Au début la pirogue était une idée entre le parc Pairi Daiza (ndlr : qui a créé dans le parc un lieu consacré au peuple de Sarayaku) et nous.
Ensuite on a pensé que ce pourrait être un grand moment pour Sarayaku et pour tous d’amener une pirogue en tant que symbole vivant à la COP.
http://www.frontieredevie.net/actualites/itvgualinga.pdf
Extraits d’un interview de josé Gualinga
Est-ce que tu peux encore parler de cette pirogue Kindy Challwa, la pirogue du « poisson colibri » qui est arrivée à la COP ?
C’est une aventure incroyable, non ?
Au début la pirogue était une idée entre le parc Pairi Daiza (ndlr : qui a créé dans le parc un lieu consacré au peuple de Sarayaku) et nous.
Ensuite on a pensé que ce pourrait être un grand moment pour Sarayaku et pour tous d’amener une pirogue en tant que symbole vivant à la COP.
C’était une idée qui avait déjà germé en l’année 1992 (ndlr : moment où José a vécu en Belgique) et qui a été mise en pratique en 2015. Ensuite, étant donné une série de difficultés, des problèmes de douane et de crises sociales en Equateur, on s’est dit que ce serait difficile d’amener la pirogue à Paris. Le projet avait donc été abandonné, mais à la fin on a eu une information qu’aux États-Unis, différentes organisations des peuples indigènes du monde étaient intéressées.
L’équipe d’Atayak a alors estimé que nous pourrions construire une pirogue et l’amener à Paris. Nous savions que ce serait très difficile mais nous avons voulu essayer. Et on a construit la pirogue, faite par des hommes et des femmes de Sarayaku. Une pirogue bien construite parce que nous ne voulions pas que ce soit une pirogue quelconque. On aurait pu acheter une pirogue que certains voulaient vendre, mais ça n’avait pas de sens d’acheter une pirogue déjà construite pour l’amener à la COP. L’idée était que la pirogue ait un sens profond, de par sa construction, son art, sa beauté, son symbole. Qu’elle ait un nom et qu’elle soit construite d’une façon très artistique, avec un sens symbolique. Ce devait donc être une pirogue faite dans un arbre nouveau, pas une pirogue achetée. Alors nous l’avons taillée et la pirogue a été transportée à travers la forêt, par plus de 150 personnes, vers le fleuve Bobonaza : une grande « minga » (ndlr : travail collectif) , les chasseurs qui ont chassé pendant 10 jours pour nourrir 150 personnes, beaucoup de femmes qui ont préparé environ 80 kg de yucca, des bananes. La pirogue a pu arriver avec beaucoup de délicatesse parce que nous avions aussi peur qu’elle ne subisse un accident lors du déplacement vers le fleuve Bobonaza. Mais une équipe qualifiée, très technique, a fait en sorte que la pirogue ne subisse pas d’accident qui puisse l’affecter. Ensuite on l’a passée au feu. Mais avant de la passer par le feu, on y a mis une série de dessins représentant l’anaconda, le poisson colibri et une série d’êtres, symboles de la pirogue. Nous devions aussi faire attention parce que la pirogue pourrait se tordre, elle était très fraîche, très « bébé nouveau-né ». Aussi nous l’avons renforcée avec des bâtons pour qu’elle ne subisse pas de dégât à cause de la chaleur du feu. Toutes ces mesures sont petites mais nécessaires pour que la pirogue soit bien faite.
Ensuite il a fallu la remonter à la force des bras par le Bobonaza sur 80 km de long, vers Puyo puis Guayaquil. Elle a passé une nuit à Puyo, dans un hangar de l’aviation militaire. Arrivée à Guayaquil, nous ne savions pas où la laisser, mais on a rencontré un groupe d’amis qui appartiennent à la résistance et ils nous ont donné un endroit pour abriter la pirogue. Six personnes ont accompagné Kindy Challwa jusqu’à Guayaquil. Avant de retourner à Sarayaku, un des Maîtres artisans a dit : « Nous t’avons accompagnée jusqu’ici ; tu voyageras vers une terre que nous ne connaissons pas, un jour nos enfants le sauront et ils pourront te rencontrer. »
Mais le temps se faisait très court : nous avions environ 35 jours pour arriver à Paris mais le bateau nécessitait plus de 40 jours ... Dès lors, elle n’arriverait jamais à temps à Paris ! Alors, Amazon Watch (ndlr : organisation américaine qui soutient Sarayaku) , qui s’occupait du transport, a décidé de l’envoyer à Quito pour la transporter en avion. Tout cela a nécessité des démarches, des papiers, le certificat d’origine, certificat et permission du ministère de l’Environnement, de la douane qui devenait folle parce que la pirogue n’avait pas de code pour transporter une pirogue et c’était très problématique parce que chaque exportation a besoin d’un code ... La pirogue n’en avait pas, il fallait en créer un. Ensuite, l’avion cargo qui devait partir ce jour-là a connu une avarie et la pirogue n’est partie que le jour suivant.
Pour finir elle est arrivée à Paris mais, à Paris, ce fut également une folie. Ce fut une tache dure, pour Corinne (ndlr : présidente de l’association française « Paroles de Nature ») : téléphoner à ses contacts, la douane, les Ministères, pour que la pirogue arrive à la COP. La pirogue est finalement bien arrivée.
Pendant ce temps, en Equateur, la pirogue était recherchée par la police, nous ne savons pas pourquoi. Ce que nous savions c’est que, par ordre de Puyo, la police de Guayaquil recherchait la pirogue, mais ils ne l’ont jamais trouvée : la pirogue était à Quito !
Ce fut donc un travail compliqué et difficile pour que la pirogue arrive à Paris. Ce fut un moment très historique, un moment de joie, un moment émouvant. Tous, le Président de Sarayaku, Franco Viteri, les dirigeants de Sarayaku et moi-même, tous nous ressentions une profonde émotion, une profonde joie, comme si un nouveau frère était arrivé à Paris. Nous pensions à ceux qui l’avaient construite dans la forêt, sa navigation sur le Bobonaza. Ce sera une histoire à raconter aux futures générations,
Si vous souhaiterez participer à organiser l’accueil de la Pirogue (artistes, photographes, vidéastes, bénévoles etc.) contactez nous sans attendre :
Merci José. Tu vas maintenant rentrer en Équateur. As-tu encore envie de dire quelque chose à tous les gens de la Frontière de Vie, à tous ses parrains, à tous ceux qui lisent nos message ? Qu’as-tu envie de leur dire ?
Je crois que nous allons réussir à ce que la Frontière de Vie fleurisse ! Il reste beaucoup à faire pour que les gens connaissent ce projet. Je crois que c’est ce que nous devons tous essayer de faire, dans un langage tel que le monde sache qu’il y a un projet symbolique qui est créé dans la forêt amazonienne, un projet de vie à travers les fleurs, et que cela se réalisera à un certain moment. Ce sera une œuvre artistique, ainsi qu’un centre de biodiversité. Ce sera Kawsak Sacha, la « Forêt Vivante », un symbole de fleurs qui démontrera la vigueur de Sarayaku.
C’est ce que nous devons atteindre, nous tous, les alliés, les parrains, tous ceux qui ont contribué à la Frontière de Vie. Il ne s’agit pas simplement de planter un arbre ou une plante pour combattre le réchauffement climatique. La Frontière de Vie signifie plus que cela : elle signifie notre propre existence, notre vie à nous tous, et, à travers ce symbole, nous serons tous un jour satisfaits de constater ce que nous avons atteint, ce que nous avons réussi. C’est le message que je donne pour pouvoir réunir une plus grande force encore, avec cette vision de réussir une ligne symbolique, une frontière de vie, un chemin de fleurs, comme la plus grande construction de l’histoire des peuples indigènes du XXle siècle. Le chemin de fleurs et les plantes ne sont pas des forteresses ou des murailles protectrices. Ce sont simplement de beaux jardins, symbole éblouissant de la beauté et de la fragilité de la vie, une action titanesque avec beaucoup d’efforts et de sacrifices. Nous devons tous en prendre soin.
C’est cet objectif que nous voulons atteindre.
Je voudrais aussi dire qu’un de nos parrains, Jean-Marie Pelt est décédé. C’était un parrain de Frontière de Vie, en France, avec qui nous étions amis et nous manifestons notre solidarité avec sa famille et ses proches.
Nous garderons son appui en mémoire
(traduction : Jean Swennen)
Lire tout l’interview (avec les photos) et notamment la situation périlleuse des peuples indigènes en Equateur face au gouvernement et aux pétroliers :
http://www.frontieredevie.net/actualites/itvgualinga.pdf
Voir aussi la vidéo du Guardian.
"La tribu Kichwa de Sarayaku, dans la région de l’Amazonie en Equateur, croient en la « forêt vivante », où les humains, les animaux et les plantes vivent en harmonie. Ils se battent contre les compagnies pétrolières qui veulent exploiter leurs terres ancestrales. Une délégation de peuples autochtones est venue à la conférence sur le climat de Paris (COP21) pour faire en sorte que leurs voix soient entendues. Peuvent-ils gagner leur bataille ?"