serait musulman. Le dernier, chemise bleu ciel, teint claire et raie sur le côté, serait plutôt catholique, ou athée, pensent-ils deviner. « Moi, je suis sûre qu’ils sont tous juifs », lance une adolescente aux longs cheveux blonds.

Amine finit par rompre le suspens. « Lui [présumé être musulman] s’appelle Victor et il est athée. »
« Quoi ? », lui répondent les élèves, étonnés de s’être fait berner. « Sur quoi vous êtes-vous basés pour répondre ? », interroge le bénévole. « On essaye de trouver l’origine ethnique, et on en déduit la religion », lance, la mine assurée, un garçon joufflu. « On s’est basé sur des stéréotypes », rebondit, au fond de la salle, une jeune fille. « Sur rien, on ne peut pas savoir », conclut un autre.
« Et comment appelle-t-on cela, le fait de deviner une appartenance sur une apparence ? », tente Amine. « Un préjugé », lâche l’assemblée. La leçon semble comprise.

Après cette entrée en matière, place au principe de la laïcité, notion autour de laquelle politiques et intellectuels se déchirent. Dernière polémique en date, le rapport de Gilles Clavreul sur la laïcité, rendu au gouvernement et dévoilé par Le Figaro, jeudi 22 février. Aussitôt l’article publié, Jean-Louis Bianco, le président de l’Observatoire de la laïcité, institution à laquelle se réfère Coexister, a critiqué la « rigueur méthodologique » et le contenu de ce rapport qui défend une laïcité renforcée.

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« La laïcité, n’est pas une opinion »

Au collège, pour animer le débat et pour expliquer aux élèves cette notion sensible, les membres de l’association utilisent des exemples concrets. « Peut-on aller dans une mairie avec une kippa ? » « Une femme peut-elle entrer dans un tramway avec un voile ? » Pour aider les élèves à trouver la réponse, Amine lance une vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=fx50d_aqaUo) . En quelques minutes, celle-ci retrace le parcours de la loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat, votée en 1905, et les débats houleux qui ont animé le pays au moment de sa discussion devant l’Assemblée nationale.

A l’époque, les partisans d’Emile Combes défendaient une « laïcité qui vis[ait] à éliminer la religion de l’espace public », alors que ceux d’Aristide Briand plaidaient pour une loi « de compromis respectueuse des libertés individuelles et séparant strictement l’Etat des cultes ». C’est cette conception qui finit par « l’emporter », rappelle la voix off. « La laïcité n’est pas une opinion mais bien le cadre qui les permet toutes, c’est adhérer à des lois et à des principes. On peut être juif et laïque , musulman et laïque », conclut-elle.

Ainsi, les intervenants rappellent-ils qu’une mère qui porte un voile peut participer à des sorties scolaires. Si cette réponse est en adéquation avec une étude du Conseil d’Etat, rendue en décembre 2013, qui relevait que les parents accompagnant ces sorties ne sont pas soumis à la neutralité religieuse imposée aux enseignants, elle tranche avec l’opinion de certains responsables politiques, à commencer par celle de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale (http://www.europe1.fr/societe/blanquer-pas-de-voile-normalement-pour-une-mere-en-sortie-scolaire-3516599) .

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« La coexistence active » pour vivre ensemble

« La laïcité permet d’exprimer librement sa conviction », insiste Anne, salariée de l’association, avant d’expliquer que, à Coexister, « on a une autre recette secrète pour vivre ensemble : la coexistence active ». Pour illustrer le concept, Adèle, agnostique malgré un père juif et une mère protestante, raconte que son choix fut difficile à vivre pour son « papa » :

- Pendant longtemps, dès qu’il me parlait de sa religion, je me braquais parce que je pensais qu’il voulait me convertir.

C’est finalement par le biais de la culture, en l’occurrence la « musique juive », qu’ils sont parvenus à dialoguer. « Je me suis intéressée à ses pratiques, sans vouloir devenir juive », raconte Adèle, avant de lancer une dernière vidéo https://www.youtube.com/watch?v=VC5TgaQ3IqQ qui fait l’éloge de la coexistence pacifique, un modèle qui « encourage la rencontre avec l’autre » et fustige l’assimilation qui, au contraire, « nourrit des frustrations souvent légitimes et peut favoriser la montée des extrémismes ».

En fin de séance, deux élèves viennent demander aux intervenants le nom de la chaîne YouTube de l’association, une autre, la différence entre « athée » et « agnostique ». Selon Amine, « ils étaient assez calés pour des quatrièmes ». En 2017, Coexister a animé plus de deux interventions par jour, partout en France.