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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Ne jamais séparer imaginaire et environnement...
Article mis en ligne le 22 janvier 2022
dernière modification le 29 avril 2022

Ne jamais séparer imaginaire et environnement physique

Je termine la lecture, oh, combien stimulante, du livre "Jung. Un voyage vers soi" de Frédéric Lenoir (Albin Michel, 2021). J’y reviendrai dans Larcenciel.
Mais quelle convergence avec cet article que je trouve ces jours-ci dans REPORTERRE !

"Donc songez, poètes ; songez artistes ; songez philosophes ; penseurs, soyez rêveurs. Rêverie, c’est fécondation", écrivait Victor Hugo.

Avec la pandémie, prenons nos rêves au sérieux

« Le rêve », de Victor Hugo (1866).
Paris Musées/CCØ 1.0 Universal

« Le rêve », de Victor Hugo (1866). Paris Musées/CCØ 1.0 Universal

Ne jamais séparer imaginaire et environnement physique

Pour les peuples animistes notamment, le rêve est une des manières de communiquer avec le monde animal ou végétal. L’âme étant distincte du corps, elle peut voyager puis raconter au corps ce qu’elle a vu dans les rêves, qui sont interprétés comme un présage. L’anthropologue Philippe Descola explique ainsi à propos des Achuar, une population amazonienne jivaro qui vit entre le Pérou et l’Équateur, avoir été « frappé par le fait que les gens semblaient entretenir des rapports très étroits, de personne à personne, avec des animaux ou des plantes avec lesquels ils conversaient en rêves » et raconte que c’est « une société — on le retrouve dans bien des régions du monde — où, avant le lever du jour, les gens se réunissent autour du feu, il fait un peu frais, et où l’on discute des rêves de la nuit pour décider des choses que l’on va faire dans la journée ».

Le fait de se raconter les rêves en « chuchotant le matin dans la yourte ensommeillée », de les étudier « à voix basse le matin près du feu sous la tente dans la nuit polaire » pour en saisir la signification est également pratiqué en Alaska par les chasseurs Gwich’in et chez les Even du Kamtchatka, étudiés par l’anthropologue Nastassja Martin. Le rêve « qui rejoint l’incarné » est d’ailleurs omniprésent dans son éblouissant récit Croire aux fauves.

Plus près de nous, les récits de rêve ont été au cœur des recherches littéraires et artistiques d’André Breton et des surréalistes, ou encore du fabuleux texte Le promontoire du songe de Victor Hugo, pour qui le songe ouvre les « yeux de l’âme » : « Loin d’être un défaut, comme le croient les critiques de surface, cette quantité de rêve inhérente au poète est un don suprême. Il faut qu’il y ait dans le poète un philosophe, et autre chose. Qui n’a pas cette quantité céleste de songe n’est qu’un philosophe. »

Et, ô magie des coïncidences dont je parlais en introduction, voilà que je découvre avec ravissement que Mona Chollet a écrit sur Annie Le Brun, autrice que j’ai découverte tardivement par sa préface, justement, dans Le promontoire du songe. Elle y parle du « trop de réalité » : l’information en temps réel, la connexion permanente, les parcs d’attractions, tout ce qui semble conçu pour « gagner du terrain sur notre espace imaginaire ». « Le rêve, constate Annie Le Brun, a purement et simplement disparu de notre horizon » et cette disparition est, dit-elle, « un des plus graves manques de la fin du millénaire qui, à mes yeux, tient de la catastrophe ». Comme le souligne Mona Chollet, « la grande force de son livre est de ne jamais séparer le sort réservé à notre imagination de celui réservé à notre environnement physique », et de citer : « Comment douter qu’à la rupture des grands équilibres biologiques […] ne correspond pas une rupture comparable des grands équilibres sensibles dans lesquels notre pensée trouvait encore à se nourrir ? »

« Donc songez, poètes ; songez artistes ; songez philosophes ; penseurs, soyez rêveurs. Rêverie, c’est fécondation », écrivait Victor Hugo.

J’ajoute ma petite pierre personnelle. En écoutant Francis Hallé [1] , reçu par Pascal Claude dans Vers plus de beauté (Dans quel mon de on vit - 2ème épisode) sur la RTBF (https://www.rtbf.be/auvio/detail_dans-quel-monde-on-vit?id=2844020) j’entend : "La beauté comme outil de compréhension du réel". (citation...)

Dernier livre paru : L’étonnante vie des plantes, Francis Hallé et Rozenn Torquebiau, Actes sud junior, 2021