Bandeau
LARCENCIEL - site de Michel Simonis
Slogan du site

"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

la transition à l’université
Article mis en ligne le 8 octobre 2024
dernière modification le 3 janvier 2025

Les universités doivent s’attacher à former des citoyens responsables et des décideurs éclairés, dotés de compétences en pensée critique, résilience, collaboration et gestion des ressources.

Œuvrons ensemble à la transition.
Voir les Signataires :

L’étudiant emmagasinant passivement des quantités de savoirs, c’est révolu.

Adam Smith prônait la division du travail et la spécialisation comme source de productivité et la concurrence comme levier d’accroissement du bien-être. Mais savons-nous qu’il pensait également que le pouvoir des entreprises risquait d’avoir des effets néfastes sur les travailleurs et les consommateurs et que l’on finirait par oublier de les considérer comme des êtres sociaux, dotés de sentiments envers les autres, au risque de les aliéner ? Pourtant, près de 250 ans plus tard, nos sociétés érigent la division du travail, la spécialisation et la concurrence en normes indiscutables.

Le monde académique n’y a pas échappé et, en particulier, les sciences sociales, toujours plus divisées et spécialisées, au profit de la sacro-sainte performance disciplinaire. À titre d’exemple, la nécessaire mobilité des étudiants et des chercheurs a poussé l’enseignement supérieur vers plus de standardisation, en particulier en management. La quasi-obligation de briller sur le plan national et international a amené de très nombreuses institutions à se tourner vers des agences privées de labélisation ou autres rankings pour attester de leur qualité. Ces phénomènes ont renforcé l’idée que les décideurs doivent disposer de compétences uniformes pour répondre aux besoins d’un marché mondialisé. Si ces démarches de certification et d’assurance qualité offrent des avantages indéniables, on peut s’inquiéter du fait que cette uniformisation excessive n’entraîne un appauvrissement de notre enseignement. La standardisation de nos modes d’enseignement et de leurs contenus risque de "produire" des décideurs qui, malgré leur formation, seraient démunis face aux contextes instables, fluctuants et imprévisibles de l’ Anthropocène, dans lesquels ils devront évoluer.

Enrayer le cercle vicieux de la rentabilité maximale

Nous sommes censés exceller dans la formation des économistes et des managers, mais ces derniers, en quête de sens, peinent à enrayer le cercle vicieux de la rentabilité maximale, du productivisme et de l’hyperconsommation. il est intéressant d’observer que certains pays, dont les institutions d’enseignement figurent en tête des classements internationaux, présentent également des indicateurs d’inégalité sociale et de pollution parmi les plus élevés au monde. Sans y voir de lien de cause à effet, cette observation soulève des questions sur la capacité du système de formation à faire évoluer les comportements économiques et environnementaux des futurs décideurs.

Les catastrophes économiques, climatiques et sociales à répétition remettent en cause les fondements de notre société moderne qui a construit l’université telle que nous la connaissons. Elles ont révélé la vulnérabilité de notre modèle actuel et renforcé l’urgence d’abandonner la logique extractive et consumériste du "monde ancien" en faveur de modes de production et de consommation régénératifs et circulaires. Cette transformation doit aller au-delà de simples réformes marginales ; elle nécessite de repenser notre rapport au monde dans une logique de soutenabilité et de résilience. Ce mouvement, par son caractère systémique et complexe, appelle à une transformation profonde de l’enseignement, qui doit jouer un rôle central en tant que levier de changement sociétal. Les universités ne peuvent plus se contenter de transmettre des savoirs théoriques, mais doivent s’attacher à former des citoyens responsables et des décideurs éclairés, dotés de compétences en pensée critique, résilience, collaboration et gestion des ressources, conformément aux travaux de l’Unesco dans le cadre de l’éducation au développement durable.

Pour répondre aux défis systémiques, nous devons avant tout décloisonner les disciplines et promouvoir une approche transdisciplinaire des problèmes contemporains. Les étudiants ont besoin d’être formés à aborder ces problèmes de façon globale, en combinant diverses perspectives et en développant leur capacité à résoudre des problèmes complexes de manière intégrée.

De l’engagement

En outre, l’étudiant emmagasinant passivement les quantités de savoirs est révolu. La responsabilité sociétale nécessite de l’engagement. De nouvelles approches, telles que le learninq by doing ou le service leaminq, dès l’entrée dans le supérieur, permettent d’impliquer les étudiants dans des projets engageants, qui donnent du sens aux savoirs tout en les questionnant. Aussi, il est temps de laisser de la place aux émotions, longtemps négligées, mais qui jouent pourtant un rôle central dans le processus d’apprentissage. Par exemple, l’approche "tête, corps, cœur" met en avant l’importance des émotions et de l’apprentissage expérientiel pour former des personnes engagées, capables de penser de manière holistique et d’agir de manière responsable. Popularisée par le Schumacher College en Angleterre, cette pédagogie fait écho à la pédagogie jésuite fondée sur le cycle "expérience-réflexion-action". En devenant acteurs de leur formation et en participant activement à la construction des savoirs via une collaboration renforcée, les étudiants prennent conscience qu’à travers leur formation et leur avenir professionnel, ils ont un rôle à jouer face aux défis sociétaux. C’est là un moteur inspirant pour enrayer ce que d’aucuns appellent l’éco-anxiété qui frappe souvent les jeunes générations. L’analyse systémique et la réflexion critique sont ainsi des compétences essentielles pour appréhender les enjeux complexes de la transition vers un développement durable. Mettre en place des approches pédagogiques permettant de comprendre les interactions entre les différentes perspectives disciplinaires, confronter les théories aux réalités de terrain et questionner les pratiques établies permettront d’apporter des réponses adaptées. Remettre les disciplines à leur juste place, encourager la collaboration d’académiques d’horizons différents au profit d’un enseignement riche et varié, remettre l’étudiant, son sens critique et son engagement au centre de nos préoccupations sont devenus une priorité. il y a certes urgence, mais le pouvoir créatif de l’être humain à l’œuvre dans les propositions ici dépeintes est à même de nous transformer, enseignants et étudiants, et ainsi contribuer à transformer, ensemble, notre société.

Chronique Université de La Libre Eco du 5 octobre 2024