Mon fil conducteur des mycorhises et les hasards de mes pérégrinations sur la toile m’ont fait accoster sur Radio Canada et ses "Espaces autochtones", avec deux trouvailles, qui font suite, dans mon esprit vagabond, à la situation évoquées par "Le chant de corbeau" et toute l’oeuvre de Lee Maracle :
– LE RETOUR DES BÉBÉS LUMIÈRES :
- Quand les femmes cries n’ont plus eu la possibilité d’accoucher chez elles
- La dure expérience du milieu hospitalier
- Le retour des naissances, l’étincelle porteuse d’espoir pour les Cris
– ASSURER LA SURVIE DES LANGUES AUTOCHTONES, un défi de taille :
- Comment faire revivre une langue qui n’était plus parlée depuis un siècle ?
- Une adolescente crée une application pour revitaliser une langue autochtone
- Le projet Yawenda qui a permis la renaissance de la langue huronne-wendate qui s’est éteinte au tournant du XXe siècle.
Deux textes en lien avec les articles sur les indiens au Canada :
– Le retour des bébés lumières
– Assurer la survie des langues autochtones
INTRODUCTION
Ce qui suit semble nous éloigner de l’actualité, des élections qui approchent, des guerres qui nous guettent ou qui font disparaître des populations entières, comme à Gaza, du dérèglement climatique qui nous pourrit la météo, des multiples crises ou défis qui battent en brèche nos trains-trains et nos routines de vie : tout est chamboulé et on ne sait plus trop vers où on va...
Autant savoir d’où on vient !
Les réalités historiques qui ont affecté et continuent d’impacter la vie des peuples autochtones ne sont qu’un fil de plus qui tisse notre toile à tous, un fil lumineux qui peut éclairer et donner sens au monde dans lequel nous sommes tous plongés : qu’avons-nous négligé - et donc perdu - pour en arriver là où nous sommes ? Comprendre, pour arriver à renverser la vapeur.
Comment ne pas en revenir à la fonction vitale des mycorhizes... ces filaments de lumière ?
1 - Le retour des bébés lumières
Publié le 10 mai 2024 - Ici Radio Canada
Texte et photos : Marie-Laure Josselin En collaboration avec Jean-Francois Villeneuve Illustrations : Sophie Leclerc
Extraits
La nation crie renoue avec les naissances sur son territoire. Chaque ᐅᔥᑭᐧᐋᔑᔥ (ushkiwaashish, « nouveau-né » en langue crie) qui voit le jour signifie pour beaucoup un espoir, une lumière qui contribue à la guérison.
Bella Moses Petawabano a l’habitude de dire qu’elle a eu la chance de naître sous la souche d’un arbre plutôt que dans des draps blancs. Comme elle, nombreux sont les Cris d’un certain âge à être nés en Eeyou Istchee, sur le territoire cri.
Toutefois, progressivement, à partir des années 1960, les femmes n’ont plus eu la possibilité d’accoucher sur le territoire ou dans leur communauté. Elles ont été envoyées dans le sud, loin de leur famille et de leur culture, ce qui a eu des répercussions dévastatrices.
Pendant des dizaines d’années, les naissances n’étaient plus possibles dans les communautés cries au Québec.
Pour accoucher, les femmes devaient donc quitter leur communauté et leur famille, parcourir des centaines de kilomètres et se débrouiller dans une ville culturellement peu familière, dans une autre langue.
Quand les femmes cries n’ont plus eu la possibilité d’accoucher chez elles
https://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/9371/accouchement-cris-eeyou-istchee-histoire
Extraits
Bella Moses Petawabano a l’habitude de dire qu’elle a eu la chance de naître sous la souche d’un arbre plutôt que dans des draps blancs. Comme elle, nombreux sont les Cris d’un certain âge à être nés en Eeyou Istchee, sur le territoire cri.
En fait, en 1937, les Sœurs grises ont ouvert une clinique d’urgence sur l’île de Fort George, là où les Cris se rendaient l’été. Puis en 1949, l’Hôpital Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus y a ouvert ses portes. D’après des documents d’archives (Nouvelle fenêtre), entre 1942 et 1951, il y a eu 60 naissances à Fort George.
Vers les années 1960, les naissances sur le territoire ont commencé à se faire rares pour les communautés à l’intérieur des terres à cause de la proximité de l’hôpital de Chibougamau, note Bella Moses Petawabano.
La construction de barrages sur la Grande Rivière aura finalement raison des migrations saisonnières vers l’île de Fort George. Les derniers Cris qui étaient semi-nomades ont été contraints de s’installer pour de bon à Chisasibi. En 1981, la communauté s’est dotée d’un hôpital, où la majorité des femmes ont donné naissance.
“À un moment, ils ont commencé à dire aux gens d’aller dans les hôpitaux, avec les infirmières. C’était l’autorité !”
Moins de 20 ans plus tard, les naissances à Chisasibi ont cessé, et ce, à cause d’une crise avec les médecins : ”« Nous n’avions pas assez de médecins dans la région et nous dépendions beaucoup de ce qu’on appelait les "dépanneurs", des médecins qui venaient pour une courte période, qui ne connaissaient pas les gens. Faute de médecins permanents dans la communauté, ces derniers ont décidé de mettre un terme aux naissances à l’hôpital de Chisasibi. » (Une citation de Bella Moses Petawabano)
C’est ainsi qu’a commencé l’époque où les femmes de Waskaganish, d’Eastmain, de Wemindji, de Whapmagoostui et de Chisasibi devaient quitter leur famille vers 37 semaines de grossesse, voire moins, pour aller accoucher dans le sud, dans une culture et une langue différentes. “Et ça a été difficile de revenir en arrière après”, affirme Bella Moses Petawabano.
Isolement social et culturel
Vingt-quatre ans plus tard, la douleur est toujours vive pour Paula Napash. À quelques mois près, elle aurait pu accoucher à Chisasibi de son premier enfant, né en septembre 2000. Cependant, comme ses deux autres bébés par la suite, il est né à Val-d’Or, à 950 kilomètres de là.
Paula Napash n’a jamais connu un accouchement entourée de sa famille. Elle a toujours rêvé d’un accouchement dans sa communauté, entourée de son conjoint, de sa mère, de ses sœurs, d’une aînée, dans sa culture et dans sa langue, raconte-t-elle d’une voix tremblante. Puis, après une longue pause, elle lâche ceci : “Je n’ai jamais eu le choix”, en contenant difficilement ses sanglots. D’autant plus que “pour les Cris, la naissance est un passage très spécial”, qui s’accompagne de cérémonies.
« Ça me rend triste parce qu’il y a comme une déconnexion.
Les femmes cries, qui ont deux fois plus d’enfants que la moyenne des femmes au Québec, doivent laisser leurs plus vieux et trouver quelqu’un à qui les confier. Cette solitude et la distance fragilisent les familles. De plus, l’isolement et le stress peuvent avoir des effets négatifs sur le déroulement de l’accouchement, sur le lien d’attachement avec le bébé et même sur l’allaitement.
La dure expérience du milieu hospitalier
C’est sans compter le déracinement dans un milieu médical difficile. Les femmes se sentent maintenues dans l’ignorance, peu informées des conséquences des interventions. Le rapport de la commission Viens soulève d’ailleurs que “les préjugés envers les Autochtones demeurent très répandus dans l’interaction entre les soignants et les patients. Ces préjugés se traduisent parfois en pratiques discriminatoires et peuvent avoir des conséquences tragiques pour les patients autochtones”.
Elizabeth Bobbish avait 19 ans lorsqu’elle a eu son aîné, Landyn, à Val-d’Or, il y a dix ans. L’expérience a été “traumatisante”, affirme-t-elle, même si elle concède ceci : certaines vivent pire à cause de la couleur de leur peau, car Elizabeth a “l’air blanche” avec ses yeux verts et ses cheveux un peu blonds.
Néanmoins, la présence de son conjoint, avec “sa peau et ses yeux foncés”, ainsi que le fait qu’ils ne parlent pas français, a “compliqué les choses”.
« Ce n’est pas dit, ce n’est pas apparent. C’est très ressenti et ça s’est traduit dans la manière dont ils ont traité mon bébé. Ils ne me croyaient pas, n’écoutaient pas mon ressenti. » (Elizabeth Bobbish)
Pour son deuxième enfant, Elizabeth Bobbish a alors décidé d’aller à Gatineau, ce qui impliquait un coût financier supplémentaire pour la famille accompagnante. L’expérience a été bonne, mais malgré tout, elle lui a laissé un goût amer.
“Je me disais que les naissances ne sont pas censées avoir lieu comme ça. C’était très médicalisé.”
La vision occidentale de la santé et celle des Autochtones sont relevées par la commission Viens, où des Cris ont témoigné. “Là où le système public de santé et de services sociaux s’en remet aux normes biomédicales et aux démarches individuelles, notamment dans le domaine de la santé mentale, les Autochtones visent plutôt l’atteinte d’un état d’équilibre et de cohésion qui est soutenu et renforcé par la famille, les amis, la communauté et, plus largement, la nation.”
« Je ne voulais plus avoir d’enfants par la suite. C’était trop de quitter la maison et de laisser mon enfant qui n’avait que quatre ans. J’étais dévastée. Et je ne voulais pas accoucher de nouveau sans mon entourage familial. (Elizabeth Bobbish)
Elizabeth a changé d’avis, car les femmes cries ont de nouveau la possibilité d’accoucher à Chisasibi.
“Les bébés apportent de la joie, mais pour nous, c’est bien plus que ça, c’est beaucoup plus profond.”
Après un long travail, depuis quatre ans, des bébés naissent de nouveau à Chisasibi, la plus grande communauté d’Eeyou. Ce retour progressif a commencé avec la venue de sages-femmes du sud puis l’ouverture d’une maison de naissance. Le mouvement s’apprête à franchir une nouvelle étape : en juillet va débuter la formation de sages-femmes cries.
Le retour des naissances, l’étincelle porteuse d’espoir pour les Cris
Extraits
Depuis quatre ans, le retour des naissances se fait graduellement à Chisasibi. Malgré les risques et la douleur, les mères cries peinent à décrire le bonheur qu’elles ressentent. Si l’arrivée d’un bébé est une joie, sa signification est beaucoup plus profonde pour les femmes cries.
« C’est comme si des années de traumatisme intergénérationnel arrivaient à un point de guérison. Parce que pendant longtemps, les naissances n’étaient pas autorisées sur le territoire. Nous n’avons donc connu que la mort. Le retour des naissances a donc suscité la joie et l’espoir au plus profond de nous-mêmes. Il y a une lumière, et c’est ce que ces bébés apportent en naissant ici. » (Elizabeth Bobbish)
Novembre 2021. Un petit blizzard entoure une habitation traditionnelle crie en bois, isolée, sans eau courante, avec comme seul chauffage un poêle à bois. Les branches fraîches par terre embaument l’air. Des habits de nouveau-né sont suspendus sur un fil entre deux poteaux, une tradition crie. Un peu plus loin, du matériel médical.
Elizabeth Bobbish est calme. Au-dessus d’elle, une corde en peau de caribou tressée est tendue pour qu’elle puisse s’agripper afin de pousser.
Les bébés, lumière et espoir
Après des années de travail acharné, de consultations et de planification du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James, les femmes cries ont de nouveau le choix.
Depuis quatre ans, près de 140 bébés sont nés à Chisasibi. Pour Elizabeth Bobbish, comme pour tous, c’est lourd de sens. Elle a même eu un quatrième enfant, Kaydence, dans le confort de sa maison, avec sa famille, avec le rire de ses autres enfants, la sauge brûlée par sa mère et même son chien, considéré comme un membre de la famille.
Voir aussi
ESPACES AUTOCHTONES
2 - Assurer la survie des langues autochtones, un défi de taille
Extraits
Le Canada compte plus de 70 langues autochtones, mais l’avenir de certaines d’entre elles est menacé puisqu’elles ne comptent qu’une poignée de locuteurs. Coup d’œil sur la situation alors que le 31 mars a été désigné Journée nationale des langues autochtones.
Un texte d’Antoine Samson - Ici Radio Canada
Selon le dernier recensement, 260 550 Autochtones sont en mesure d’entretenir une conversation de base dans une langue autochtone.
La linguiste Yvette Mollen, enseignante en langue innue se réjouit que des étudiants non autochtones choisissent d’apprendre sa langue maternelle, mais elle admet que les défis sont nombreux pour faire rayonner sa culture.
« Mes étudiants peuvent avoir des conversations de base, mais il faudrait qu’ils s’intègrent dans les réserves pour acquérir des connaissances supplémentaires », souligne-t-elle.
L’ethnologue huronne-wendate Isabelle Picard salue pour sa part l’implication des communautés autochtones pour assurer la pérennité de leur culture.
Elle cite en exemple le projet Yawenda (Comment faire revivre une langue qui n’était plus parlée depuis un siècle ?) qui a permis la renaissance de la langue huronne-wendate qui s’est éteinte au tournant du XXe siècle.
Une adolescente crée une application pour revitaliser une langue autochtone
Une adolescente de Prince George lancera dans les prochaines semaines une application mobile et un camp d’été pour revitaliser le dakelh, une langue parlée par des Autochtones du centre de la Colombie-Britannique.
Comment faire revivre une langue qui n’était plus parlée depuis un siècle ?
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/755277/enseignement-langue-huron-wendat-wendake-quebec-cpe
Depuis cet automne, à Wendake, tout près de Québec, on enseigne le huron-wendat dans un centre de la petite enfance. C’est la dernière initiative d’une aventure qui a commencé il y a des années. Pour redécouvrir cette langue, il a fallu fouiller dans des manuscrits du 17e et du 18e siècle écrits par des missionnaires.
Un texte de Madeleine Blais-Morin
15/12/2015
Depuis cet automne, à Wendake, tout près de Québec, on enseigne le huron-wendat dans un centre de la petite enfance. C’est la dernière initiative d’une aventure qui a commencé il y a des années. Pour redécouvrir cette langue, il a fallu fouiller dans des manuscrits du 17e et du 18e siècle écrits par des missionnaires.
Prenez note que cet article publié en 2015 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Comme tous les autres membres de la communauté, Marcel Godbout, un agent culturel au Conseil de la Nation huronne-wendate, ne parlait pas le wendat, enfant. Il sentait qu’il lui manquait quelque chose. « Ça représente notre identité et qui nous sommes. Pour moi, c’était essentiel de tenter, par différents projets, de reparler à nouveau notre langue qui était endormie pendant une centaine d’années. »
Les manuscrits des missionnaires
Mais comment ranimer une langue qui n’avait plus aucun locuteur ?
Megan Lukaniec, une linguiste, épluche depuis près de 10 ans des grammaires et des dictionnaires écrits par des jésuites et un frère récollet aux 17e et 18e siècles.
Selon elle, c’est en quelque sorte une ironie de l’histoire. « Les jésuites n’avaient probablement pas prévu cette utilisation de ces documents-là. Mais ce processus de revitalisation linguistique, c’est aussi un processus de réappropriation. Donc, on se réapproprie les outils des jésuites pour faire revivre la langue. »
Des réalités bien différentes ailleurs
Si, à Wendake, on tente de faire revivre la langue, ailleurs dans d’autres communautés, des langues sont encore parlées, mais pas moins menacées, selon Lise Bastien, la directrice générale du Conseil en éducation des Premières Nations, auquel sont associées 22 communautés autochtones du Québec.
C’est le message qu’on lance depuis plusieurs années : ça ne prend que deux ou trois générations pour qu’une langue soit vraiment en péril. C’est très court. (Lise Bastien, directrice générale du Conseil en éducation des Premières Nations)
Des langues sont enseignées dans les écoles de plusieurs communautés au Québec. C’est tout naturellement que des mots en wendat s’insèrent dans leur vocabulaire. Ce ne sont que quelques petits mots. Mais, dans la communauté, ils sont porteurs d’un grand espoir.
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