Un accord vient d’être signé ce mardi 14 mars à l’Elysée, permettant l’arrivée de réfugiés syriens et irakiens sur le territoire français via un "couloir humanitaire". Un exemple qui devrait être urgemment suivi par les autres pays européens, y compris la Belgique. Dans les mois qui viennent, 500 réfugiés syriens et irakiens résidant actuellement au Liban devraient arriver en France grâce à l’ouverture d’un couloir humanitaire. Tous seront des réfugiés vulnérables : des familles avec enfants, des femmes avec enfants, des personnes âgées, des personnes porteuses d’un handicap ou ayant besoin de soins médicaux urgents. Bénéficiaires d’un visa humanitaire, ils voyageront de manière sûre par avion et pourront déposer leur demande d’asile une fois arrivés en France, où ils seront pris en charge par des organisations chrétiennes.
Après l’Italie, la France est le deuxième pays à se rallier à la proposition faite par la Communauté de Sant’Egidio, en collaboration avec un certain nombre de partenaires catholiques et protestants. L’Italie a déjà ainsi accueilli plusieurs centaines de réfugiés vulnérables. De nombreux autres arriveront bientôt, rejoints par des réfugiés érythréens qui vivent actuellement dans des camps en Ethiopie. La religion n’est nullement un critère de sélection de ces bénéficiaires : les personnes musulmanes ou partageant d’autres convictions sont accueillies sans distinction. C’est leur vulnérabilité qui est prise en compte.
Les avantages de ce "couloir humanitaire" sont légion. Les réfugiés de guerre qui cherchent à atteindre l’Europe ne doivent plus payer des trafiquants qui mettent leur vie en péril sur des embarcations de fortune en Méditerranée, où plus de 5000 personnes ont payé le prix le plus cher, celui de leur vie, l’année passée. Au lieu de cela, ils voyagent comme vous et moi : par avion. Pour le pays hôte, la sécurité est également de mise : les autorités reçoivent à l’avance les noms des bénéficiaires et savent exactement qui va mettre le pied sur le territoire. Dans les faits, il est quasiment certain au préalable que leur demande d’asile sera acceptée.
Ce projet est également une forme de solidarité avec des pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés tel que le petit Liban, qui héberge plus d’un million de réfugiés sur son territoire, mais dans des conditions souvent misérables. Un autre aspect original de ce projet de "couloir humanitaire" le différencie, par exemple, des projets de réinstallation des réfugiés effectués par les Nations unies. Une grande partie des coûts est prise en charge non par l’Etat, mais par les églises : elles vont sur place pour sélectionner les candidats, en collaboration avec des partenaires locaux, couvrent les coûts du voyage, de l’accueil et s’occupent de l’intégration des réfugiés. En Italie, Sant’Egidio collabore avec un certain nombre d’organisations et d’églises protestantes et catholiques, en particulier l’église vaudoise et Caritas. En France, cela se fait en commun avec la conférence des évêques catholiques, la Fédération protestante et leurs associations caritatives respectives.
Pour sa part, l’Etat s’engage à fournir des visas humanitaires et traite les demandes d’asile. Les autorités, sous pression d’une opinion publique apeurée, savent ainsi à l’avance qu’un soutien dans la société existe pour l’accueil de ces réfugiés. C’est une forme réussie de partenariat privé-public appliquée au domaine humanitaire. La Commission européenne a plusieurs fois appelé à la création de projets qui permettraient un "passage sûr" (safe passage) à l’aide de parrainage privé comme alternative à une arrivée incontrôlée des réfugiés. Mais jusqu’à maintenant, la plupart des Etats membres y ont été réticents. Maintenant que ces arrivées sont quasiment taries, il reste à espérer que d’autres Etats européens (y compris la Belgique) suivront cet exemple et que ces projets pilotes seront reproduits à plus grande échelle. L’organisation d’un tel pont aérien est un beau moyen pour l’Europe de sauver ses idéaux en matière de droits humains.