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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Et si les maisons en terre crue étaient le futur de l’architecture ?
Article mis en ligne le 16 février 2023

Avec le changement climatique, l’architecture en terre crue fait son grand retour.
Son bilan CO2,très favorable par rapport au ciment, lui ouvre de nouvelles perspectives.

La construction en terre connaît un vif regain d’intérêt chez les architectes : ce matériau ancestral fait baisser les émissions de CO2 des bâtiments tout en leur permettant de mieux résister à la hausse des températures.

Un tiers de l’humanité vit dans un habitat en terre, soit plus de deux milliards de personnes dans 150 pays. Il existe différents procédés d’utilisation de la terre – pisé, torchis (terre crue coupée de paille), bauge (couches successives de torchis sans ossature), colombage (terre compactée dans une ossature bois) ou brique de terre crue.

L’impression en 3D du projet Tova (Mossaab Guso). ©IAAC/Tova

”Le retour en grâce de la terre crue dans la construction est basé sur un constat : un kilo de ciment émet un kilo de CO2, alors qu’un kilo de terre crue émet zéro”, analyse Xavier Chateau, directeur de recherche en sciences des matériaux au laboratoire Navier (CNRS-École nationale des Ponts et Chaussées).

Outre qu’aucune cuisson n’est nécessaire comme pour le ciment fortement émetteur de CO2, et que la terre est une ressource locale, elle offre aussi une très bonne inertie thermique, en régulant naturellement le taux d’humidité. Et elle est recyclable à 100 %, font valoir les promoteurs de ce matériau.

Elle pourrait dès lors aider à relever un énorme défi climatique. “Si on arrivait à abaisser de 25 % le volume de ciment consommé dans le monde, c’est comme si on supprimait l’impact sur le climat de tous les transports en avion”, calcule M. Chateau.

Néanmoins, la terre a ses fragilités. Les bâtiments doivent être protégés des intempéries et des remontées capillaires. La presse locale française se fait régulièrement l’écho d’effondrements d’immeubles en pisé. Certains ajoutent un adjuvant, ciment, chaux, laitier de sidérurgie (résidu de haut-fourneau) ou produits biosourcés (paille ou chanvre), pour “stabiliser” la terre, la rendre hydrophobe et un peu plus résistante sur le plan mécanique pour permettre des constructions plus durables.

”En Afrique, au Burkina Faso ou au Malawi, c’est devenu un savoir-faire artisanal de stabiliser la terre crue avec du ciment en pied de bâtiment pour régler le problème de l’eau”, confirme M. Chateau. Cependant, ” c’est un matériau naturel, variable selon l’endroit d’où il est retiré, il ne va donc pas avoir des propriétés constantes dans le temps et cela va être très dur d’assurer le bâtiment, nuance-t-il. La terre crue est un matériau génial sur le papier, sauf qu’il n’y a pratiquement pas de personnel pour le mettre en œuvre, et que cela coûte plus cher, car il faut passer par des demandes d’expérimentation (payantes) auprès du centre technique du bâtiment, c’est donc un vrai choix d’engagement”.


Collserola (Barcelone, Espagne)

Installé en Espagne, l’architecte belge Edouard Cabay vient de terminer avec ses étudiants une maison de terre crue imprimée en 3D. À ses yeux, il s’agit de deux techniques d’avenir, en particulier dans le cadre de la crise climatique.

Ce prototype est un édifice de terre crue – autrement dit, en boue argileuse séchée – imprimé en 3D.

”La terre crue est utilisée depuis des millénaires à travers le monde, pas seulement dans les pays chauds et secs, mais aussi sous les climats froids et humides. Il y avait de la construction en terre en Belgique, il y en a encore beaucoup en Suisse ou en France, détaille Edouard Cabay. Mais il y a un siècle, avec le développement et l’arrivée du béton armé, la terre crue est un petit peu passée aux oubliettes.

“Je pense que la terre crue peut résoudre des problèmes actuels dans le monde de la construction. Par exemple, que faire de toute la terre quand on creuse un nouveau métro ou de nouvelles infrastructures ? On la considère aujourd’hui comme un déchet alors que c’est un matériau de construction potentiellement très bon.”

L’impression 3D nous permet d’innover.
"On a créé des petits rebords sur le mur. Tous les vingt centimètres dans la hauteur, une couche de l’impression 3D ressort un petit peu du mur. Ces rebords sont protégés par un plâtre naturel fait de jaunes d’œufs. Lorsque la goutte tombe, elle ne glisse pas sur le mur, mais tombe dans le vide. C’est en fait la réinterprétation d’une ancienne technique utilisée en Arabie saoudite il y a deux ou trois siècles. Ils mettaient dans leurs façades en terre des pierres horizontales qui partaient vers l’extérieur et empêchaient le ruissellement. Les architectures en terre crue traditionnelles fonctionnent sans air conditionné, sans lumière artificielle, sans ventilation artificielle, etc. Elles sont extrêmement intelligentes en matière de construction passive. On peut donc repenser l’architecture d’aujourd’hui avec ces mêmes techniques passives."

L’impression 3D permet aussi de “customiser” les murs, pour le même prix.
“C’est très intéressant d’un point de vue climatique, car une façade sud a des besoins totalement différents d’une façade nord, en matière de chaleur et de climat. On peut adopter la section et l’épaisseur d’un mur à leurs besoins thermiques.” L’impression 3D permet aussi de faire des murs creux (les murs du projet Tova fonctionnent à l’instar de structures en alvéole), ce qui permet d’y placer des isolants, des fils ou réaliser de la ventilation naturelle, afin d’évacuer la chaleur pendant l’été. “Cela permet donc de construire des bâtiments avec une consommation énergétique extrêmement basse.”

"Il y a des villes au Yémen qui ont 600 ans, avec des bâtiments en terre crue de treize étages ! Aujourd’hui, avec les technologies additionnelles, cela ne devrait pas poser trop de problèmes, même si on n’est pas encore prêt…"

Extraits d’un article de Sophie Devillers, Journaliste service Planète à La Libre, publié le 05-01-2023.