Nous sommes tous (ou presque) conscients maintenant que les choses ne tournent plus rond et qu’il y a dans l’air des changements majeurs qui vont transformer notre vie.
La morosité, la déprime et le stress ambiant ne sont sans doute pas sans liens avec l’impression que nous avons que le monde est dans une impasse, dont on ne perçoit pas l’issue.
"Il s’agit d’apprendre à espérer". (Ernst Bloch).
Tracer un chemin optimiste et fraternel pour l’avenir de la planète, c’est mieux que de jouer les oiseaux de mauvaise augure, ce qu’on a beaucoup reproché aux alarmes écologistes. C’est surtout créer une attente positive dans nos têtes, alimenter nos coeurs d’espérance, faciliter l’émergence de nouvelles façons de vivre, de se représenter la réalité, de voir le monde et l’avenir de la planète, plus sûrement qu’en mettant le doigt sur toutes nos tares.
Si on regarde trop sous la queue du cheval, nous disait un formateur psychothérapeute, on va nécessairement trouver du crottin. Il vaut mieux apprendre à galoper.
Je pense que c’est ce que fait Jeremy Rifkin.
Je ne peux que vous inviter à galoper. N’est-ce pas un bon plan pour 2015 ?
Et cela parait aussi un beau message de Noël.
En personne éclairée, le point de départ de Jeremy Rifkin est le constat que nous vivons une crise majeure dont les aspects les plus dramatiques sont au premier chef environnementale, du fait de notre façon de vivre.
"La facture entropique de l’ère industrielle est arrivée. L’accumulation des émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, dues à la combustion massive d’énergie carbonique, a déclenché le changement climatique et la destruction globale de la biosphère terrestre. Cela remet en cause le modèle économique existant."
En économiste qu’il est d’abord, son diagnostic va plus loin que celui de la plupart de ses collègues.
"Le débat en cours entre économistes, chefs d’entreprise et responsables publics sur la nouvelle forme de stagnation économique prolongée qui, manifestement, émerge dans le monde entier est un signe de la grande transformation en cours, en un temps où l’économie bascule de la valeur échangeable sur le marché à la valeur partageable sur les communaux collaboratifs."
Il s’agit donc pour Rifkin d’un passage de l’économie de marché vers une économie collaborative. Un peu ce dont avait rêvé Rudolf Steiner dans son modèle de "tripartition sociale". Ce sont ces "communaux collaboratifs" qui vont peu à peu reprendre la place qu’ils ont perdu depuis, disons pour faire simple, la naissance du capitalisme.
"Les marchés commencent à céder la place aux réseaux, la propriété devient moins importante que l’accès, la quête de l’intérêt personnel est tempérée par l’attrait des intérêts collaboratifs, et le rêve traditionnel de l’enrichissement personnel est supplanté par le nouveau rêve de la qualité de vie durable."
Tous les chapitres du livre sont présents dans ces quelques mots :
– passage de la propriété à l’accès (combien de jeunes des nouvelles générations n’ont plus nécessairement envie de posséder un bien, une voiture par exemple, mais en avoir l’usage, par le partage ou de toute autre manière).
– les réseaux, grâce à l’Internet en Open Source, remplacent déjà le marché dans un certain nombre de secteurs, par exemple dans l’industrie du disque, du film ou les logiciels. Mais cela touche tous les domaines de la vie, et aussi l’enseignement.
– chez de plus en plus de jeunes, l’enrichissement personnel n’est plus le but premier de la vie, mais plutôt l’équilibre d’une vie de qualité dans une ambiance de partage coopératif.
– le travail collaboratif supplante les anciennes façons de travailler et rendent obsolètes, voire insupportables, les structure hiérarchiques basées sur l’intérêt personnel.
Utopie d’un "New Age" nord-américain ? Peut-être pas seulement. Il s’agit d’une transformation planétaire, qui rejoint les valeurs traditionnelles heureusement pas toujours perdues dans un certain nombre de pays et de cultures qui ont échappés ou résistés à l’occidentalisation dominatrice, au prix d’un impossible décollage économique.
"Si la stagnation économique peut avoir bien d’autres causes, il est possible qu’elle s’explique en partie par un changement majeur qui commence à peine à se déployer : la lente agonie du système capitaliste et l’essor des communaux collaboratifs, où le bien-être économique se mesure moins à l’accumulation du capital financier qu’à la constitution du capital social. Le déclin régulier du PIB dans les années et les décennies qui viennent sera de plus en plus attribuable au passage à un nouveau paradigme économique d’une grande vitalité, qui mesure la valeur économique de façon entièrement neuve."
Voilà le mot clé lancé : un nouveau paradigme à l’oeuvre. C’est là que le travail de Rifkin, rejoint, pour moi, celui de Ken Wilber et de la spirale dynamique.
C’est à partir de là que je vous invite à commencer.
Car, à partir de là, je me sens bien incapable de redire avec mes mots ce que dit avec tant de clarté et de simplicité un Rifkin que je découvre à la fois grand pédagogue, écrivain percutant et penseur visionnaire.
Tout n’est sans doute pas à prendre pour argent content. Mais ce que j’apprécie avant tout, c’est cet optimisme basé sur la bienveillance de la nature humaine, si nécessaire dans ces temps de morosité générale.
Joyeuses fêtes de fin d’année.
20 décembre 2014