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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

La mondialité, antidote à la mondialisation
Article mis en ligne le 9 octobre 2017

La Villa Empain gomme les frontières

La nouvelle exposition à la Villa Empain est très politique et actuelle, sur l’oeuvre d’Edouard Glissant.

Un article de Guy Duplat, publié dans La Libre du mardi 18 avril 2017.

http://www.lalibre.be/culture/arts/la-mondialite-antidote-a-la-mondialisation-58f6106fcd70e80512ed2b33

On ne peut imaginer sujet plus actuel que celui de la nouvelle exposition à la Villa Empain-Fondation Boghossian à Bruxelles. Partout dans le monde, se lève une fronde contre les risques de la mondialisation et cette « révolte »prend la forme du nationalisme, du populisme et de l’érection de frontières.

Il est alors grand temps de se replonger dans l’oeuvre d’Edouard Glissant (1928-2011), essayiste, poète et écrivain martiniquais qui a élaboré des concepts comme la mondialité, la pensée archipel, la créolisation, la pensée du tremblement, le musée du Tout-monde, l’Opacité.

L’exposition à la Villa Empain est d’abord un parcours dans cette œuvre. On entend partout la voix de Glissant, on le suit sur une vidéo, on écoute les commentaires qu’en fait l’omniprésent Hans Ulrich Obrist, un des meilleurs connaisseurs de son oeuvre et co-commissaire de cette expo avec Asad Reza, le directeur artistique de la Villa.

Pour faciliter le parcours du visiteur, les vidéos et bandes- sons se mettent en route quand le visiteur arrive dans une salle, pour éviter qu’il ne se retrouve au milieu d’une vidéo ou d’un commentaire.

Hans Ulrich Obrist explique : « Très tôt Edouard Glissant avait vu les dangers de la globalisation qui nivelle les cultures, supprime les différences, les langues et les écritures sous une standardisation générale. Nous avions déjà connu des périodes de globalisation comme l’empire romain mais jamais comme aujourd’hui. Il avait vu aussi que la réaction à ce phénomène pouvait être encore pire : nationalismes, replis identitaires. Ce qu’on voit aujourd’hui dans le monde lui donne raison. Il proposait alors une troisième voie : la mondialité, un monde connecté, d’échanges, où les différences demeurent et sont une chance. »

Glissant disait : « Je peux changer, en échangeant avec l’Autre, sans me perdre ni me dénaturer ». « Ce que l’on appelle mondialisation, qui est l’uniformisation par le bas, le règne des multinationales, la standardisation, l’ultra libéralisme sauvage sur les marchés mondiaux, pour moi c’est le revers négatif d’une réalité prodigieuse que j’appelle la mondialité. La mondialité c’est l’aventure sans précédent qu’il nous est donné à tous aujourd’hui de vivre, dans un monde qui, pour la première fois, réellement, et de manière immédiate, foudroyante, se conçoit à la fois multiple et unique, et inextricable. »

Il oppose aussi « l’archipel » où la mixité est possible et riche au Contient qui veut uniformiser et rejette la mixité. Il prône la « créolisation », c’est-à-dire la mixité des cultures.

Moustiquaire d’or

L’expo éclaire ces idées mais se veut aussi visuelle, très minimaliste et souvent fort conceptuelle, avec des oeuvres de deux types. D’abord, celles d’artistes qui furent proches de Glissant et qu’il aurait voulu mettre dans son idée de musée du Tout-monde en Martinique qu’il n’a jamais pu concrétiser : des tableaux d’Adami, Antonio Segui, Wilfredo Lam, Roberto Matta, de Miquel Barcelo.

Mais aussi des oeuvres contemporaines inspirés par la pensée de Glissant.
Plusieurs œuvres éclairent bien l’idée générale, comme le drapeau d’Edith Dekyndt accroché à l’arrière de la Villa Empain comme s’il s’agissait d’une ambassade et qui est fait de cheveux de femmes africaines. Ou comme ce lit recouvert d’une moustiquaire de Steve McQueen : le lit provient de la prison de Reading où Oscar Wilde fut emprisonné pour homosexualité et la moustiquaire est faite de fils d’or. Une œuvre toute en « créolisation ».

Un travail d’Alighiero Boetti part d’un cube minimaliste à la Judd et y ajoute des tissus colorés d’Afghanistan. Kader Attia expose une assiette de Delft cassée, réparée en Afrique par des agrafes. Dans la salle de bain de la Villa, la jeune artiste du Qatar Sophia Al-Maria évoque la « créolisation » du Golfe. A côté, le geste pur d’Etel Adnan et les poèmes calligraphiés d’Adonis, le poète syrien.

Une expo-manifeste, assortie d’un gros livre d’entretiens, à la gloire des échanges culturels, pour une Villa Empain dont l’ADN est bien cette mixité des cultures comme remède aux dangers à la fois de la mondialisation et du nationalisme.

www.fondationboghossian.be - voir plutôt https://www.villaempain.com
Guy Duplat

Mondialité, Villa Empain, Bruxelles, jusqu’au 27 août 2017

Trop tard ! Mais il reste ce beau commentaire de Guy Duplat, le gros livre d’entretiens... et quelques vidéos sur Youtube, par exemple, celle-ci :

Ou celle-ci, très intéressante : Identité rhizome : https://www.youtube.com/watch?v=Xj8QH8YAudo