Bandeau
LARCENCIEL - site de Michel Simonis
Slogan du site

"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Il y a plus de conscience dans une mouche que dans le plus puissant des ordinateurs
Article mis en ligne le 23 septembre 2024

De façon assez inattendue, Steven Laureys figurait, jeudi dernier, parmi les personnalités invitées à s’exprimer sur l’une des scènes du salon Viva Technology, à Paris, qui est devenu le plus grand rendez-vous européen pour les start-up technologiques.

Le célèbre neurologue belge y a mesuré, en direct, l’activité cérébrale du fondateur de BlaBlaCar.

Dans un entretien à "La Libre", Steven Laureys plaide pour un juste équilibre entre les apports des nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, et la reconnexion à nos besoins émotionnels.

Extraits d’un entretien avec Pierre-François Lovens
La Libre, le 28-05-2024

On ne présente plus Steven Laureys, neurologue belge de renommée internationale et chercheur en neurosciences. Aujourd’hui installé à Québec, où il est professeur et chercheur au centre de recherche "CERVO" de l’Université Laval, Steven Laureys a notamment dirigé le Coma Science Group, qu’il a créé en 2014 au sein du centre Giga Consciousness de l’Université de Liège. La majeure partie de ses travaux de chercheur est consacrée à l’étude des altérations de la conscience chez les patients sévèrement cérébrolésés (le coma, par exemple), ainsi que durant l’anesthésie, le sommeil, la méditation et dans l’état hypnotique.

Nous en avons profité de la présence de Steven Laureys au salon Viva Technology, à Paris, pour l’interroger sur la raison de sa présence dans un salon où il était surtout question d’intelligence artificielle (IA).

• Vous connaissez ma passion pour la conscience humaine et la compréhension du plus grand mystère, qui est notre univers intérieur. Cela me fascine, en tant que neurologue mais aussi comme chercheur FNRS dans les neurosciences (d’abord à l’Université de Liège et, aujourd’hui, à l’Université Laval de Québec), de comprendre comment le cerveau, composé de milliards de cellules et de milliers de connexions, évolue en permanence. Car, contrairement à ce qu’on nous enseignait à l’université dans les années 1980, de nouvelles cellules et de nouvelles connexions se créent tout au long de notre vie. C’est la neuroplasticité. Mon objectif est de documenter cette neuroplasticité avec toutes les neuro-technologies qui sont aujourd’hui à notre disposition.

On vous a donc demandé de mener en direct, sur une scène de Viva Technology, une expérience sur l’un des entrepreneurs emblématiques de la "French Tech", Frédéric Mazzella (fondateur de BlaBlaCar). En quoi consiste cette expérience ?

• Dans mon laboratoire, j’utilise 250 électrodes pour mesurer l’activité cérébrale d’un patient. Ici, je vais en utiliser seulement trois. Mais ça va permettre de visualiser ce qui est invisible. Qu’est-ce qui se passe dans le cerveau d’un "serial entrepreneur" comme Frédéric Mazzella ? La technologie en vigueur permet de visualiser, en temps réel, son activité cérébrale électrique. Grâce à des algorithmes qui sont utilisés pour analyser une pièce de musique, on va pouvoir décomposer cette activité et extraire différents signaux. On peut visualiser jusqu’à 120 composants qu’on voit défiler sous la forme de couleurs artificielles. Pour faire très simple, cela permet de visualiser le flux continu de la conscience. Ce que je veux notamment montrer avec Frédéric Mazzella, c’est que la méditation, la respiration, permet de développer notre capacité cérébrale à orienter l’attention alors que le cerveau de cet entrepreneur carbure, va dans tous les sens.

Cette expérience s’inscrit dans le cadre de la recherche, lancée en 2020 au sein de l’Université de Liège, sur le fonctionnement du cerveau des entrepreneurs. Qu’avez-vous appris de cette recherche ?

• Le mérite de la recherche revient à Frédéric Ooms, qui a fait sa thèse à HEC-Liège et dont j’étais le co-promoteur. (...) On a pu surtout démontrer, avec Frédéric Ooms, que la flexibilité cognitive jouait un rôle déterminant chez les entrepreneurs.

En quoi consiste cette flexibilité cognitive ?

• C’est la capacité d’une personne de s’adapter à une réalité qui change en permanence. Prenons le Covid. Personne n’avait prévu son arrivée. Certaines personnes ont pourtant vu, dans cette crise sanitaire, des opportunités pour entreprendre, créer, là où beaucoup d’autres n’ont vu qu’une catastrophe. Pourquoi cette différence ? Je crois beaucoup dans la capacité d’adaptation et de résilience. J’ai pu l’observer chez Matthieu Ricard et les moines bouddhistes (qui font des retraites de 3 ans) ; chez un athlète comme Guillaume Néry (plongeur français capable d’apnées de longue durée) ; chez un musicien (tel que le directeur musical de l’Opéra de Bruxelles).

Il est beaucoup question d’intelligence artificielle (IA) à Vivatech. Quel regard portez-vous sur cet engouement des entrepreneurs pour l’IA ?

• Certains parlent même de conscience artificielle ! Il y a pourtant plus de conscience dans une mouche que dans le plus puissant des ordinateurs. Ces ordinateurs ne pensent rien, ne perçoivent rien. Ils n’ont aucune émotion. Ce ne sont pas ces super machines qui vont nous dire ce qu’il faut faire, ce qui est bien ou ce qui est mal. Mon rôle, comme scientifique et neurologue, est de convaincre nos politiciens qu’au niveau éducationnel, il faut arrêter d’investir uniquement dans la connaissance. Il faut aussi qu’on se reconnecte à nos besoins émotionnels. Et cela, malheureusement, l’école ne l’offre pas d’une manière structurelle. On n’apprend pas aux élèves à gérer leurs émotions, celles des autres, à travailler ensemble… Il existe pourtant toute une série d’outils, liés au bien-être mental, qu’on devrait apprendre aux enfants.

Lire l’article complet sur La Libre.