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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Deuxième partie.
Réflexions autour de la pensée musulmane contemporaine

Felice Dassetto

Article mis en ligne le 15 juin 2012
dernière modification le 3 septembre 2012

Felice Dassetto, professeur émérite de sociologie à l’UCL, auteur de plusieurs ouvrages sur les transformations de l’islam contemporain apporte, dans un petit ouvrage qu’il a coordonné et publié en 2011, et que je vous recommande, un éclairage lumineux sur les différents discours musulmans contemporain. En voici quelques extraits qui m’ont bien aidé à y voir un peu plus clair.

Introduction

Dans son introduction, Felice Dassetto esquisse rapidement le contexte.

En effet, en l’absence d’instances régulatrices centrales gardiennes d’orthdoxie, on observe un foisonnement de textes et de discours "dont on ne peut comprendre la diversité, les positionnements et les préoccupations sans les situer dans le contexte historique contemporain."

Je résume sommairement ce contexte.

A partir des années 20, avec la fin de l’empire ottoman s’écroule le dernier maillon du passé glorieux de la civilisation musulmane. Parallèlement, ces années constituent l’apogée de la colonisation européenne, qui s’avère être un choc culturel frontal dans le monde musulman et crée dans la société musulmane un véritable traumatisme, dont les ondes se prolongent encore aujourd’hui.
Comment comprendre cette chute de la civilisation musulmane sur tous les plans : politique et économique, technique, militaire et culturel ? "La domination coloniale est accompagnées par la pénétration des idées séculières, athées, agnostiques ou par l’action missionnaire chrétienne, catholique et protestante."

Comment résister ? Comment comprendre cet effondrement ? Comment restaurer la grandeur d’antan ? Affirmer sa spécificité ?

Les voies de la pensée musulmanes

C’est dans le sillage de ce contexte que s’élaborent, dans toutes ses variations, la pensée musulmane des dernières décennies.

Les différences s’articulent d’abord en fonction des objectifs visés.

• Pour les uns, il s’agit d’abord de viser la prise de pouvoir de Etat, car de là viendra la possibilité de formuler, voire de faire naître une société musulmane à travers la force du pouvoir public et des lois qu’il édicte.

C’est qu’à partir des années 1920, dans le climat des idéologies totalisantes, fascistes et communistes entre autres, que des jeunes leaders et intellectuels musulmans sont séduits par cet instrument puissant que représente l’Etat moderne. Jamais l’islam n’avait eu à sa disposition un Instrument aussi puissant pour traduire le religieux en réalité sociale. Les Frères musulmans en Égypte, Maulana Mawdoudi en Inde donnent progressivement forme à ce projet. Ils produisent des textes, ils théorisent leur conception de l’Etat islamique, d’une économie musulmane, d’une société musulmane.

• D’autres visent plutôt une démarche d’islamisation de la société. Ils réalisent un travail de revivification de la société musulmane à travers une activité de socialisation, de prédication et d’annonce : c’est la da’wa qui devient le mot d’ordre, ne fût-ce que pour contrer, initialement, l’action missionnaire chrétienne qui pouvait aisément se déployer dans le contexte colonial.

Souvent, cette réislamisation passe par la voie d’une accentuation de la norme, du devoir concret, de la morale : morale individuelle, morale familiale, morale sociale. Il importe surtout que la famille, ce centre vital des sociétés musulmanes frappé par les transformations sociales - dues à l’urbanisation, aux transformations du travail et influencées par le modèle occidental -, soit préservé. Il importe que les rapports de genre soient figés dans le modèle patriarcal qui avait marqué le monde musulman des origines. La morale familiale et sexuelle devient une clé majeure de la mission
musulmane.

• D’autres enfin relancent la spiritualité. Ils prônent un approfondissement de la foi, qu’ils reformulent et qu’ils expriment de manière nouvelle. Ce sont surtout les mouvements soufis, mais c’est aussi une figure comme Hassan al-Banna ou Mohammed lqbal, dont les poèmes exaltent tout autant les devoirs de l’individu que la recherche de l’extase mystique. La question ici n’est pas l’État et n’est pas non plus la norme, mais c’est l’esprit, la profondeur de la rencontre avec Dieu tout comme la consolidation de l’expérience fraternelle entre croyants. Ainsi les confréries mystiques, tout en mettant en exergue le cheminement de leurs adeptes vers Dieu, ne sont pas déconnectées des réalités sociales concrètes.

La pensée musulmane et ses méthodes d’élaboration

La pensée musulmane, qu’elle emprunte le chemin politique, missionnaire, moral ou spirituel doit trouver la méthode de son élaboration. Elle puise dans le long héritage des écoles de pensée musulmane, elle reproduit et parfois elle réinvente une démarche.

Au fond, comme pour toute religion ou tout système de pensée qui se veut en continuité avec une expérience et un discours ancien et éloigné dans le temps, telle la révélation muhammadienne, la pensée musulmane contemporaine s’élabore à travers quatre démarches fondamentales.

• La première est celle qui vise à réactualiser aujourd’hui à l’identique le temps ancien. On appelle cette démarche « fondamentaliste », pour évoquer le retour aux fondements. On utilisera ici plutôt le terme « fondationiste », pour marquer une différence par rapport à l’usage courant et médiatique où le terme « fondamentalisme » a acquis une connotation négative et est souvent associé, à tort, à l’idée de radicalisme. Or, le retour aux fondements, peut être associé à une démarche radicale mais peut ne pas l’être.

Il faudrait être plus précis car la référence à l’ancien se fait ici avec une exigence de répétition, de copie parfaite. On pourrait parler de « fondationisme restitutif ». On l’appelle aussi « littéraliste » pour désigner cette actualisation, « à la lettre », du discours et des pratiques du moment fondateur.
Dans le langage de la pensée musulmane, c’est le tertne « salaf » (les « pieux ancêtres », pour signifier la fidélité à la pratique des premières générations) qui est utilisé. Déjà Afghani et Abduh, au début du XX" siècle, en avaient appelé à un retour aux anciens (salaf) afin de purger l’islam des scories cumulées au fil des siècles et le purifier. (...)

Aujourd’hui, le wahhabisme s’est relancé et s’est renouvelé à travers la démarche de la salafyya, qui a pris naissance en Arabie Saoudite dans les années 1960-1970. Le but, souhaité par l’establishment saoudien, est de donner une nouvelle vigueur au salafisme pour contrer l’idéologie politique de l’islam, celle issue des Frères musulmans, qui risquait de mettre à mal le pouvoir saoudien, contesté en raison de sa profonde injustice sociale et considérée comme contraire aux principes de la philosophie sociale issue de la pensée musulmane. (...)

• Une deuxième démarche procède également d’une attitude fondationiste mais avec une nuance de taille : les textes, l’expérience de l’origine s’imposent au présent, ce dernier devant être lu, jugé, guidé à la lumière du passé. Mais ici, contrairement à la démarche précédente, le passé doit être adapté. On pourrait parler d’un « fondationisme adaptateur ». L’intelligence du penseur doit tout mettre en œuvre pour concilier le passé avec le présent, pour l’adapter au présent, pour rendre viable au présent la parole passée. Dans le langage de la pensée musulmane, Afghani et Abduh entendaient ce travail intellectuel d’adaptation - qui passait notamment par le fait de recourir aux anciens (aux salafs) - comme une "ouverture des portes de l’ijtihad". Par là, ils signifiaient la reprise d’une relative liberté et d’une invention dans la démarche d’adaptation du message fondateur aux réalités contemporaines.

• Une troisième démarche remonte également aux sources du discours et de l’expérience d’origine non pas pour la reproduire telle quelle, mais pour en faire une ressource symbolique pour répondre à la réalité vécue, ici et maintenant. La démarche est renversée par rapport à celles qui précèdent. Ici c’est le présent, le vécu actuel du croyant, qui devient le questionnement premier. Et ce questionnement a recours au discours fondateur pour y dégager un sens pour la situation d’aujourd’hui. On se centre sur le présent ; le passé est convoqué pour donner sens, justifier les démarches du présent. Il est signe de continuité et de fidélité. Il ne s’agit plus d’appliquer tel quel, ou de manière adaptée, le passé ; il ne s’agit plus tellement de penser en termes de norme découlant du passé. Mais il s’agit de trouver, dans l’expérience fondatrice, ce qui permet de donner sens au vécu d’aujourd’hui. Et ce recours au passé n’est pas anodin ; il a toute la force de la foi du croyant et de la puissance symbolique de l’origine. On pourrait parler d’un « fondationisme symbolique ».

• Une quatrième démarche vise avant tout à utiliser les sciences humaines (les sciences du langage telles que 1’herméneutique, l’histoire, l’archéologie, l’anthropologie, la sociologie) pour reconstruire le moment originel. Il pourrait s’agir d’une pure démarche au service des précédentes. Mais dans la conjoncture de la pensée musulmane contemporaine, elle tend à devenir une démarche en soi tellement l’importance de déconstruire le mode d’élaboration de la pensée musulmane est désormais ressentie face au poids ancien et contemporain, du seul discours traditionniste religieux. Au stade actuel il s’agit donc avant tout d’une « démarche déconstructrice » : il importe de démonter la lecture traditionnelle du moment d’origine, de la révélation, des hadiths et de leur transmission ; il s’agit de déconstruire le moment prophétique, la première histoire de l’islam pour y trouver un sens que les sciences contemporaines permettent de dégager. C’est pousser à bout la question de « l’ouverture des portes de l’ijtihad », bien au-delà de ce que Abduh ou Afghani pouvaient l’imaginer.

C’est à travers ces quatre attitudes épistémologiques et ces quatre démarches méthodologiques que s’élabore la pensée musulmane contemporaine. Elles aboutissent à une typologie variée de discours, selon l’accentuation plus ou moins grande de l’un ou l’autre trait et aspect.

C’est ce que nous allons voir avec un peu plus de références concrètes.

Les discours musulmans contemporains

Comme toutes les sociétés, les sociétés musulmanes ont été confrontées au changement, à commencer du moment où les musulmans ont quitté leur terroir d’origine et ont commencé leur chevauchée vers le nord, où ils ont rencontré d’autres cultures, allant des Perses aux Berbères, des chrétiens byzantins ou des mozarabes aux hindouistes.
Dans les temps modernes, avec la confrontation à la colonisation, des questions nouvelles se sont posées. Les musulmans commencent à découvrir qu’ils sont amenés à vivre dans l’environnement d’États non musulmans ; la situation est nouvelle pour des musulmans habitués à vivre dans un environnement exclusivement musulman ou dans des enclaves musulmanes. Dès lors, les jurisconsultes sont amenés à s’interroger sur les obligations et les pratiques de musulmans dans un tel contexte. (...)
(pages 20 - 21)

Jalons pour une typologie empirique des discours musulmans contemporains

(La numérotation est de moi : je distingue 7 courants, tandis que l’auteur les regroupe en 4 courants basés sur les objectifs comme plus haut.)

Un champ de bataille de la pensée est en cours aujourd’hui au sein du monde sunnite, tout comme au sein du monde chiite. Les héritages des débats des années 1920-1930, celui « politique » ou celui « missionnaire », tout comme l’héritage du néosalafisme wahhabite mis sur l’avant-scène intellectuelle par l’environnement saoudien, sont aujourd’hui réinterrogés même s’ils sont toujours fortement prégnants. Au sein de ces discours mêmes des évolutions sont perceptibles.

1) Dans la foulée de ce que nous avons appelé le « fondationisme restitutif », la première place est occupée par le salafisme wahhabite dont les figures de proue sont : Ibn Baz, ancien mufti d’Arabie saoudite, le Syrien d’origine albanaise, al-Albani, professeur à l’Université de Médine et installé ensuite en Jordanie ; Ibn Outaymine, membre du comité des grands savants saoudiens ou le Yéménite Muqbil ibn Hadi al-Wadi’i. Par une politique très active de production intellectuelle, d’enseignement, de création de Facultés, un mouvement a pris naissance : il s’est donné le nom de salafyya, pour indiquer le retour aux anciens, seuls pensés capables de proposer un islam purifié. Par rapport au salafisme du début du XXe siècle, celui-ci prône une démarche plus fixiste et littéraliste. Cette démarche se prétend auréolée de « scientificité », car elle se fonde sur une érudition étendue des sources de l’islam et en particulier des hadiths ; elle se formule une rhétorique « scientifique » d’objectivation et de preuve. Elle ne dédaigne pas l’utilisation de l’informatique pour s’inscrire dans une démarche « moderne ». C’est dans ce contexte aussi que l’on cherche une convergence entre foi et science en prônant la théorie de la « vérité scientifique » du Coran : la science ne contredit pas le donné révélé, car celui-ci contient toutes les vérités scientifiques.

La mise en place de ce courant correspond à une stratégie politico-religieuse. Celle de contrer les courants plus politiques, tels ceux de ! ; Frères musulmans qui peuvent aboutir à une contestation du régime saoudien. C’est ainsi que l’on prône une abstention du débat politique en faveur d’une morale personnelle et familiale. Il s’agit également, par la consolidation de l’interprétation sunnite des fondations de l’islam, de se doter d’instruments pour contrer le chiisme relancé par le khomeynisme et la victoire de la révolution iranienne. Il s’agit enfin d’éviter les formes populaires de dévotion, notamment associées au soufisme.

Cette démarche est avant tout missionnaire et d’enseignement, mais elle a aussi donné naissance à une voie de combat et d’action armée qui a comme cible l’Occident et les chiites ainsi que tous ceux qui, dans le sunnisme, pactisent avec ces ennemis. Aymen al-Zawahiri, le mentor d’Oussama Ben Laden, est dans cette ligne, de même que d’autres leaders comme Maqdisi.

2) Dans les pas de ce que nous avons appelé le « fondationisme adaptateur » on trouve, à des degrés divers, une grande partie de la pensée musulmane contemporaine.

Ces discours peuvent émaner des appareils religieux d’Etat. C’est la voie conservatrice d’un statu quo institutionnel. L’islam-église, au sens sociologique du terme, négocie sa place avec les États, modérément et traditionnellement religieux, intégrés en même temps dans le devenir mondial. Cette issue laisse sans réponse la demande de justice sociale sous-jacente à l’islam politique. Elle est plus soucieuse de sauvegarder l’ordre institutionnel de l’islam, le lien avec la tradition, que de répondre aux préoccupations et demandes pressantes d ’aujourd’hui. Des hiérarchies islamiques, telle celle de l’Université Al-Azhar prônent cette orientation. Ou des réformateurs modérés de l’islam wahhabite saoudien, qui devront très probablement tenir de nouveaux propos en concomitance avec une inévitable apparence de démocratisation du régime autoritaire-patriarcal saoudien.

Dans cette ligne, on peut situer aussi une partie importante de Frères musulmans égyptiens et résidants en Europe qui, tout en maintenant une vision relativement holiste du religieux, avancent lentement dans une démarche adaptatives. Dans ce cadre, on peut situer Yussef al-Qaradawi ou Gamal al-Banna, le frère de Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans.·Ou encore Muhammad, al Ghazâli ou la pakistano-canadien Muhammad Tahir al Qadri.

3) Une vision plus avancée, dans la même ligne, est par exemple celle de Mohamed Charfi qui s’interroge sur la possibilité d’un espace nouveau pour le religieux (à entendre comme institution religieuse) dans l’État moderne.
Dans cette ligne, on pourrait situer Tariq Ramadan. Cet auteur a fortement évolué d’une pensée modérément adaptative, vers une pensée qui cherche des formes d’adaptations interprétatives de plus en plus poussées et qui semblent évoluer, avec prudence, ver un fondationisme symbolique.

4) Dans le sens du « fondationisme symbolique » on trouve un certain nombre de démarches issues du mysticisme musulman comme par exemple celle de F. Skali, de K. Bentounès ou de M. Lings. Ou encore celle d’Abdennour Bidar, pour qui la référence à l’origine sert avant tout comme ressource initiale pou sa propre réflexion.

5) Il y a aussi des démarches qui se situent à la frontière entre le mysticisme et une approche doctrinale. On pense ainsi à T. Oubrou qui a évolué vers cette posture depuis quelques années.
(...)
Le grand penseur et poète indien Mohamed Iqbal peut être situé dans la même ligne. Tout comme, plus récemment, le Soudanais Mahmoud Mohammed Taha qui, dans un livrelO, défend l’idée, qui avait déjà été celle de l’égyptien Ahmed Khafallah (1916-1988), de l’existence de plusieurs strates et genres littéraires dans le Coran. Pour Taha, il importe avant tout de se référer à la strate spirituelle, celle de la période mecquoise. Taha s’opposa ainsi à la promulgation du Code pénal islamique dans la République islamique du Soudan sous le régime du général Nimeiry. Il a été condamné à mort sous l’inculpation d’apostasie en 1983.

6) Dans cette démarche, on trouvera une attitude spiritualiste et individualiste de l’islam, avec une teinte d’hédonisme, comme celle de figures qui se profilent en dehors du monde musulman savant au sens strict, comme le prédicateur égyptien Amr Khaled ou le chanteur azéri Sami Youssouf" qui jouissent d’une popularité auprès des masses musulmanes, jeunes et moins jeunes.

7) Une quatrième démarche - déconstructrice - est aujourd’hui le propre de professionnels des sciences humaines qui investissent le terrain des textes fondateurs (Coran et Hadiths) ou de l’histoire fondatrice pour en opérer une révision. C’est le propre d’auteurs comme Abdelmajid Charfi, comme Mohamed Arkoun ou l’Iranien Dariush Shayegan ; ou encore diverses femmes qui s’inscrivent dans ce que l’on a appelé le « féminisme musulman », comme par exemple Fatima Memissi au Maroc, Hidayet Tuksal en Turquie, Shahla Sherkat en Iran, Amina Wadud, Saba Mahmoud ou Asma Barlas aux États-Unis. Filali-Ansary ou Rachid Benzine on fait le point sur ces auteursl2. Le livre de Benzine a été publié aux éditions Albin Michel dans une collection intitulé « Islam des Lumières », Dans le contexte français, on parle ainsi d’un « Islam des Lumières » en référence au livre de R. Benzine, Manifeste pour un islam des Lumières.
(...)

Ces auteurs assument à fond l’apport des sciences humaines pour rechercher une « vérité » renouvelée dans l’histoire fondatrice. Certains font avant tout une de marche en tant que spécialistes de leur discipline ou une démarche polémique avec les évidences de la pensée musulmane et sans la perspective de régénérer la démarche de la foi. D’autres opèrent cette déconstruction dans le but de réalimenter la foi d’un souffle nouveau.

Pour conclure

L’élaboration de la pensée musulmane est balisée aujourd’hui entre ces différentes attitudes, démarches méthodologiques et choix épistémologiques. Dans la conjoncture particulière des vingt
 trente dernières années la démarche issue de ce que nous avons appelé le « fondationisme restitutif » dans son versant politique ou dans son versant salafiste s’est généralisée et affirmée. Elle a saturé l’espace de la pensée musulmane et de nombreuses institutions intellectuelles en créant une véritable école de pensée, devenue un système scolastique assez rigide. Ceci tant dans le monde musulman que dans le contexte des musulmans européens.
Dans ce cadre, les autres démarches intellectuelles - « fondationisme adaptateur », « fondationisme symbolique », « déconstructionnisme » - ont poursuivi leur chemin surtout par l’œuvre de figures isolées. La question reste ouverte en ce qui concerne les développements à venir.

REFERENCE :
Felice Dassetto,
"Discours musulmans contemporains. Diversité et cadrage"
 [1]

(Extraits de pages 15 à 28)
(les numérotations sont de moi)

Académia-l’Harmatan, 2011
www.editions-academia.be
12 €

Voir aussi les autres articles RENCONTRE DES CULTURES sur le site :
1. Introduction : L’islam au coeur de nos préoccupations. Points et contrepoints.
3. Islam, amalgames et confusions
4. La burqa, un signe sectaire et non religieux