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Le député belge qui défie Pékin sur le sort des Ouïgours du Xinjiang
Son pays aurait pu être le premier au monde à définir le sort réservé aux Ouïgours de Chine comme un génocide. Mais la lenteur de ses procédures parlementaires, la difficulté pour y former un gouvernement, ainsi, sans doute, que la prudence généralisée face à une telle décision et ses possibles conséquences, ont un peu douché les espoirs des défenseurs belges des droits humains. Le Canada, le Pays-Bas et la Grande-Bretagne l’ont, eux, déjà votée.
Qu’importe. Samuel Cogolati restera au moins comme le premier parlementaire de la planète à avoir imaginé et rédigé une proposition en ce sens. Elle sera débattue par la Chambre des députés belge, en mai, avec des auditions d’exilés chinois, d’une rescapée des camps et d’experts en droit international. Le jour où il a déposé officiellement sa proposition de loi, en février, « la présidente de la Chambre et les dirigeants de tous les groupes politiques de l’Assemblée ont reçu, dans l’heure, une demande chinoise pour que le texte ne soit pas examiné », confie-t-il, encore ébahi.
La proposition a-t-elle une chance de passer la rampe ? Le gouvernement du libéral Alexander De Croo n’a pas encore pris position, mais l’élu du parti vert francophone Ecolo est confiant : « La Chine a sous-estimé l’importance des valeurs dans nos démocraties, dit-il. Et puis, arrêtons de nous imaginer en David face à Goliath. En tout cas, si nous ne faisons rien, les choses ne feront que s’aggraver. »
Sanctionné par la Chine
A 32 ans, M. Cogolati, petit-fils d’immigrés italiens, docteur en droit de l’Université flamande de Louvain après des passages par Harvard et le King’s College de Londres, est devenu une célébrité mondiale pour une autre raison. Le 22 mars, il a découvert qu’il figurait sur la liste de dix personnalités et quatre entités contre lesquelles des mesures sont prises par Pékin, en réponse à la décision européenne de sanctionner quatre responsables de la répression de la minorité musulmane. Avec, notamment, les eurodéputés Raphaël Glucksmann et Reinhard Bütikofer, il était désigné pour avoir porté de « graves atteintes à la souveraineté et aux intérêts chinois » et avoir répandu « des mensonges et des fausses informations malveillantes ».
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, correspondant)
Publié dans Le Monde, le 23 avril 2021
https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/23/le-depute-belge-qui-defie-pekin-sur-le-sort-des-ouigours-du-xinjiang_6077779_3210.html
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Ouïghours : la Chine prend des sanctions contre dix Européens, dont le député belge Samuel Cogolati
Ouïghours : la Chine prend des sanctions contre dix Européens, dont le député belge Samuel Cogolati
La Chine a annoncé lundi des sanctions contre dix Européens, dont des parlementaires et des universitaires, et contre quatre organisations, en représailles à des sanctions de l’UE pour la répression de Pékin contre la minorité musulmane des Ouïghours.
"Cette décision, qui ne repose sur rien d’autre que des mensonges et de la désinformation, ignore et déforme les faits", a annoncé le ministère chinois des Affaires étrangères dans un communiqué, ajoutant qu’il s’agissait d’une ingérence "grossière" dans ses affaires intérieures.
Interdiction d’entrée en Chine
Parmi les parlementaires visés figure Samuel Cogolati, député hutois à la Chambre des représentants. L’écologiste est l’auteur d’une proposition de résolution demandant que la Belgique reconnaisse comme génocide le sort réservé aux Ouïghours. Le dépôt du texte avait déjà donné lieu à une vive réaction de l’ambassade de Chine en Belgique qui avait dénoncé des "actes peu glorieux et méprisables" fondés sur des "rumeurs extrêmement calomnieuses et absurdes".
Le député et sa famille sont interdits d’entrée en Chine continentale, Honk Kong et Macao ainsi que de faire du commerce avec la Chine.
"C’est odieux car l’on vise le coeur de la démocratie ", a déclaré le député belge interrogé par l’Agence Belga. "Ce genre d’intimidation ciblée n’aura pour seul effet que de renforcer ma détermination à me battre pour la démocratie et les droits de l’homme. Je vais continuer mon travail pour que le sort qui est fait à la minorité ouïghoure soit reconnu comme un génocide et que des sanctions soient infligées aux responsables des violations des droits de l’homme, que ce soit au Xinjang (où vivent les Ouïghours) , au Tibet, à Hong Kong ou partout ailleurs en Chine. Peu importe le poids de ces sanctions, ce n’est rien en comparaison des graves persécutions que des millions d’Ouïghours vivent quotidiennement".
La Belgique condamne fermement
Plusieurs résolutions sur la situation des Ouïghours ont été déposées à la Chambre et feront l’objet d’auditions en commission des Relations extérieures après les vacances de Pâques.
"La Belgique condamne fermement" ces sanctions chinoises contre des entités européennes et des parlementaires, dont un Belge, a indiqué la ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès, promettant de suivre le dossier de près avec les autorités européennes.
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Cinq députés européens sont aussi visés par ces sanctions chinoises : Raphäel Glucksmann, Reinhard Butikofer, Michael Gahler, Ilhan Kyuchyuk et Miriam Lexmann. Sur Twitter, Raphäel Glucksmann a fait savoir qu’il considérait ces sanctions comme sa "légion d’honneur". Outre Cogolati, deux autres parlementaires nationaux sont la cible de Pékin : les députés néerlandais Sjoerd Wiemer Sjoerdsma, et lituanien Dovile Sakaliene, ainsi que deux universitaires, l’allemand Adrian Zenz et le suédois Bjorn Jerden.
Quatre institutions ou organisations sont par ailleurs dans le viseur des autorités chinoises : le Comité politique et de sécurité (CPS) du Conseil européen, la sous-commission des droits de l’homme du parlement européen présidée par la Belge Marie Arena, l’Institut Mercator d’études chinoises en Allemagne et l’"Alliance of democracies foundation" au Danemark.
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Samuel Cogolati : Brisons le tabou sur les Ouïghours
Ce mardi 17 novembre, je participais à une conférence sur les Ouïghours à l’invitation du Cercle de droit de l’UCL, avec Amnesty International et le Professeur de droit international Pierre d’Argent. Voici le texte de mon intervention.
1. Le cas de la famille d’Ablimit Tursun
Les élections ont lieu le 26 mai 2019. Et le 29 mai, une famille issue de la minorité musulmane et turcophone ouïghoure (persécutée par la Chine) est livrée à la police chinoise alors qu’elle se situe à l’ambassade de Belgique à Pékin pour rejoindre le père qui réside à Gand avec un statut de réfugié politique. Bien que la mère ait demandé la protection de la Belgique et qu’elle ait refusé de quitter l’ambassade par peur de violation de ses droits fondamentaux, elle est néanmoins refoulée et livrée à la police chinoise avec ses quatre enfants (5, 10, 12 et 17 ans). Depuis lors, ni elle, ni ses enfants n’ont pu entrer en contact avec leur mari et père, qui s’inquiète légitimement de leur situation.
C’est comme ça que très vite, j’ai été confronté à ce qu’il se passait en Chine. En quelques heures, je suis interpellé. Une rencontre est ainsi organisée avec le père, réfugié politique ici en Belgique, aidé par quelques académiques, et entouré de représentants de la communauté ouïghoure qui ont tous fuit la Chine.
Le père ne prédit rien de bon. Il est résigné. Il ne comprend pas l’attitude de la Belgique. Il me dit que le sort des personnes issues de la minorité ouïghoure, c’est la surveillance de masse, l’enfermement arbitraire.
Aujourd’hui, un an et demi après l’arrestation de la famille, malgré de nombreuses interpellations au Parlement, force est de constater que la famille est détenue à résidence dans la Province du Xinjiang. Mme Abula et ses 4 enfants sont surveillés, clairement interdits de parler à leur époux/père (après 18 ans de mariage) par les officiers de police, avec le risque qu’ils soient transférés dans un camp d’internement, sans aucune assurance qu’ils pourront un jour être libérés.
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