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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Nourrir la planète sans la tuer ?
Article mis en ligne le 5 juillet 2015

Arun Gandhi : "On doit absolument se reconnecter à notre Terre"

Arun Gandhi, le petit-fils du Mahatma Gandhi, a repris le flambeau de son grand-père dans son combat contre la violence. "Je me demandais en quoi des grands décideurs de l’agriculture seraient intéressés par la non-violence, explique-t-il. Et puis j’ai réalisé que ma présence avait un sens : la plus grande violence de ce XXIe siècle, c’est de constater que la moitié de la population mondiale vit toujours dans une pauvreté extrême."

• Quel est le lien, selon vous, entre la violence et l’accès à la nourriture ?

Il existe deux types de violences, celle physique, que tout le monde voit, et la violence passive. C’est de cette deuxième violence dont je parle, celle qui nous pousse à contrôler les gens, à les dominer dans tous les aspects de notre vie. Chaque être humain a le droit d’avoir accès à la nourriture, à l’eau, à des soins de santé et un logement. Mais on ne semble pas préoccupé par cela. La seule question qu’on se pose c’est comment faire du profit. Auparavant, l’eau était disponible et gratuite pour tout le monde. On paie maintenant davantage d’argent pour l’eau que ce qu’on paie pour le gaz. La violence n’est pas naturelle, mais nous avons créé cette culture de la violence.

• Quelle est votre vision sur l’agriculture moderne ?

L’agriculture moderne est très déshumanisante. Les petits fermiers avaient une relation organique avec la Terre. La Terre n’est pas un objet mort, c’est un organisme vivant. Nous avons besoin d’avoir une relation directe avec elle. Auparavant, le fermier, rien qu’en tripotant son sol, pouvait vous dire directement s’il était trop sablonneux, s’il avait besoin d’engrais. Mais nous avons perdu cette connexion avec la Terre. Du haut de leurs grosses machines, les fermiers des grandes exploitations industrielles jettent leurs pesticides et leurs graines sans même toucher leur terrain. Se déconnecter avec la nature, c’est très dangereux.

• On voit tout de même une agriculture biologique qui prend de l’ampleur en Europe et aux Etats-Unis.

Oui et c’est une très bonne chose, mais nous devons pousser les grandes entreprises à changer radicalement. Elles sont comme la bureaucratie : elles n’ont aucune compassion. Leur seul but, c’est le profit. On doit absolument se reconnecter avec la Terre. Nous ne pourrons pas sauver la planète si nous ne sommes pas connectés à elle et interconnectés entre nous.

• Avec le boom démographique, il faudra toutefois produire davantage pour nourrir l’ensemble de la population, non ?

Il faut surtout mettre un terme à la surconsommation de produits. Aux Etats-unis, nous jetons 120 milliards de dollars de nourriture chaque année et cela dans l’unique but de maintenir les prix. C’est la même chose dans la plupart de pays riches. On jette près de la moitié de la nourriture à la poubelle. Donc à quoi cela sert de produire davantage ? On doit surtout trouver un système pour donner l’accès à la nourriture à ceux qui ne l’ont pas. On ne doit plus faire dépendre les gens de la charité, mais les rendre indépendants. Selon moi, les grands fermiers devraient attribuer 25 à 30 % de leur production aux fermiers les plus pauvres ou vendre cette production à des prix corrects.

Ils gèrent très mal leur colère

Héritage. Arun Gandhi (80 ans) a appris la non-violence avec son grand-père, le Mahatma Gandhi. "Quand j’étais petit, mon grand-père m’obligeait à dessiner un arbre tous les soirs. Je devais y inscrire tous mes actes de violence physiques de la journée d’un côté et de l’autre ceux de la violence passive, celle qui blesse intérieurement les autres et qui est plus difficile à détecter. Après un mois, mon mur était déjà rempli !"
"Sidéré" par l’attitude des jeunes Européens qui partent combattre en Syrie, Arun Gandhi commente : "Ils ont perdu l’espoir et aller tuer les autres là-bas ne va évidemment rien leur apporter. En fait, ils gèrent très mal leur colère. La colère, c’est comme le courant électrique : si on le dirige bien et on l’utilise, il est très utile. Mais si on en abuse et le met dans la mauvaise direction, il est mortel. Le problème c’est qu’aujourd’hui, on n’enseigne pas ce qu’est la colère et on permet à chacun de l’utiliser comme il veut et d’en abuser. Ce n’est qu’en prenant conscience de cette violence que nous avons en nous que nous pouvons changer."

MEULDERS RAPHAÈL, Publié dans La Libre le mardi 31 mars 2015