Et si c’était la fin des haricots ? C’est l’exercice d’anticipation auquel s’est livré Robin Cousin dans la BD Des milliards de miroirs. Sur Internet, un blogueur annonce la fin du monde dans 2352 jours. Les derniers animaux sauvages disparaissent, et la biodiversité survit dans des bulles climatisées. Le monde a les yeux rivés sur une étoile que l’on croit peuplée d’extra-terrestres peu amènes.
Ces mille motifs d’inquiétude font de la peur la chose du monde la mieux partagée, quitte à perdre le sens des priorités. Car pourquoi craindre les hommes verts quand la vie disparaît sur Terre ? « J’ai voulu montrer que beaucoup de gens ont peur d’autre chose, alors qu’ils devraient avoir peur du désastre écologique », explique-t-il.
Comme ses personnages, nous souffririons d’une dissonance cognitive faite d’une connaissance précise des enjeux climatiques et d’une difficulté à changer de mode de vue : “Penser au climat mais aller manger au fast food ... ça rend fou ! Je pense que beaucoup de gens sont dans cette situation”, suppose-t-il. Un mal de la jeunesse ? “J’ai l’impression que la nouvelle génération naît dans un état de société dépressive. Ils grandissent avec ça, comme moi j’ai grandi avec le discours disant qu’il ne faut pas laisser couler l’eau du robinet.” De quoi expliquer le passage, en une génération, de l’optimisme à la peur, que le trentenaire dit ne pas avoir vraiment ressentie : « Lorsqu’ils ressentent de la peur, beaucoup de gens sont effondrés, et cela casse leur envie d’action. J’ai plutôt ressenti une forme de grande tristesse. » Un peu comme celui de ses personnages pour lequel il semble avoir le plus de sympathie, un jeune homme qui, ayant bien conscience que l’avenir est incertain, choisit de se battre encore pour préserver la vie des derniers animaux. Après avoir été biberonné au développement durable, Cousin dévient de plus en plus militant, surtout depuis qu’il lit les textes de la Deep Green Resistance, mouvement qui espère démanteler notre civilisation thermo-industrielle. En recherche de solutions pour sauver la planète, il a interrogé des scientifiques. « Ils sont aussi inquiets que nous », regrette-t-il. « Le seul truc réaliste, c’est l’utopie !” Inventer des mondes désirables en espérant qu’ils se réaliseront un peu : l’ambition de l’artiste rejoint celle de l’écologiste.
Th. S. ROBIN COUSIN :
DES MILLIARDS DE MIROIRS
Ed. FLBLB, 23 €.