Connie Hedegaard pointe du doigt les difficultés de lutter contre le réchauffement dans une période où la crise économique est dans toutes les bouches.
La crise économique à rallonge que connaît l’Europe ne favorise pas vraiment la mise en œuvre de ses ambitions en matière d’énergies renouvelables et de lutte contre le réchauffement climatique.
Nous avons aussi besoin de continuer à combattre le réchauffement climatique et de continuer à avancer vers une société bas carbone.
Certains ont des doutes, mais la moyenne des citoyens européens ordinaires sait très bien que le changement climatique est en train de se produire.
S’occuper du changement climatique va de pair avec la relance économique et la création d’emplois. Au cours de cette année, le directeur de la Banque mondiale Jim Yong Kim a dit que l’on ne pourrait pas sauver la croissance économique si on ne s’occupe pas du climat. Même au Fonds monétaire international, on tient des propos similaires, tout comme le secrétaire général de l’OCDE.
Il y a cinq ans, on n’entendait pas ce discours dans la bouche de ces institutions économiques considérées comme libérales.
J’ai le sentiment que la question du changement climatique est en train de sortir du coin des ministres de l’Environnement et du Climat pour entrer dans le cœur des discussions économiques. Donc cela rend les choses plus difficiles dans un sens, mais c’est indispensable pour faire les pas les plus fructueux.
Du côté des industriels, beaucoup de progrès sont à faire pour comprendre qu’améliorer l’efficacité énergétique et l’utilisation des ressources n’est pas mauvais pour notre économie, au contraire. Le Danemark, d’où je suis originaire, figure dans le top de la liste du ’World Economic Forum’ qui montre que les pays qui ont investi dans l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique ont aussi gagné des jobs et des exportations. L’énergie y est pourtant relativement chère, mais cela montre qu’il est possible de lier la croissance, la compétitivité et une politique en faveur des énergies renouvelables.
Le problème, c’est que l’on trouve dans certaines organisations du monde de l’entreprise des groupes d’intérêts qui sont de puissants défenseurs du ’business as usual’. Mais je pense que beaucoup de sociétés en Europe, et pas seulement celles qui font des produits verts, commencent à comprendre le message. Beaucoup mieux qu’il y a dix ans.
Observe-t-on certaines évolutions positives du côté des Etats-Unis et de la Chine ?
Oui, je pense percevoir l’engagement le plus fort de la part des Etats-Unis que j’aie vu depuis de nombreuses années. Ce qui m’a un peu inquiétée en Pologne, c’est de voir la Chine, le Brésil, l’Inde et certains autres pays tenter de réinstaurer le vieux ’pare-feu’ entre pays développés et pays en voie de développement. Bien sûr que les pays plus riches devront faire plus que les pays pauvres, mais nous ne pouvons pas avoir un système pour la période post-2020 où seuls les pays qui étaient développés en 1992 sont engagés à faire quelque chose pendant que les autres n’agissent que sur une base volontaire. Et ça, c’est le grand combat. Et cela continuera à être la grosse discussion jusqu’au prochain sommet, en vue d’un traité ambitieux à Paris en 2015.
D’après un ENTRETIEN avec GILLES TOUSSAINT, Publié dans LLB le lundi 30 décembre 2013.