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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Comment une autre agriculture prévient des inondations : petit "mode d’emploi"
Article mis en ligne le 8 octobre 2021
dernière modification le 22 décembre 2021

Suite aux catastrophes vécues dans l’est de notre pays et face aux réactions timorées (depuis des années) de nos pouvoirs public concernant ce qu’on appelle l’aménagement de territoire, l’avenir meilleur passera par nos écoles d’agriculture.

LBH, un agriculteur qui souhaite rester anonyme, partage son expérience et ses réflexions d’agriculteur suite aux inondations catastrophiques dans l’est et le sud de la Belgique.

Depuis les années soixante, nous assistons à l’industrialisation de nos campagnes, aux remembrements, avec l’arrachage des haies, au bétonnage des chemins, à l’agrandissements des parcelles, à la transformation de prairies (situées habituellement dans les pentes et aux bord des rivières et gardant bien les sols) en champs pour le nourrissage des bovins avec du maïs et mélanges de céréales … alors que ce sont des herbivores.

L’agriculture "moderne"a versé dans le tout à la chimie et au matériel de plus en plus lourd avec comme conséquence une perte de structure des sols et le tassement de ceux-ci.
Les mises aux normes agricoles ont encore remis une couche (béton) et ont fait disparaitre la petite agriculture.

Plus récemment, on assisté à une réindustrialisation des campagnes avec l’installation d’éoliennes et leurs milliers de kilomètres de routes en béton.

La canalisation des ruisseaux et rivières, sensée augmenter la fluidité du passage de l’eau, s’est avérée catastrophique. C’est l’inverse qu’il faut faire à savoir reméandrer, éraser les talus et les digues dans les vallées inhabitée afin de ralentir l’eau et permettre aux ruisseaux et rivières de sortir de leur lit le temps des fortes pluies pour y revenir calmement à la fin de celles-ci. Allons voir chez nos voisins Néerlandais, ils le font depuis des années. "Au lieu de construire des digues plus hautes, nous essayons de donner plus d’espace aux rivières", expliquait lundi dans la Libre le Rijkswaterstaat.

L’urbanisation des campagnes s’est faite de manière chaotique. On a construit des maisons n’importe où le long des routes (les Flamands avaient pourtant déjà fait l’erreur ) avec des conséquences sociales ( perte de la vie de quartiers ) économiques (augmentation des coûts des services ) et bien sûr écologiques (avec la déstructuration du milieu), le tout sur base d’un plan de secteur dépassé.

Les zonings industriels qui poussent comme des champignons, dévorent et bétonnent des milliers d’hectares chaque année, alors que des friches industrielles restent "abandonnées".

Chez moi, pas de dégâts...

Je suis agriculteur propriétaire à 20 km de Liège en Hesbaye vallonnée, j’ai une exploitation mixte, 2/3 cultures, 1/3 prairies, mon exploitation est traversée par une vallée ( 2km ) et une rivière ( entre 2 et 3 mètres de large ).

Quand je suis arrivé, il y a 30 ans, la pleine était déserte, plus une haie, ni un arbre, les champs étaient cultivés jusqu’au béton. Au moindre orage, les routes traversant l’exploitation étaient couvertes de boue. Les prairies dans la vallée restaient inondées pendant des jours, parce que l’eau passée au-dessus des talus de curage restait bloquée, la rivière était devenue un canal rectiligne, avec un "nettoyage" biannuel permettant à l’eau de couler le plus vite possible.

Au fil des années, j’ai diminué la taille des parcelles, planté 10 kilomètres de haies e mis 10 hectares de bandes enherbées le long de celles-ci et aux endroits les plus sensibles.

Des petits bois de plaines et vergers hautes tiges ont été replantés à des endroits plus difficiles à cultiver.

Je suis également passé en bio, la structure du sol en est très améliorée( le rendement de mon exploitation aussi ).

Mon bétail (vaches allaitantes) est uniquement nourri à l’herbe, jamais de vétérinaire sur l’exploitation, juste pour satisfaire l’appétit administratif de l’Afsca.

Nous avons également enlevé tous les talus (formés par les boues de curage) et reméandré les 2 kilomètres de rivière. La végétation est directement revenue dans ce cours d’eau assagi, la faune et la flore ont explosés.

Résultat : après les pluies torrentielles de ces derniers jours, pas un gramme de boue sur les routes, mes cultures sont restées droites, la rivière est sortie lentement de son lit inondant la vallée et dès l’arrêt des pluies est rentrée calmement dans son lit s’en provoquer de dégât.

Sans jeu de mot, ceci est une petite goute d’eau dans l’aménagement de notre territoire, mais cela peut donner de l’espoir. Nous avons passé 50 ans à démolir nos campagnes, cela continue de plus belle, il faut arrêter cela.

Dans ma région (Hesbaye limbourgeoise ), depuis quelques années, les pouvoirs publics (province et ministère de l’agriculture) ont réalisé quelques projets similaires au mien et mènent une politique proactive en matière d’érosion et d’aménagements agricoles. Mais cette tendance est suivie de manière très "prudente" par les agriculteurs.

L’avenir se prépare dans les écoles d’agriculture et dans la formation de nos "urbanistes" mais surtout par l’observation de notre belle nature … qui nous le rendra bien.

Publié dans La Libre le 16-07-2021
Titre, et intertitre sont de la rédaction de la Libre. Titre original : "Aménagement de territoire".

Voir aussi l’article dans mes "pearltrees.