Bandeau
LARCENCIEL - site de Michel Simonis
Slogan du site

"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

"La vache et le prisonnier"
Article mis en ligne le 30 décembre 2016

En cette fin d’année 2016, et comme pour annoncer de belles avancées pour le futur, voici un article qui fait chaud au coeur, qui m’a séduit et que j’aime partager en ces jours de meilleurs voeux.

Une bonne nouvelle : à la prison de Saint-Hubert, des prisonniers travaillent dur mais préfèrent de loin cela à rester en cellule à s’ennuyer. Ils travaillent dans l’exploitation agricole de l’établissement pénitentiaire.

Le centre de détention de Saint-Hubert est une petite prison à régime ouvert et communautaire qui compte 216 détenus.
Il ne s’agit pas d’une prison comme les autres. Elle gère une exploitation agricole.
"Septante hectares de prairie et de bois, un jardin d’un hectare et demi où poussent des fruits et des légumes, une serre pour les tomates et plus d’animaux d’élevage que de détenus : 226 bêtes, une petite moitié de vaches viandeuses, l’autre de laitières, quelques lapins et des poules. Les vaches paissent habituellement en prairie, le long de la clôture de la prison mais là, hiver oblige, elles sont rentrées à l’étable, située dans une belle ferme carrée en pierre qui jouxte l’établissement" écrit Isabelle Lemaire.

La ferme à la prison ne date pas d’hier. Construite en 1906, elle a été cédée à l’administration pénitentiaire en 1933. Le Centre pénitentiaire agricole de Saint-Hubert a été officiellement créé onze ans plus tard. Aujourd’hui, sous la supervision active des gardiens qui, formés aux métiers de la ferme, mettent eux aussi la main à la pâte avec passion, une quarantaine de détenus y travaillent, sur une base volontaire, sans limite de temps et contre une petite rémunération. L’engouement est grand puisque la liste d’attente compte une trentaine de noms.

"Notre philosophie est de mettre un maximum de détenus au travail et de leur proposer des travaux différents de ce que l’on peut trouver en milieu carcéral. Ceux qui choisissent le travail agricole ont, pour certains, déjà une expérience en la matière. Pour d’autres, il s’agit d’une découverte qui tourne parfois à la révélation et suscite des vocations comme pour des jeunes issus de quartiers sensibles, des toxicomanes ou même des psychotiques", signale Marisol Michel, la directrice de Saint-Hubert.

"Ce travail à la ferme leur apporte de la resocialisation, de l’équilibre, de l’apaisement, de l’épanouissement, le respect de la vie et des consignes. Il réinstaure un rythme de vie normal", poursuit-elle.

Le contact bienfaisant des animaux

Elle raconte, un brin émue, quelques anecdotes appuyant ses dires. "On avait confié le soin des lapins à un détenu dont je n’avais pas entendu le son de la voix pendant trois ans. Eh bien, il a fini par me parler. Un autre a hésité à accepter le port du bracelet électronique car on venait de lui proposer la responsabilité d’une étable. Il y a aussi cet homme qui a trouvé du travail au service des Parcs et jardins de Bruxelles à sa libération."

Sept jours sur sept, le travail commence à 6h et se termine à 17h30. "On a choisi ce travail car on aime les animaux. C’est dur mais on préfère ça que rester en cellule toute la journée à s’ennuyer. On se sent libre, bien dans la tête. Et on dort bien la nuit (sourires)", expliquent un peu timidement deux jeunes détenus qui s’occupent des vaches.

Après avoir travaillé avec les vaches pendant trois ans, L. est désormais employé à la fromagerie de la prison, ouverte en 2012 et gérée par "Chef Isabelle", un agent pénitentiaire qui a suivi une formation. Car les 150.000 litres de lait produits chaque année à la ferme sont transformés en beurre, crème, glace, maquée et plusieurs types de fromages. "J’ai toujours aimé travailler et c’est un plaisir de ne pas être obligé de rester en cellule. On pense trop…", lance-t-il , lui qui arrive en fin de peine. Il note d’autres avantages au travail en fromagerie. "On peut goûter la glace et le fromage et puis, il y a la fierté que nos produits soient achetés, même par un hôtel de luxe à Liège."
"Chef Isabelle" se rend aussi une fois par trimestre au SPF Justice à Bruxelles, les bras chargés de ses produits laitiers qu’elle offre à ses collègues de l’administration pénitentiaire.

Cercle vertueux

Les produits alimentaires issus de la ferme de Saint-Hubert servent en grande partie à alimenter les cuisines de la prison. Le surplus est acheté par le personnel de la prison, des restaurateurs et des particuliers du coin. Le bois est vendu pour le chauffage et l’allumage. Il est aussi transformé en châssis de fenêtre. "L’argent récolté sert à financer des projets ‘bien-être’ pour les détenus", précise la directrice. Une belle façon de boucler la boucle.

Reportage d’Isabelle Lemaire, publié dans La Libre le vendredi 30 décembre 2016.

Copyright © La Libre.be (site est protégé par le droit d’auteur). Pour lire le reportage en entier et les belles photos qui l’accompagnent, voir LLB