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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Héros malgré eux

Les entrepreneurs occupent une place laissée vide par les autres piliers de notre société. Ces (super ?) héros portent en eux l’idée qu’un autre monde est possible.

Eclairage Liliane Fanello

Article mis en ligne le 28 juin 2015

Quelles similitudes entre Tony Stark ("Iron Man"), Steve Jobs, Batman et l’entrepreneur français Xavier Niel ? Tous les quatre dirigent une ou plusieurs entreprises. Ils inventent, bousculent le monde et sont de fins stratèges. Tout en maintenant le cap, ils ont néanmoins des failles, font des erreurs. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’on peut s’identifier à eux. Chacun peut être considéré, à sa manière, comme un héros des temps modernes.

Héros ou super-héros ? Si l’on s’en tient à la définition de Fred Colantonio, auteur d’une trilogie sur l’attitude des héros [1] "le héros est la personne qui a le rôle principal dans une histoire. A ce titre-là, les chefs d’entreprises, mais aussi les salariés, sont des héros s’ils ont conscience qu’ils ont la capacité d’influencer leur histoire." Pour Fred Colantonio, on fait cependant fausse route quand on postule que l’entrepreneur est omnipotent. "Pour moi, une de ses premières qualités est d’avoir la clairvoyance de s’entourer et l’humilité d’aller chercher chez les autres les compétences qu’il n’a pas. Or, souvent, le message adressé aux entrepreneurs est qu’ils doivent pouvoir tout faire."

Le dirigeant d’entreprise ne doit donc pas être bon dans tout. Par contre, il doit inspirer et créer les conditions pour que les gens autour de lui donnent le meilleur d’eux-mêmes. Certains appelleront cela du charisme. D’autres n’hésiteront pas à emprunter des termes plus "ésotériques", comme l’aura et le rayonnement.

Marina Aubert, membre du collectif Orchestraa (collectif franco-belge pour le développement de l’économie collaborative), a par exemple développé un programme taillé sur mesure pour les décideurs, intitulé "L’aura des dirigeants".

A la base, Marina Aubert est une spécialiste en stratégie de communication web et en réseaux sociaux. Elle s’adresse aux entreprises pour y développer des projets dans ce domaine. Mais son expérience lui a montré que tout commence par le dirigeant. "Nous devons d’abord renforcer la force personnelle du dirigeant, et ce par la maîtrise de ses talents et de ses limites. Pour pouvoir permettre aux autres de se mobiliser, celui-ci a en effet besoin d’être bien clair avec soi-même et centré sur lui-même."

Pour Marina Aubert, dans une Europe vieillissante, le seul atout de compétitivité restant aux entreprises d’aujourd’hui, c’est l’humain. "Un humain ne fonctionne bien que s’il se sent bien. Et ce bien-être passera par le dirigeant, car c’est un modèle pour la société. Notre objectif est de développer son rayonnement, propager son attitude positive à l’ensemble de l’entreprise. Car l’être humain fonctionne par mimétisme aussi."

L’entrepreneur est donc bien une sorte de héros. "L’être humain a toujours appris par imitation et dans beaucoup d’entreprises, le comité de direction doit justement insuffler une direction, montrer l’exemple. C’est sa responsabilité", embraye Fred Colantonio. Celui-ci constate cependant que dans beaucoup de sociétés, cette valeur d’exemplarité du management fait défaut. "Si, en période de compression budgétaire, le personnel reçoit l’injonction qu’il faut faire des efforts alors que le dirigeant s’achète une nouvelle voiture, c’est incohérent. La cohérence, c’est le plus petit écart possible entre ce qu’on dit et ce qu’on fait."

Associer le dirigeant d’entreprise à un héros n’est en réalité pas neuf. Comme l’explique Aurélien Fouillet [2], sociologue de l’imaginaire et directeur des études à l’institut Eranos (Paris), cela remonte au XIXe siècle. A l’époque où la bourgeoisie et les capitaines d’industrie ont pris la place des chevaliers et de la noblesse. "Parler d’aura du dirigeant ne m’étonne pas trop car en prenant la place du chevalier ou de l’aventurier, la figure du chef d’entreprise s’est également chargée de tout le vocabulaire qui allait avec."

Aujourd’hui, un phénomène de starification s’est cependant ajouté au génial ingénieur du XIXe siècle, au pionnier qui bouleverse : les héros contemporains, dont Steve Jobs est certainement la figure la plus emblématique, ont également réussi à créer, autour d’eux, une communauté.
Pour Aurélien Fouillet, l’entrepreneur est un super-héros. "Comme les super-héros, il vient structurer un ensemble de comportements. Il occupe dans la société une fonction que le politique, le religieux et le culturel n’occupent plus. Tel Superman, il cristallise une histoire collective et sociale." Autrement dit, ces super-héros "malgré eux" viennent redonner du sens à notre société. "Des personnages comme Mark Zuckerberg ou Steve Jobs portent en eux l’idée qu’un autre monde est possible. C’est donc essentiellement quelque chose de positif, car ce dont l’Europe souffre justement, c’est le manque de lien social et d’existence d’une communauté."

FANELLO LILIANE, Publié dans La Libre le samedi 21 février 2015