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Michel Simonis

Philippe de Grosbois : les batailles d’internet

Pour une politique publique du numérique sans exclusion

Article mis en ligne le 24 juillet 2022
dernière modification le 4 décembre 2022

On observe sur le net, surtout depuis le confinement, un véritable triomphe des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et autres géants qui se sont développés avec le numérique. Globalement, les pouvoirs publics ont tendance à leur ouvrir les bras sans trop se poser de questions.

Philippe de Grosbois, sociologue du numérique et des mobilisations sociales, enseignant et auteur de l’étude « Les batailles d’internet », met en lumière quelques aspects de ce que pourrait être une politique publique du numérique pour un internet plus écologique et social, plus démocratique et populaire. Quel rôle pour l’État afin que la population puisse s’approprier ce continent numérique colonisé par le capitalisme numérique ?

Extraits d’un entretien avec Philippe de Grosbois
Propos recueillis par Aurélien Berthier
(Agir par la culture n°65 (été 2021))

On observe sur le net, surtout depuis le confinement, un véritable triomphe des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et autres géants qui se sont développés avec le numérique. Globalement, les pouvoirs publics ont tendance à leur ouvrir les bras sans trop se poser de questions. Au point de faire d’internet un simple outil au service du capitalisme néolibéral ? Philippe de Grosbois, sociologue du numérique et des mobilisations sociales, enseignant et auteur de l’étude « Les batailles d’internet », met en lumière quelques aspects de ce que pourrait être une politique publique du numérique pour un internet plus écologique et social, plus démocratique et populaire qui passe notamment par un rapport de force avec les GAFAM. Quel rôle pour l’État afin que la population puisse s’approprier ce continent numérique colonisé par le capitalisme numérique ?

Magazine Agir par la culture N°65 // été 2021

Extraits et réécriture
En brun, quelques passages clés.
Voir aussi dans Larcenciel "Pour une pratique publique du numérique sans exclusion"

1. Internet dévoyé. Au service de qui ?

Selon Naomi Klein, la crise liée au Covid a constitué Pour les GAFAM une occasion incroyable non seulement de faire des profits, mais aussi de s’implanter massivement dans tout un ensemble de nouveaux secteurs, par exemple dans l’éducation.

Dès le départ, Internet possède un caractère décentralisé. Pour développer des applications, il a utilisé des standards, un peu à la manière du réseau électrique qui fonctionne un peu partout quasi de la même manière. Il s’est développé comme un espace relativement flexible donc ouvert au changement.

Sauf que…

Les GAFAM se sont peu à peu placés à des endroits centraux du réseau pour y exercer des fonctions essentielles : la recherche, les interactions, les achats… Ce faisant, ils sont en train de miner le caractère initial de décentralisation d’internet.

Si ce n’est pas irréversible, ça devient quand même de plus en plus difficile, au fur et à mesure que cette montée en puissance se poursuit, d’aller vers un internet véritablement démocratique et que la population puisse s’approprier.

D’autant que les pouvoirs publics réagissent peu, souvent trop tard, parfois de façon improvisée, et en répondant à toutes sortes d’intérêts qui ne sont pas nécessairement ceux de la population en général, mais ceux d’autres industries qui se sentent menacées par la numérisation.

2. Un internet comme service public ?

Dans votre livre, vous défendez notamment l’idée que le réseau (re)devienne un service public. Qu’est-ce que ça pourrait changer ?

L’idée de refaire de l’infrastructure un bien public, ça voudrait dire d’abord que les revenus nous reviendraient à nous collectivement par l’intermédiaire de l’État. Le réseau serait aussi rationalisé, supprimant des doublons ou triplons dans le réseau (câblage, antennes,…) et évitant un certain nombre de gaspillages. On aurait sans doute aussi une meilleure couverture du territoire, notamment pour des endroits peu ou pas rentables pour les compagnies privées, car éloignés des centres urbains. Symboliquement aussi, prendre conscience que ce qui est dans le sol nous appartient serait une première étape pour mieux sentir qu’internet est aussi à nous et le repenser dans le sens de la communauté et en termes de service public, comme le relevait l’intellectuelle et militante Astra Taylor il y a quelques années. Parce qu’avec les grandes entreprises qui gèrent actuellement le réseau, on est plutôt dans une logique de consommation ou de diffusion de produits culturels et pas dans la vision d’un Internet vu comme un service et un outil pour les communautés.

Cela étant, il y a des pièges dans lesquels il faut éviter de tomber quand on parle de collectiviser l’infrastructure.

Si je vois bien les câbles et toutes les infrastructures matérielles possédés par l’État, je pense en revanche qu’il ne devrait pas devenir un fournisseur d’accès unique. Ce rôle devrait plutôt être assuré par des municipalités ou des coopératives, bref, par une multiplicité d’acteurs.

On utilise aujourd’hui cette infrastructure de communication pour absolument tout — la pandémie l’a bien confirmé : travail, culture, participation politique… Il est donc nécessaire de posséder certains garde-fous pour éviter que la gestion de l’internet devienne trop sensible aux paniques morales ou à l’instrumentalisation politique du gouvernement du moment. Et que cela aboutisse in fine à un internet plus contrôlé, surveillé ou filtré.

Une plus grande implication de l’État sur le net ferait peser un risque de surveillance accrue ?

Il y a des risques de surveillance et il y a le risque de miner la neutralité d’Internet, c’est-à-dire que ceux qui maitrisent les tuyaux décident de rendre certains contenus plus difficilement accessibles, de les ralentir voire de carrément les bloquer.

Il faut donc avoir en tête ces deux risques-là et imaginer des dispositifs pour les limiter.

Puisqu’une des forces d’internet, c’est son caractère décentralisé, on peut donc décider de ne pas appliquer un modèle un peu 20e siècle de type “État centralisateur" au risque de perdre cet atout. C’est pourquoi, si on socialisait les infrastructures, il faudrait aussi réfléchir à des organismes de contrôles. Par exemple, se doter d’une sorte de Conseil numérique constitué par des gens issus de divers secteurs du numérique (informaticien-nes, juristes, mais aussi des internautes, des journalistes, des professionnels du secteur culturel, etc.). Il pourrait mener des réflexions et assurer une certaine vigie sur cet internet aux câbles “collectivisés” pour qu’il reste indépendant du monde politique.

Cela étant, dans l’internet actuel, dominé par le privé, nous ne nous sommes pas du tout prémunis contre les risques de surveillance. Qu’on songe seulement aux programmes mis en place par des organismes gouvernementaux comme la NSA (National Security Agency, Etats-Unis). Ils sont en effet déployés sans que les États aient besoin de contrôler internet, par des moyens plus ou moins subtils pour accéder aux données accumulées par les GAFAM. Quant à la neutralité du net, elle est loin d’être garantie dans un système où les fournisseurs d’accès sont souvent des éléments de holdings possédant également des médias ou plateformes qu’ils peuvent décider de privilégier en termes de vitesse. Et ils pourraient pourquoi pas demain décider de limiter ou d’interdire tel ou tel éléments du réseau.

3. Internet accroît le réchauffement climatique et multiplie les déchets électroniques. Que peuvent faire les pouvoirs publics ?

On sait que la part globale du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre dépassera bientôt les 5%, et qu’il consomme en énergie près de 10% de la demande mondiale en électricité. Enormément de déchets électroniques sont également produits. Que peuvent faire les pouvoirs publics pour limiter les nuisances environnementales de l’industrie numérique ?

 Il s’agirait de commencer par renforcer la lutte contre l’obsolescence programmée, tous ces procédés qui limitent la durée de vie des produits. C’est un facteur de surproduction de déchets numériques très importants et qui pousse à un renouvèlement à un rythme écologiquement insoutenable (...)

 Un enjeu réside aussi dans le fait d’avoir des produits qui peuvent être plus facilement réparés. Pour cela, il faut avoir facilement accès à des pièces détachées et que les fabricants autorisent les utilisateurs à réparer eux-mêmes leurs machines.

Il faut également se poser la question de l’utilité réelle par rapport à nos besoins d’un nombre toujours plus croissant d’objets connectés. (...) Un grand débat doit être engagé sur ces gadgets et fonctions supplémentaires de nos appareils censés rendre la vie plus pratique, mais qui renforce surtout les GAFAM dans leurs collectes de données. Le problème est très large, car on est pris dans un solutionnisme technologique tel que décrit par Evgeny Morozov, c’est-à-dire la croyance qu’on va résoudre des problèmes sociaux, politiques, psychologiques, etc. avec des applications, des machines, des gadgets. Tout cela donne lieu à un déploiement et une surconsommation de produits technologiques et d’énergie loin de nos besoins réels. Se sortir de ce paradigme va être très compliqué.

Voir 7. Les pistes d’Egeny Morozov

 On pourrait aussi relocaliser les services internet. Les serveurs énormes qui sont situés à différents bouts de la planète entrainent un coût énergétique très important puisque l’info doit transiter sur de très longues distances, parfois de continent à continent. Si ce dont on a besoin est mieux réparti, rationalisé, en circuit court, on pourrait avoir des serveurs plus proches des personnes qui bénéficient de ces services et éviter une importante déperdition d’énergie. (...) Sans compter que la chaleur dégagée par ces fermes de serveurs pourrait aussi être utilisée par exemple pour le chauffage urbain.

 Cependant, il ne faut évidemment pas mettre de côté l’aspect international du net qui permet de protéger des lanceurs d’alerte ou des communications politiquement sensibles. Il ne s’agit donc pas non plus de balkaniser internet en en faisant des réseaux locaux, des intranets nationaux.

4. Le rôle de l’État ne devrait donc pas tant être de développer des outils publics que de briser les monopoles des plus gros joueurs et permettre à une diversité d’émerger.

Est-ce que l’État devrait aussi intervenir en favorisant l’apparition de plateformes coopératives ou d’intérêt général ? (...)

Si l’infrastructure peut être centralisée et/ou mis en commun, pour les services, il me semble plus intéressant de conserver l’aspect décentralisé du web et une multiplicité d’acteurs y œuvrant. (...)

Facebook représente un cadre qui limite fortement nos manières d’interagir entre humains et de partager de l’information et de la culture. (...) Il y a un travail législatif antitrust à mener par les États pour briser ces grands monopoles. Notamment en les forçant davantage à l’inter-opérabilité, c’est-à-dire que les systèmes puissent se parler entre eux, que les données puissent être utilisables sur différentes plateformes.

Car des médias sociaux commerciaux comme Facebook, fonctionnent dans une logique d’accaparement, de compétition, de recherche de part de marché. Ce sont des « jardin clos » (walled gardens), des espaces qui tentent d’empêcher les gens de sortir et leur proposent des suites de services intégrés. Cela veut dire qu’il est de plus en plus difficile de parler d’un système à un autre. Quand quelqu’un vous dit de le joindre sur Messenger, cela vous oblige à créer un compte sur Facebook. Ces effets de monopole pourraient être contrés par des actions législatives forçant à l’interopérabilité à la manière de l’email qui, lui, est une technologie interopérable : on n’a pas besoin d’avoir un compte chez gmail pour envoyer des mails à une adresse @gmail. Les normes de transmissions de l’information entre ces serveurs de différents courriels leur permettent de se parler entre eux sans enlever des particularités à chaque application. Ça permettrait à des alternatives libres et non-marchandes type Mastodon (équivalent libre de Twitter) ou Diaspora (idem pour Facebook) de se faire une place. Sans cela, ces alternatives n’auront jamais l’espace pour se développer.

Le rôle de l’État ne devrait donc pas tant être de développer des outils publics que de briser les monopoles des plus gros joueurs et permettre à une diversité d’émerger. Y compris en aidant et finançant certaines alternatives. Michel Bauwens évoque à ce niveau-là des partenariats « Public-Commun » qui viendraient supplanter des partenariats public-privé. Dans cette optique, les pouvoirs publics financent des initiatives communautaires et qui respectent un certain nombre de critères (non-lucratif, code ouvert, interopérable…). Ça pourrait enrichir le paysage sans que ce soit nécessairement l’État qui planifie et se mette à concevoir le web. (...)

5. Un partenariat Public-Communs ?

Ces partenariats « Public-Communs » pourraient donc financer et favoriser des outils non marchands et d’intérêt public ?

Pour donner un exemple, on peut songer à Couchsurfing, où ceux qui ont un peu d’espace chez eux peuvent offrir (gracieusement !) à une personne de passage un endroit où passer la nuit. Comme Air B’N’B, cette plateforme met en relation des gens qui offrent et qui demandent un logement temporaire, mais ces deux sites n’ont évidemment pas la même philosophie de l’hospitalité ni les mêmes finalités. On pourrait donc imaginer que le genre d’initiatives comme Couchsurfing reçoivent une aide publique. De même que des sites de covoiturage, de partage d’outils, d’échange de savoir-faires, etc.

6. Y a-t-il moyen d’aller plus loin pour réduire la mainmise des GAFAM sur le web et leur pouvoir face aux États ?

Jusqu’ici, on se borne à demander à Facebook de modérer davantage de contenus ou bien de soutenir un peu le vrai journalisme en le finançant ou en les favorisant dans leurs algorithmes. Ce faisant, on ne fait que consolider son caractère central dans la communication sur internet. Et on reste dans la logique, très néolibérale, de faire appel à la « responsabiltié » de ces acteurs alors qu’il faut en réalité clairement diminuer leur poids et les déloger de leur place.

 Il faut donc d’abord mener des batailles judiciaires antimonopoles pour casser ces gigantesques conglomérats d’une ampleur jamais vue (...)

 Il faut en réduire la taille pour en réduire les capacités de nuire.

 Ensuite, on peut aussi penser à limiter drastiquement ou interdire les publicités ciblées pour ces GAFAM qui sont en fait en grande partie de gigantesques régies publicitaires.

 Puis, poser des limites à l’accumulation de données. En limitant par exemple la durée légale de leur stockage, ce qui profiterait au passage à l’environnement, car on aurait peut-être besoin de moins de serveurs.

 D’autre part, avoir plus de transparence sur les algorithmes utilisés par les plateformes, qu’ils puissent être audités ou rendus publics.

 Enfin, gagner la bataille de l’interopérabilité permettrait de rendre plus facile le fait de quitter une plateforme comme Facebook, car on sait qu’on ne perdra pas contact avec les gens qui y sont.

Tout cela nuirait à l’accumulation de profits par ces entreprises et réduirait leur pouvoir politique, car ce sont des lobbyistes importants auprès des gouvernements. Et cela permettrait à des alternatives d’émerger.

7. Les pistes d’Egeny Morozov

Pour couper l’herbe sous le pied ces mégacompagnies Evgeny Morozov propose d’inverser la logique de données captées et monétisées par les GAFAM avec le principe de faire des données que nous produisons un bien public, que les collectivités peuvent éventuellement vendre ou louer au privé. Est-ce une piste intéressante à suivre ?

Que les données deviennent un bien public ou un commun, ce serait un changement de paradigme total ! Ça ouvrirait tout un champ de questions politiques sur les données : Quelles données on veut capter ? Pour quoi faire ? Qu’est-ce qui doit être accessible à qui, à quel moment et pendant combien de temps ? Avec quel degré d’anonymisation ? Car, pour le moment, ce qui est considéré comme une donnée digne d’être collectée ou pas, dépend surtout de choix guidés par le profit.

Or, on pourrait aussi capter des données qu’on ne collecte pas actuellement. Celles-ci ne permettent pas forcément de faire du profit, mais elles nous renseigneraient sur des réalités sociales ou environnementales. Cela alimenterait le débat public et la prise de décisions politiques. On pourrait par exemple avoir un registre dynamique des baux et des loyers pour mesurer les effets de la crise du logement, de la gentrification ou de la spéculation immobilière. C’est peut-être plus utile à la collectivité que la trace que je laisse sur le net et qui indique sur quel site d’achat en ligne je me suis rendu dernièrement.

8. Mettre en lumière les rapports de travail qui sont sous-tendus dans des choix informatiques.

(...)
Il faut mettre en lumière les rapports de travail qui sont sous-tendus dans des choix informatiques.Car les applications de ces plateformes peuvent être vues comme un contrat de travail transformé en code informatique. Avoir accès aux algorithmes de ces sites et applis est dès lors indispensable à l’exercice de tout droit du travail. Tout un processus juridique et syndical doit être mené pour remettre en question certaines pratiques et favoriser l’émergence de plateformes coopératives, dans lesquelles les travailleurs peuvent mieux contrôler les conditions d’exercice du travail. À titre d’exemple, je pense à l’évaluation directe qu’on demande systématiquement aux clients (un automatisme qui est souvent producteur de mesquineries dommageables au travailleur qui se voit déclassé). Cela pourrait être interdit et être remplacé par un système de plaintes dont le client ne ferait donc usage que s’il estime avoir été lésé. On a aussi la question du droit à la déconnexion, notamment pour des gens qui sont dans un emploi qui ne dépend pas exclusivement du numérique, mais aussi pour ces travailleurs du numérique.

9. la culture et son financement au temps du numérique.

(...)
Il faut se défaire de l’idée que la culture est un produit. On écoute gratuitement les morceaux qui passent à la radio, mais les artistes reçoivent quand même quelque chose. De même pour les livres qu’on emprunte à la bibliothèque. C’est donc possible d’imaginer des systèmes de rémunération non basés sur une transaction marchande directe entre un consommateur et un artiste. Pour moi, ça pourrait constituer une direction pour une politique publique de gauche d’initier cette sortie d’un rapport marchand à la culture.

Est-ce qu’on pourrait même imaginer un modèle de plateforme publique ou parapublique, sur le modèle d’une gigantesque bibliothèque ou médiathèque auxquelles tous les citoyen·es pourraient s’abonner et qui leur permettent un accès illimité à une grande quantité de films, séries, de musique, de livres numériques, etc. ?

Ça vaudrait la peine de développer ça au niveau étatique, quitte à ce que ça ne présente pas les plus récentes parutions. On pourrait conserver un certain délai de 5, 10 ou 20 ans entre le moment où les œuvres sortent et le moment où elles sont disponibles à tous en ligne sur ce type de plateforme. Au-delà de cette idée d’une plateforme publique qui centralise une grande base de données de contenus culturels, on pourrait aussi songer à une logique de pair-à-pair, c’est-à-dire qui voit les œuvres disséminées sur les disques durs des gens qui les mettent en partage sur le réseau. N’oublions pas que le partage gratuit des œuvres, ce que les industries culturelles nomme le piratage, a permis conservation et diffusion de nombreux contenus culturels rares, marginalisés ou oubliés en parallèle de la production culturelle actuelle. (...)

10. Est-on limité par la mondialisation ?

Le cadre des politiques publiques est souvent national, alors qu’on est face à des acteurs et pratiques complètement mondialisés. Quel impact peuvent avoir des mesures décidées par seulement un petit nombre d’États ?

Beaucoup de choses peuvent être faites par les États même si ce n’est pas appliqué partout.
L’exemple du RGPD (Règlement sur la protection des données) décidé par l’Union européenne a montré un impact qui dépasse largement la zone sur laquelle cette législation est en vigueur. Ainsi, beaucoup d’entreprises du numérique ont décidé, pour éviter de fonctionner différemment suivant les régions du monde (pour des raisons de coûts et de rationalisation) de généraliser ce fonctionnement un peu plus respectueux des données à l’échelle du monde. Il est donc possible d’instaurer un rapport de force localement qui a un impact au niveau global.(...)

Philippe de Grosbois, Les batailles d’internet, Assauts et résistances à l’ère du capitalisme numérique, Ecosociété, 2018.

Pour lire le texte original et en entier, voir Agir par la culture N°65 // été 2021