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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Pour une réintégration durable des travailleurs malades
Article mis en ligne le 8 octobre 2024
dernière modification le 31 décembre 2024

En Belgique, le nombre de malades de longue durée ne cesse de croître depuis 2008. On en dénombre aujourd’hui 500 000, et selon le Bureau fédéral du Plan, nous risquons de dépasser le cap des 600 000 d’ici à 2035 si la politique ne change pas.

L’échec de la réintégration en est l’une des causes principales.

La bonne nouvelle : ce n’est pas la bonne volonté qui manque, la prise de conscience de cette problématique a considérablement évolué ces derniers temps.
La mauvaise nouvelle est que cela ne se traduit pas par des résultats.
Cette situation est due en grande partie à cinq erreurs systémiques persistantes en matière de réintégration.
Celles-ci sont enracinées depuis des décennies...

Cinq grands changements de mentalité sont à mettre en œuvre d’urgence pour faire baisser les chiffres vertigineux de l’absentéisme de longue durée.

Lode Godderis
Professeur de médecine du travail à la KU Leuven et CEO du service de prévention IDEWE

Dans la plupart des cas, le travail accélère le processus de guérison grâce à de nombreux effets bénéfiques.

La bonne nouvelle : ce n’est pas la bonne volonté qui manque, la prise de conscience de cette problématique a considérablement évolué ces derniers temps. La mauvaise nouvelle est que cela ne se traduit pas par des résultats. Cette situation est due en grande partie à cinq erreurs systémiques persistantes en matière de réintégration. Celles-ci sont enracinées depuis des décennies, et font souffrir de trop nombreuses personnes en les laissant dans des situations d’absentéisme sans issue. Pour ces personnes, pour leurs employeurs, et pour tous ceux qui sont susceptibles de les aider, en tant qu’intervenant ou décideur, j’ai fait le choix de publier mon Manifeste pour la réintégration c·i_ J’espère ainsi enfin engager le changement de direction qui s’impose.

L’impact de l’échec de la réintégration est énorme. Le tribut sur le plan humain arrive en premier lieu. Il pèse non seulement sur le travailleur malade, mais également sur ses collègues qui doivent combler son absence. La performance de l’employeur et la santé de notre économie dans son ensemble en pâtissent également. Cela met d’ailleurs tout notre Etat social sous pression. Inversons donc enfin la tendance en opérant un profond changement de pensée au regard de ces cinq grands chantiers.

Apte ou inapte

1. Reprenons notre réflexion sur l’absentéisme pour cause de maladie en général : dès qu’une personne s’absente, toutes les démarches à faire en vue de sa réintégration sont fondées sur les limitations causées par sa maladie ou son handicap, qu’elle doit également d’abord faire reconnaître officiellement. La stigmatisation augmente, de même que la difficulté à chercher de l’aide, et cela crée surtout un détour inutile vers un nouveau contenu du travail. Celui-ci doit en effet correspondre à ce que vous êtes capable de faire, et pas à ce que vous ne pouvez pas faire. Sur ce plan, il ne faut pas oublier la pensée binaire omniprésente en matière de maladie : vous êtes soit apte au travail soit inapte. C’est un frein im-
mense.

2. Dans mon livre Werken is Genezen (Le travail, c’est la santé), je plaidais déjà en 201 7 en faveur de l’influence positive du travail sur le processus de guérison, qui est malheureusement encore trop peu reconnue. On part encore trop souvent du principe qu’on ne peut reprendre le travail qu’après une guérison complète. Toutefois, dans la plupart des cas, le travail accélère le processus de guérison grâce à de nombreux effets bénéfiques.

3. La troisième erreur systémique dont nous devons nous défaire est notre obsession du contrôle alors que nous devrions nous concentrer sur la connexion. Le réflexe d’envoyer un certificat de maladie et un petit
message aux RH ferme la porte au dialogue constructif qui permettrait au travailleur et à son supérieur hiérarchique/employeur d’aborder en toute confiance la gravité de l’absence et, lorsqu’une absence prolongée s’annonce, de parler directement de la réintégration à venir.

4. Favoriser la connexion ouvrirait également la voie vers un paysage dans lequel les intervenants seraient mieux mis en avant. En l’état, c’est l’erreur systémique n°4. Les choses sont beaucoup trop compliquées et confuses. Même les différents intervenants s’y perdent, la pratique nous le prouve. Par exemple, le médecin du travail est encore trop peu sollicité, alors qu’il est tout aussi logique de le consulter pour un trouble causé par le travail ou ayant un impact sur celui-ci que de voir un dentiste pour une rage de dents. Le médecin du travail est en effet un acteur essentiel pour accompagner le retour au travail. La recherche montre que plus le médecin du travail peut intervenir tôt, plus la réintégration a de chances de réussir. Celle-ci peut se faire chez l’employeur actuel au même poste ou avec des adaptations, mais si cela s’avère impossible, elle peut aussi avoir lieu chez un nouvel employeur. Cette option est encore beaucoup trop peu explorée, a fortiori lorsque le médecin du travail n’est pas impliqué. L’interaction entre les spécialistes fonctionne bien dans de nombreux autres domaines de soins de santé. Nous ne pouvons pas continuer à accepter qu’elle soit aussi fragile lorsqu’il s’agit de réintégration.

Les besoins individuels

5. Enfin, dans le contexte actuel de la médecine du travail et de la réintégration, il est urgent de passer des procédures uniformes, avec toutes les inefficacités et les manques de moyens et de capacité qu’elles impliquent, à un accompagnement sur la base des besoins individuels des travailleurs. Passer de l’égalité à l’équité. Trop souvent, la législation obsolète qui encadre le fonctionnement des services externes de prévention, et donc des médecins du travail, constitue encore un obstacle. Prenons l’exemple des examens périodiques : d’un point de vue légal, ceux-ci doivent impérativement être réalisés par le médecin (du travail), alors qu’ils pourraient, sous certaines conditions, parfaitement être assurés par le personnel infirmier. Le contexte tendu du marché du travail actuel nous oblige à maximiser les capacités de chaque profil, afin que les médecins du travail perdent le moins possible de temps, qu’ils pourraient mettre à profit pour aider réellement les gens. Voilà le dernier changement que nous devons opérer.

Par ce manifeste, je tente d’ouvrir enfin les yeux de chacun sur ces cinq changements de paradigme. Faisons en sorte que 2024 soit l’année que nous considérerons plus tard comme celle où nous aurons enfin commencé à résorber l’absentéisme de longue durée inutile. Je tends la main à tous les acteurs, y compris au niveau politique, pour avancer sur cette voie.

·· (*) Le texte intégral du Manifeste peut être téléchargé gratuitement sur le site d’IDEWE.
Le voici.