Le contexte
4 à 5 millions d’hectares de forêt primaire sont actuellement menacés par les projets miniers et pétroliers. Le gouvernement équatorien vient notamment de lancer un 11e appel d’offre mettant en concession plusieurs millions d’hectares de forêt primaire à des firmes pétrolières et minières de toutes nationalités.
7 nationalités indiennes (dont Sarayaku), vivant sur ces millions d’hectares, refusent la destruction de leur forêt. Ils ont décidé d’unir leurs forces et de s’allier sous le symbole de la « Frontière de Vie ».
C’est l’avenir des enfants indiens qui est en jeu, mais aussi l’avenir de la plus grande forêt du monde, et donc en définitive l’avenir de notre planète !
D’autres régions françaises pourraient se joindre à Rhône-Alpes. Car oui, des régions, des villes, des organisations politiques ou citoyennes peuvent créer des liens directs avec un peuple autochtone !
La voie est ouverte pour soutenir la « Kawsak Sacha » (Forêt Vivante), sans doute la première expérience de ce niveau, à l’échelle mondiale, où des peuples premiers tentent de faire reconnaître à l’humanité la nécessité de préserver les forêts tropicales et assurer la continuité des peuples qui y vivent. Une idée loin d’être reconnue aujourd’hui, y compris par les plus grandes organisations environnementalistes…
VOIR CE N° 20 de Frontière de Vie dans mes Pearltrees [1]
Voici ce qu’en dit Daniel Santi, membre du Peuple Kichwa de Sarayaku.
[Un article du numéro hors série du magazine Altermondes >http://www.alimenterre.org/sites/www.cfsi.asso.fr/files/461_hs_alter_14.pdf]
Amazonie : Daniel Santi, les racines d’un savoir
Le magazine Altermondes a enquêté sur une réinvention possible de la notion de richesse dans son hors-série du mois de novembre, ("Monnaies, indicateurs : et si on réinventait la richesse ?"), un numéro très riche dont vous pouvez le trouver l’inventaire à la fin de cet article ou ici
Si le monde contemporain voue une foi aveugle au PIB pour mesurer la richesse, il en va autrement des peuples indigènes. Dans la province équatorienne de Pastaza, les indiens Sarayaku défendent ainsi une autre conception des richesses et un mode de vie, menacé par la convoitise des compagnies pétrolières.
« Il y a quelques décennies l’être humain aurait été incapable d’imaginer le niveau de développement technologique auquel nous sommes aujourd’hui arrivés. Or, il est incroyable de constater que, dans le même temps, cet être humain a oublié d’où il venait. Comment un être aussi intelligent en est-il arrivé là ? » Cette interrogation, Daniel Santi se la pose constamment. À 38 ans, ce membre du Peuple Kichwa de Sarayaku a été choisi par l’assemblée générale de son peuple pour promouvoir la déclaration « Kawsak Sacha,Forêt vivante ». Le but : faire interdire l’exploitation pétrolière sur leur territoire ancestral qui est composé à 95% de forêts primaires. Un objectif vital pour les Sarayaku qui ont toujours lutté pour préserver leur mode de vie.
Ce combat pour exister, Daniel Santi le vit depuis son enfance. Il est âgé de 4 ans lorsque son peuple est enfin reconnu par les autorités gouvernementales. Nous sommes en 1979. Il se souvient aussi de la marche de 1992 qui a mené les populations d’Amazonie jusqu’à Quito. Quelques années plus tard, après avoir étudié les projets énergétiques, il participe aux négociations engagées en 2009 par le gouvernement sur l’exploitation des ressources naturelles. En vain. L’État équatorien refuse de revenir sur sa stratégie d’exploitation pétrolière [2].
Mais le 25 juillet 2012, la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) le reconnaitra coupable d’avoir bafoué le droit à la propriété et l’identité culturelle des Sarayaku, en autorisant au début des années 2000 l’entrée de compagnies pétrolières sur leurs terres [3]. Cette décision, attendue depuis dix ans, fait jurisprudence et oblige les États à consulter les peuples autochtones en cas de projets d’exploitation des ressources en hydrocarbures affectant leurs territoires.
Les Sarayaku se mobilisent certes pour protéger une forêt et une biodiversité dont ils
dépendent [4] mais leur mode de vie spirituel est aussi à l’opposé de la vision productiviste et matérialiste de l’industrie pétrolière.Ils défendent l’organisation sociale,politique, économique et culturelle de leur peuple basée sur le Sumak Kawsay, que Daniel Santi définit comme la « pensée intérieure qui nous permet de vivre en harmonie avec la nature et avec l’ensemble des êtres sacrés qui y vivent ». Cette philosophie constitue le point de départ d’une réflexion commune avec l’association Paroles de Nature et
la Fondation France Libertés sur les nouveaux indicateurs de richesse. À partir des trois piliers du
Sumak Kawsay [5], les Sarayaku ont défini ce qui faisait valeur à leurs yeux. La vie communautaire, l’unité familiale, la préservation des ressources naturelles ou encore la transmission des connaissances ancestrales constituent l’usuy qui signifie richesse en langue kichwa.
L’oeil noir et le regard franc, Daniel Santi croit fermement en ce projet qui se prolonge aujourd’hui à travers le « Plan de vie », une feuille de route visant à consolider la mise en pratique du Sumak Kawsay. Son impact sur le bien-être de la communauté sera ensuite mesuré grâce aux nouveaux indicateurs de richesse. « On a établi un plan à long terme. Pas pour dix, vingt, trente ans mais un plan qui suit le chemin de la vie, explique-t-il, avec pour objectif que tout enfant qui naisse puisse s’éduquer et suivre ce chemin qui a été tracé. » Vêtu d’un jean, de chaussures en cuir et du cintillo, un bandeau traditionnel qu’il arbore lorsqu’il représente les Sarayaku à l’étranger, Daniel Santi refuse d’être qualifié de passéiste ou d’extrémiste. Il voit d’ailleurs dans les nouveaux moyens de transport et de communication des révolutions pouvant servir son peuple. « Il faut qu’on arrive à faire le lien entre ces deux savoirs, notre savoir propre, celui de l’homme de la forêt, et le arrive à faire le lien entre ces deux savoirs, notre savoir propre, celui de l’homme de la forêt, et le savoir de la modernité. Sans jamais oublier d’où nous venons », conclut-il.
Voir le sommaire de ce hors-série spécial « Et si on réinventait la richesse ? »
La voie est ouverte pour soutenir la « Kawsak Sacha » (Forêt Vivante), sans doute la première expérience de ce niveau, à l’échelle mondiale, où des peuples premiers tentent de faire reconnaître à l’humanité la nécessité de préserver les forêts tropicales et assurer la continuité des peuples qui y vivent. Une idée loin d’être reconnue aujourd’hui, y compris par les plus grandes organisations environnementalistes…
Les arbres à fleurs de Sarayaku parviendront-
En savoir plus : Paroles de Nature (19bis rue Raymond du Temple, 94300 Vincennes) et Frontière de Vie
http://www.frontieredevie.net/fr/nouvelles/fdvnews20.pdf
1. L’Etat équatorien lance même fin 2011 un onzième appel d’offre qui affecte plus
de 3 millions d’hectares de forêts primaires en proposant la mise en concession de 21 blocs pétroliers à des entreprises pétrolières étatiques et privées internationales.
2. En 2002, une résistance pacifique s’organise au sein de
la communauté amazonienne suite à l’entrée d’ouvriers de la Compagnie générale géodésique
française (CGG), escortés par des militaires équatoriens, sur le territoire des Sarayaku. Les
intrus finissent pas se retirer, mais laissent sur place 1,4 tonne d’explosifs. Les Sarayaku déposent plainte contre l’État équatorien en 2003 devant la Commission interaméricaine des droits de l’Homme.
3. Les pirogues et les huttes sont construites à partir de bois, ils pratiquent la chasse et
la pêche, se guérissent grâce aux plantes de la forêt.
4. Le Runakuna Kawsay désigne la cohésion de la communauté, le Sumak Allpa définit
la préservation de la nature et de la biodiversité et le Sacha Runa Yachay correspond
à la transmission des techniques et des connaissances ancestrales.
Pour une approche scientifique du projet :
13th Congress of the International Society of Ethnobiology
Des conceptions et pratiques des populations autochtones à la co-création d’outils de gestion pour des territoires-paysages durables
Co-Chairs :
Corinne Arnould, Chantal Delacotte, Géraldine Le Roux
sarayaku chez parolesdenature.org
Descriptif
Les Peuples Autochtones ont une vision du monde qui les intègre dans un système d’interrelations avec les êtres de nature, ce qui permet le maintien de territoires-paysages durables (1).
Comment, face aux menaces de projets économiques, donner du « sens », un « rôle », à cette vision du monde, aux pratiques et aux concepts des populations autochtones, pour qu’ils deviennent le support d’outils de gestion de territoires-paysages adaptés au contexte actuel ?
Quel mode de collaboration entre Savoirs Ecologiques Traditionnels (Traditional Ecological Knowledge ou TEK) et Savoirs Scientifiques sur l’Ecologie (Scientific Ecological Knowledge ou SEK) peut-on imaginer qui permettent, à la fois, une reconnaissance institutionnelle des « systèmes d’interrelations » des populations autochtones et l’actualisation de leurs modes de vie, de penser (2) et d’agir (3) dans la globalisation planétaire ?
Une base légale de protection juridique est essentielle pour permettre le droit à l’autodétermination des populations autochtones sur leur territoire où se développeraient des programmes de conservation des espèces, des plans de gestion et d’usage durable des ressources, des espaces sacrés, etc.
(1) Kawsak Sacha (Forêt Vivante) : les peuples originaires vivent en harmonie avec la nature. Pour eux la nature est la vie ; elle est vivante. Cette philosophie est la base fondamentale de leur identité et de la pérennité de leur système de vie, de leur richesse.
Les Peuples et Nationalités ont structuré une « convivialité » avec la nature (systèmes d’interrelations), incarnée dans leur pensée et leur mode d’action-transmision. Elle est actualisée en permanence au sein de territoires-paysages vivants. L’ensemble de ce savoir, (règles et normes transmises oralement et de manière pratique), permet de respecter et d’harmoniser l’équilibre sur ces territoires.
La Forêt Vivante (Kawsak Sacha) est un lieu vital de développement de l’énergie et de la santé des peuples autochtones, un lieu de transmission des connaissances et de consolidation des liens. Un lieu de maintien des équilibres. Ces territoires-paysages pourraient être reconnus comme Territoire Sacré, Patrimoine de Biodiversité et de Culture.
(2) Sumak Kawsay (Vie en harmonie) : il s’agit d’appliquer un nouveau modèle de valeurs, de richesse, de faire prévaloir un écosystème préservé, sans pollution, et de conserver et respecter les zones sacrées.
L’intégrité du territoire dépend de l’application de règles de gestion et d’usage basées sur des lois de conservation du peuple. Il s’agit de respecter la détermination des zones territoriales établies par le peuple.
Grâce à ce plan, seront menées des actions et propositions coordonnées entre elles. Il faut soutenir et renforcer les connaissances ancestrales du Sacha Runa Tayak (connaissance des hommes de la forêt), développer le Runakuna Kawsay (vie des hommes de la forêt) dans la paix et la liberté, et assurer le Sumak Allpa (terre fertile sans mal) pour atteindre le Sumak Kawsay (vie en harmonie).
(3) Plan de Vie :
Pour éviter les effets sociaux, culturels et environnementaux irréversibles, les territoires doivent faire l’objet de plans d’usage et de gestion des ressources naturelles. L’objectif du Plan de Vie est de mettre au point un modèle de développement qui améliore la qualité et le mode de vie. Ceci grâce à une gestion durable des ressources naturelles de la flore et de la faune, et en profitant des potentialités culturelles, scientifiques, technologiques et artistiques des populations autochtones, moyennant l’exécution de programmes et de
projets alternatifs, écologiquement durables, économiquement solidaires et culturellement compatibles avec la philosophie indigène.