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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Contre le prêt-à-penser qui domine, le rôle de l’école et de l’éducation.
Article mis en ligne le 20 décembre 2022
dernière modification le 24 décembre 2022

La fin de l’interview de Abdennour Bidar.
la première partie de l’interview est à VOIR ICI.

“Aujourd’hui, le doute disparaît. C’est le prêt-à-penser qui domine”

Vous dites souvent : “Il faut réconcilier la famille politique et la famille spirituelle”. Est-ce possible ?

Cela me paraît être une des voies de galvanisation, de synergie de toutes les transformations.

Historiquement, les forces politiques ont beaucoup travaillé à changer le monde. Cela a donné des luttes pour les droits : liberté, égalité, fraternité. Je pense qu’aujourd’hui, cet engagement politique restera impuissant s’il n’est pas associé à un engagement intérieur. C’est en ce sens que j’appelle les méditants à militer et les militants à méditer. Ceux qui cherchent en eux-mêmes une ressource intérieure doivent la mettre à disposition de la transformation du monde. À eux, je dis : sortez de chez vous, ne restez pas assis sur votre coussin de pleine conscience. Comme disait Gandhi : “Sois le changement que tu veux dans le monde”. C’est une des clés si nous voulons donner une masse critique suffisante aux forces de transformation.

L’objectif est de remettre le spirituel au cœur de la vie. Pour accomplir ces changements, l’école et l’éducation ont un rôle essentiel…

Évidemment. Mais l’école en France est dans une crise profonde. Dans le livre “Grandir en humanité” que j’ai écrit avec Philippe Meirieu, nous avons repris des considérations évoquées par Michel Serres dans son livre “Petite Poucette”. Si l’école est en crise, comme beaucoup d’institutions de savoir et de pouvoir, c’est que leur action est court-circuitée. Auparavant, entre un élève et le savoir, il y avait la médiation de l’école, de la bibliothèque, l’université, toutes ces institutions détentrices du savoir et d’un certain pouvoir. Internet a court-circuité cela : quelqu’un qui est suffisamment habile pour surfer intelligemment sur le Net peut devenir un autodidacte dans à peu près n’importe quelle discipline. Ce que seront peut-être les prochaines générations. Reste une question cruciale : est-ce que cela supprime le rôle de l’école et la position du professeur ou du maître ? Non. Cela nous appelle à devenir des petits Socrate. Il y a une illusion pour l’enfant ou l’adolescent à penser que puisqu’il accède au contenu d’Internet, il va pouvoir se forger tout seul. Non. Il a besoin qu’on l’aide à acquérir l’esprit critique, le discernement nécessaire pour pouvoir s’orienter seul dans la pensée et sa navigation sur le web. Le maître, qui était le sachant, le détenteur du pouvoir est de toute évidence très largement détrôné mais il ne devient pas inutile pour autant à la condition qu’il comprenne que son rôle a muté. Cela lui permet de redécouvrir ce qu’est essentiellement un maître : non pas quelqu’un qui transmet des savoirs mais qui permet de douter. Il doit dire à l’adolescent : tu as trouvé plein de choses, mais qu’est-ce qui te permet de savoir que tu as accédé à la vérité ? N’est-elle pas un peu plus loin, cachée par des éléments de communication, de langage ?

Il faut donc enseigner le doute…

Aujourd’hui, le doute disparaît. C’est le prêt-à-penser qui domine. Le maître devient un anti-maître : il ne dit pas “voilà la vérité je te la donne” mais “fais attention”. Il faut donc apprendre à apprendre et apprendre à douter. C’est donc au final une bonne nouvelle pour l’école. Mais c’est toute la représentation de la figure d’autorité qu’il faut interroger. Il doit être au service de l’éclosion en chacun de sa propre pensée, de la capacité à être libre et à faire ses propres choix de vie. Le maître, ce n’est pas quelqu’un qui remplit l’âme, c’est quelqu’un qui la vide, qui déconstruit les certitudes et qui rend son disciple perplexe pour que celui-ci n’ait plus aucun appui ni mental ni extérieur mais qu’il apprenne à penser à partir de son intériorité la plus profonde. C’est un maître qui libère, pas un maître qui impose.