Rencontre entre le CHEIKH KHALED BENTOUNES et MARIA VOCE, responsable du Centre international des Focolari* à Rome.
Extraits d’un interview de KHALED BENTOUNES
Rocca di Papa (Rome), 26.02.2016
"C’est dans la richesse de l’héritage que j’ai reçu de mes ancêtres, cette spiritualité qui accorde la primauté à la fraternité, chose essentielle, que je puise l’énergie nécessaire…"
Vous êtes un guide spirituel de millier de personnes répandu dans le monde et votre activité est très ample. Vous avez fondé les scouts musulmans en France, vous avez créé l’association Terre d’Europe, vous êtes à l’initiative des entretiens internationaux pour un Islam de paix. Vous avez fondé l’association AISA reconnue par l’ONU, vous avez mis en route la campagne de mobilisation mondiale afin que l’ONU reconnaisse la journée mondiale du vivre Ensemble, vous avez organisé un congrès international des femmes « Parole aux femmes », beaucoup d’initiatives qui ont une grande ampleur et qui sont assez originales.
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Nous sommes en train de vivre un temps qui montre beaucoup de contradictions, qui semble qu’il n’y ait pas de cohésion sociale et la fraternité parmi les peuples et les individus semble ne pas avoir sa place. Vous au contraire vous y croyez ! Où trouvez-vous les raisons d’espérer ?
D’abord dans la richesse de l’héritage que j’ai reçu de mes ancêtres, cette spiritualité qui accorde la primauté à la fraternité, chose essentielle. (...) Et c’est là où je puise l’énergie nécessaire. Dans les moments les plus noirs où l’on se sent tout à fait dépassés ou écrasés par les événements négatifs, je garde toujours cet espoir qui peut faiblir mais ne meurt jamais. C’est ce qui nous relie à l’héritage du passé et nous éclaire sur l’avenir. Cela permet de traverser les vicissitudes du temps. (...) Je rencontre parfois des gens dans la politique, des économistes qui décrivent un monde en crise où les problèmes deviennent insolubles et les guerres inévitables. Je leur répète la parole de nos maîtres « si on vous annonçait la fin du monde pour demain, que feriez vous ? Continuez avec confiance à planter et semer, sans affolement ni crainte. » (...) Peut-être que demain sera un autre jour, un autre monde qui nous surprendra.
Aujourd’hui vous êtes venu ici pour faire connaissance avec le centre international des Focolari et vous avez rencontré Maria Voce. Selon vous quels sont les points communs de vos idéaux ?
(...) La confiance et l’amitié qui nous relie nous permet de travailler ensemble sur le projet d’apporter une vision fraternelle du Vivre Ensemble et du Faire Ensemble à un monde qui en a besoin et qui subit actuellement tant d’épreuves. Comment en tant que mouvements spirituels de tradition différentes chrétienne et musulmane, pouvons nous oeuvrer ensemble et apporter nos témoignages, nos conseils, notre aide à tous ceux et celles qui le souhaitent. Nous n’avons ni la prétention ni l’orgueil de sauver le monde à nous tous seuls, mais au moins participer à son changement par une spiritualité vivante qui redonne du sens et fortifie les liens de la famille humaine. Permettre à nos enfants de construire leur avenir l’un avec l’autre et pas l’un contre l’autre.
Dans cet engagement commun quelles sont les perspectives futures que vous voyez pour construire ensemble la fraternité universelle ? Est-ce qu’il y a déjà des projets ?
Nous menons actuellement auprès de l’ONU le projet de la Journée Mondiale du Vivre Ensemble afin qu’elle puisse être adoptée par l’assemblée générale dans le cadre du programme « culture de paix ». En soi c’est déjà une action qui je pense va avoir un écho. Et il y a des pays qui aujourd’hui sont intéressés par le projet. Par exemple l’Afrique du Nord, l’Algérie, la Tunisie, ils souhaitent la culture du vivre ensemble. L’Indonésie, le premier pays musulman du monde, le Sénégal, ou même un pays comme le Liban souhaitent rendre cet état d’esprit palpable au sein de leur société. Les pays occidentaux ont bien accueilli cette idée, par exemple par la délégation française à l’ONU, le département d’état du gouvernement américain qui nous a reçu à Washington et d’autres délégations au sein de l’ONU. Ce n’est pas gagné, nous avons besoin de l’aide de toutes les bonnes volontés afin qu’il aboutisse [[C’est pour cela que nous sollicitons auprès de chacun une signature sur notre site http://www.desireforpeace.org/.]. De ce projet découlera la création d’une académie de paix, c’est mon voeu. Il y a bien des académies de sciences, de mathématiques, de musique, de philosophie, militaires, pourquoi pas celle de la paix ? N’est ce pas de l’engagement spirituel que de pouvoir dire : nous avons besoin de paix, de l’enseigner. La paix n’est pas quelque chose qui descend toute seule du ciel, c’est quelque chose qui se travaille, qui se cultive, qui se sème. Et pour cela il faut lui donner la place qu’elle mérite. La paix ce n’est pas qu’une absence de conflit. C’est un état d’être, un état de sentir, une vision du monde qui modifie notre comportement. La société, son économie, sa politique, sa prospérité sont concernées. L’écologie est une forme de paix avec la nature, comment y revenir ? Sinon par l’éthique, le respect des créatures et celui de toute la création. Tout cela nécessite un travail profond et mérite qu’on s’investisse pour cette académie. On apprend bien aux gens à faire la guerre qu’on leur apprenne aujourd’hui à faire la paix ! Et ça c’est un projet qui me tient à coeur.
Comment lier la paix et l’art, comment lier la paix et l’architecture ? Comment les artistes peuvent exprimer cette paix à travers l’art, la musique, la sculpture, la peinture, l’expression corporelle. La paix ne peut elle pas être transmise par l’art aux générations à venir ? Est-ce qu’on ne peut pas avoir une architecture de paix où l’homme de demain pourra vivre en harmonie avec son environnement ? Comment peut-on à travers une économie solidaire partager les savoirs, les richesses équitablement, entre les pays et les hommes ? Voilà donc, un sacré chantier à mettre en oeuvre pour les générations à venir.
(...) Je pense sincèrement que l’énergie spirituelle de nos traditions peut nous aider à construire cette nouvelle conscience dont l’homme d’aujourd’hui a tant besoin.
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*Mouvement des Focolari - Service de Presse