Depuis quarante-cinq ans, j’ai orienté mon parcours autour de cette question : comment se mettre au service de la vie, de la scène même de la vie, cette planète dont la beauté ne cesse de me couper le souffle ? Devant la marche du monde, je ne cesse de me demander comment il est possible que nous ne la voyions pas dans sa splendeur. Pourquoi n’avons-nous aucun émerveillement ? Vue du ciel, la planète n’est pas la mappemonde découpée que nous en avons fait. Nous sommes libres d’organiser le vivre-ensemble comme bon nous semble. Or nous avons eu la bêtise de fragmenter ce qui est par principe unitaire : la planète, le vivant…
La fragmentation met en opposition. Nous sommes toujours dans le dualisme, contre quelque chose. Nous avons aujourd’hui les moyens de détruire trente planètes. Gardons juste de quoi en détruire une ou deux et réinvestissons le reste dans l’invention d’un monde plus humain ! Pourquoi avoir donné une telle importance à l’argent ? Pourquoi avoir élu une pierre brillante pour condamner des humains dans des mines sous terre afin que d’autres se pavanent sous des lustres ? Nous nous sommes créé un microcosme hors-sol dans lequel nous caquetons. Au nom d’une prospérité qui profite au plus petit nombre, combien d’entre nous s’enferment entre quatre murs devant un ordinateur ? Nous nous sommes « surartificialisés », au point d’avoir parfois besoin d’apprendre à respirer… Ce paradigme de l’argent roi m’a poussé à retourner à la terre. Je ne veux pas céder ma part d’émerveillement devant la nature. Le bonheur ne s’achète pas, la joie ne s’achète pas. La joie naît de se sentir en harmonie avec la symphonie universelle. Nous sommes d’abord des êtres humains, et je ne veux pas que l’on m’appelle consommateur !
La clé du changement
Sur le blog de Pierre Rabhi, le mardi 16 novembre 2010
Article mis en ligne le 22 avril 2012