C’est, semble t-il, une première mondiale : Pour préserver l’exceptionnelle biodiversité du Parc Yasuni, le président de la République de l’Equateur, l’économiste Rafael Correa, renonce aux ressources pétrolière que ce parc renferme.
"Pour la première fois un pays pétrolier, l’Equateur, où un tiers des ressources de l’Etat dépend de l’exploitation de cette ressource, renonce à ces revenus pour le bien-être de toute l’humanité et invite le monde à se joindre à cet effort à travers une juste compensation, pour qu’ensemble nous asseyions les bases d’une civilisation plus humaine et plus juste."
(concl du discours de Rafael Correa, Président de la République de l’Equateur, à la 62ème assemblée générale des Nations Unies, le 24 septembre 2007, à New York.)
(...) Le changement climatique n’a pas de frontières ; cependant il faut souligner que sa distribution et ses impacts sont inéquitables. Tandis qu’un citoyen moyen des Etats-Unis génère 6 tonnes de carbone par an, ou un européen moyen environ 3 tonnes par an, la moyenne mondiale des émissions de carbone par personne est d’environ 1,3 tonnes annuelles, avec une grande asymétrie. Une réalité qui établit clairement où sont les plus importantes responsabilités dans l’atteinte à l’environnement et à la vie sur la planète.
Cette exposition des faits ne prétend pas ignorer les émissions croissantes de quelques pays en voie de développement, mais de mettre en évidence que le modèle actuel de croissance, basé sur l’utilisation intensive des combustibles fossiles et dans la consommation excessive, est un modèle non durable, qui ne bénéficie qu’à une minorité "privilégiée" de la société moderne, mais qui nous affecte tous énormément.
Durante les dernières années, les désastres climatiques ont coûté la vie à plus de 3 millions de personnes dans le monde, ont affecté à 800 millions d’autres, avec des dommages immédiats qui dépassent les 23 milliards de dollars. De ces dommages, 90% se sont produit dans les pays en voie de développement.
L’Equateur est un pays marginal en termes d’émissions (moins de 1% du total mondial), mais dans lequel les conséquences du changement climatique pourraient occasionner la transformation graduelle des forêts tropicales par des savanes ; le remplacement de la végétation semi-aride par la végétation aride ; une perte significative de la biodiversité ; le recul des glaciers et des changements dans le régime de précipitations avec des impacts potentiels sur la disponibilité de l’eau pour la consommation humaine.
(...) Le modèle Yasuní-ITT, impulsé par le gouvernement équatorien, évitera l’émission de 111 millions de tonnes de carbone provenant de la combustion du pétrole. Le coût d’opportunité pour l’Equateur de ne pas exploiter le pétrole est d’au moins 10 à 15 dollars par baril. Cependant, l’Equateur demande au reste de l’Humanité une contribution de seulement 5 dollars par baril, pour conserver la biodiversité, protéger les peuples indigènes en isolement volontaire qui habitent là-bas et éviter les émissions de dioxyde de carbone. Le total de la compensation sollicitée auprès du reste de l’Humanité est d’environ 4,6 milliards de dollars. Cela serait un extraordinaire exemple d’action collective mondiale pour réduire le réchauffement global, pour le bénéfice de toute la planète.
Monsieur le Président,
Notre proposition prévoit de plus la création d’un Fond Fiduciaire Yasuní-ITT, dans le cadre du Plan National de Développement, qui inclut, entre autres, la diversification des sources d’énergie, le développement de capacités et d’investissements en éco-tourisme, et l’application d’un agenda intégral qui comprend la santé, l’éducation, et la réhabilitation environnementale.
En plus du soutien technique et économique, la proposition équatorienne cherche à transformer les vieilles conceptions de l’économie et le concept de valeur. Dans le système de marché l’unique valeur possible est la valeur de change, le prix. Le projet Yasuní-ITT se base surtout sur la reconnaissance des valeurs d’usage et de service, des valeurs non financières de la sécurité environnementale et du maintien de la diversité planétaire. Il s’agit d’inaugurer une nouvelle logique économique pour le XXIème siècle, dans lequel on compenserait la génération de valeur, et pas seulement la génération de marchandises.
Pour la première fois un pays pétrolier, l’Equateur, où un tiers des ressources de l’Etat dépend de l’exploitation de cette ressource, renonce à ces revenus pour le bien-être de toute l’humanité et invite le monde à se joindre à cet effort à travers une juste compensation, pour qu’ensemble nous asseyions les bases d’une civilisation plus humaine et plus juste.
Rafael Correa, Président de la République de l’Equateur.
Publié sur le site de "Biodiversité" :http://www.biodiversite2012.org/spip.php?article201#nb1
Le logo de cet article est repris du site "Biodiversité 2012"