L a crise sanitaire et les mesures de confinement ont impacté le monde du travail qui a été brutalement et soudainement contraint de s’adapter en imposant, là où c’était possible, le télétravail. Grâce aux différentes applications de communication désormais bien connues (Teams, Zoom, ... ), le travail quotidien a pu continuer. Mais au bout de plusieurs semaines, on commence à se rendre compte des limites de ce nouveau modèle. n suffit, pour s’en convaincre, de voir le large sourire des employés qui reviennent petit à petit au bureau presque soulagés de retrouver leur vie d’avant.
Diriger implique un contact physique
Et pour cause, l’aspect humain est aujourd’hui totalement absent de cette nouvelle manière de travailler et de communiquer. L’homme est un animal social pour qui l’interaction est vitale. L’échange vidéo ne remplacera jamais le contact physique car il y a d’autres dimensions dans les rapports humains qui ne pourront jamais passer par un fil. La vie d’une entreprise comme celle des travailleurs est aussi faite de moments de communication informelle qui permettent de s’intéresser à l’autre, de s’intégrer dans une conversation au détour d’un couloir ou à la machine à café. La communication vidéo en one-to-one ou en groupe nous prive de cette spontanéité et de ces moments indispensables pour humer la vie de l’entreprise, sentir l’ambiance, sonder l’état d’esprit collectif et individuel, partager une dynamique.
Manager une entreprise, ce n’est pas piloter à vue. Manager une entreprise implique un contact physique. Un peu comme le paysan manage sa terre : il la prend entre ses mains pour sentir et déterminer comment elle se porte et ce qu’elle sera capable ou non de produire. Manager, c’est générer le contact avec l’autre, le cultiver, l’entretenir au quotidien et à tout moment. Or, cette dimension n’est pas couverte par les communications vidéo déshumanisées. Après plusieurs semaines de télétravail, on commence à percevoir une atténuation progressive des liens interpersonnels et de la confiance.
Pour remplacer au mieux ce contact et travailler sereinement à distance, nous devons trouver un moyen de réduire cette distance. Cependant, aujourd’hui, l’inertie est totale sur le sujet. Il existe beaucoup d’avis mais pas de réponse ni de méthodologie qui semble faire foi pour résoudre le problème de "comment travailler demain ?". Car ne nous voilons pas la face, nous connaîtrons de nouveaux épisodes de confinement et l’entreprise sera amenée à rebasculer. Ce que nous pensions impensable il y a quelques mois est devenu une réalité.
Une transition qui évite les inégalités
Créer ce nouveau modèle nécessite plus qu’un simple dialogue social. C’est un véritable changement sociétal dont nous avons besoin. Nous avons une nouvelle page à écrire et il y a beaucoup de choses à faire si on veut qu’elle soit égalitaire. Car avant même le problème de la distance et de la déshumanisation de la communication, ne perdons pas de vue que tout le monde n’est pas égal face au télétravail.
• D’un point de vue technique d’abord. Selon l’endroit où l’on se trouve, la qualité de la communication dépend fortement de la bande passante. Les opérateurs de télécomnunication doivent pouvoir garantir une qualité équivalente à tout le monde.
• D’un point de vue physique ensuite. Le télétravail redéfinit la notion de bureau telle qu’on la connaît aujourd’hui. "Aller au bureau", ce sera de plus en plus rester chez soi. Mais combien de personnes ont l’infrastructure nécessaire ?
A l’avenir, pour les travailleurs, la possibilité de télétravailler dans de bonnes conditions , va devenir un prérequis comme avoir le permis de conduire. Les offres d’emploi de demain ne manqueront pas de faire référence à un home-office de qualité.
• Enfin, quel va être le cadre légal entourant le télétravail pour aller au-delà de ce cas de force de majeure que nous avons connu ? Aujourd’hui, il n’existe pas. Un cadre légal clair, défini avec tous les partenaires du monde du travail, doit permettre une transition qui ne génère pas d’inégalités tout en garantissant l’épanouissement du travailleur.
C’est en réinventant totalement notre rapport au travail et nos manières de communiquer que nous répondrons au véritable enjeu de société qui est face à nous et qui se pose en vrai challenge pour les générations à venir.
Antoine Kerrinckx,
27 juin 2020