L’œuvre d’Arendt soulève des concepts qui restent d’une actualité criante.
Hannah Arendt est une source d’inspiration unique. Revenir sur des pièces de son œuvre nous invite à poser l’acte auquel elle a consacré sa vie, celui de penser.
Il est d’ailleurs vertigineux de voir à quel point les concepts philosophiques et politiques qu’elle a soulevés en son temps sont toujours d’une actualité criante : le totalitarisme, le mal, la révolution, le mensonge en politique, le droit des apatrides et des réfugiés, l’importance du collectif, l’opinion et même le féminisme.
"Une vraie philosophe de l’actualité".
"Tout ce qu’elle avait à dire était important, parfois provocant, parfois faux, mais même ses erreurs avaient plus de valeur que les vérités proférées par des esprits de moindre envergure.”(Hommage du philosophe Hans Jonas quelques jours après sa mort, à l’hiver 1975.
La force d’Arendt, c’est la puissance de sa pensée.
Dans tous ses textes, elle nous invite à penser notre temps."Et chaque relecture apporte quelque chose de nouveau, en fonction des échos du moment, de l’état de notre société.” (Carole Widmaier, professeure de philosophie à l’université de Franche-Comté, a traduit et édité l’ouvrage d’Arendt Qu’est-ce que la politique ? (Seuil, 2014).
Elle, Hannah Arendt, qui est née à l’automne 1906 à Hanovre, au nord de l’Allemagne. Elle qui, contrainte par le régime nazi, a perdu sa citoyenneté allemande et s’est exilée à Paris. Elle qui est accueillie aux États-Unis telle une "stateless", une apatride. Elle qui a réussi à transcender sa condition juive pour la penser comme une condition de la modernité. Face à l’expérience du totalitarisme, au choc de cet "enfer devenu réalité", elle a mis en crise toutes nos catégories de pensée, elle a défini cette urgence de la compréhension.
Certaines de ses considérations sur le totalitarisme entrent dans une résonance toute particulière avec notre époque d’état d’exception sanitaire dont les conséquences politiques et sociales n’ont pas encore été mesurées. Elles pourraient notamment alimenter notre réflexion sur les libertés démocratiques dont nous avons accepté - pratiquement - sans broncher une limitation drastique. Pour Arendt, le totalitarisme est une dynamique bien plus qu’un état, un mouvement qui vise à la destruction voire à la dissolution des structures sociales.
De l’indépendance de la pensée
Selon elle, Eichmann n’a rien d’un monstre extraordinaire, il n’est qu’un petit fonctionnaire qui, appliquant les ordres sans réfléchir, commet par sa routine quotidienne un crime contre l’humanité. On reproche d’abord à Arendt l’expression "banalité du mal", interprétée comme une minoration des crimes d’Eichmann, puis d’avoir mis en exergue la participation des Conseils juifs à la politique nazie. Margarethe von Trotta, qui a réalisé en 2012 un film sur cette controverse sans précédent, dira un jour d’Hannah Arendt : "La chose la plus importante qu’elle m’ait enseignée, c’est une forme d’indépendance de la pensée. Ne pas suivre aveuglément une idéologie […]".
À travers sa vie et son œuvre, elle est celle qui nous enjoint à ’penser sans barrières’, sans garde-fou. ’Denken ohne Geländer. Thinking without a banister.’"
La force d’Arendt, c’est la puissance de sa pensée. Quelques jours après sa mort, à l’hiver 1975, le philosophe Hans Jonas lui rendra hommage en ces termes : "Tout ce qu’elle avait à dire était important, parfois provocant, parfois faux, mais même ses erreurs avaient plus de valeur que les vérités proférées par des esprits de moindre envergure."
Au-delà des controverses qui ont émaillé sa vie d’écrivain indépendant, sa pensée nourrit aujourd’hui encore les réflexions sur la politique. Elle est la philosophe de l’action politique et de la pensée sans entrave…
Publié le 25-09-2022 dans La Libre.
Alice Dive, Journaliste au sein du service Débats/Opinions