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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
Slogan du site

"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Paul Jorion, le blogueur qui empêche de penser en rond
Article mis en ligne le 27 septembre 2015

Ancien financier, cet anthropologue belge a anticipé la crise historique des "subprimes" américains qui a éclaté en 2007.
Référence écoutée à l’occasion de l’opération de sauvetage de la Grèce au sein de la zone euro.

Le 17 décembre 2009, Paul Jorion eut les honneurs de la dernière page du journal "Libération", celle dédiée aux portraits. Un "must". Sous le titre "Prophète en subprimes", nos confrères résumaient M. Jorion en ces mots : "Ancien financier, cet anthropologue belge a anticipé la crise et s’est imposé en théoricien référent". Bien vu. En une seule phrase, tout était (presque) dit. Et, par la même occasion, nombreux étaient les lecteurs francophones qui découvraient la fascinante personnalité de Paul Jorion.

Jusqu’à ce qu’éclate, en 2007, la crise historique des "subprimes" américains, dont la déflagration se propagera à l’ensemble de la planète finance, peu de personnes avaient connaissance de cet anthropologue belge. Depuis lors, il est partout. Ces derniers jours encore, à l’occasion de l’opération de sauvetage de la Grèce au sein de la zone euro, Paul Jorion fut abondamment sollicité par les médias pour livrer ses commentaires. Au même titre qu’une poignée de ses collègues (économistes, financiers, etc.), il est devenu une personnalité que les journalistes affectionnent d’interroger. Car Paul Jorion est ce qu’on appelle, dans le jargon journalistique, un "bon client" : disponible, compréhensible, (im) pertinent,… Mais, surtout, à rebrousse-poil d’une pensée économique dominante - particulièrement ancrée au sein des cercles d’affaires et de pouvoirs - qui croit dur comme fer aux vertus de la "main invisible" et à la pérennité du capitalisme.

Au cœur des "subprimes"

Le capitalisme financier, précisément, Paul Jorion l’a fréquenté de très près, ce qui lui donne un atout supplémentaire : savoir de quoi il parle. "En février 2007, au moment où la crise des subprimes s’est déclenchée avec la chute des CDO’s (obligations adossées à des actifs, NdlR), je me trouvais encore aux Etats-Unis, nous raconte-t-il. Mon livre "La crise du capitalisme américain" était paru un mois plus tôt". Ce livre, rédigé dès 2004-2005, dans lequel M. Jorion avait vu venir la catastrophe des "subprimes" ! Depuis quelques années, le Belge travaillait en Californie au sein d’une institution financière spécialisée dans l’octroi de crédits hypothécaires (Countrywide). Le poste idéal pour observer les failles des modèles utilisés pour calculer le remboursement de ces crédits immobiliers. Il sera licencié par Countrywide quelques mois plus tard.
"Je me souviens très bien de la date de création de mon blog : le 28 février 2007, deux semaines après la chute du marché des CDO’s, enchaîne Paul Jorion. Dans mon premier "post", j’avais juste écrit : regardez ce que j’écrivais dans mon livre". A l’époque, le financier basé à Los Angeles n’est ni vraiment écouté, ni lu. Il peut toutefois compter sur un appui non négligeable, celui de Jacques Attali, qui relaie les écrits de Paul Jorion. Petit à petit, le blog va sortir de l’anonymat. "Là, j’en suis à environ 125 000 visiteurs uniques par mois, nous confiait, vendredi dernier, celui qui, à 68 ans, vit entre la Belgique et la France. Cela fluctue évidemment en fonction de l’actualité. J’ai connu des pics, en 2012, lorsque la crise a commencé à sévir dans la zone euro".

Et quel temps fait-il ?

De facture extrêmement sobre, le blog de Paul Jorion se compose de textes assez courts rédigés par ses soins mais aussi, de plus en plus, par des contributeurs extérieurs (lire aussi ci-dessous). "Au fil du temps, des personnes m’ont proposé de poster des billets. Je fonctionne avec un noyau fixe d’environ douze contributeurs, explique-t-il. Les visiteurs du blog sont surtout des jeunes (25-34 ans), mais les commentaires sont majoritairement le fait de personnes retraitées".
L’économie et la finance occupent une large place dans les billets. Mais le blog voit plus large, donnant notamment une place de choix aux enjeux politiques et sociaux. On épinglera aussi le rendez-vous vidéo "Le temps qu’il fait" où, face à sa webcam, Paul Jorion nous gratifie de ses réflexions sur l’actu du moment. Rafraîchissant !

Une "biblio" abondante

Blogueur, Paul Jorion est avant tout auteur. Son premier livre (1983) fut extrait de sa thèse en anthropologie consacrée à une petite communauté de pêcheurs et leurs familles, au large des côtes bretonnes. Mais c’est à partir de 2007, avec "La crise du capitalisme américain" (2007), que sa "production" va connaître une courbe exponentielle. Son 17e livre, intitulé "Penser tout haut l’économie avec Keynes", sortira le 2 septembre prochain chez Odile Jacob.

LLB, PIERRE-FRANÇOIS LOVENS, mardi 21 juillet 2015