1. Un autre regard sur l’échec, ses vertus selon le philosophe Charles Pépin
D’après un article paru sur le site de "Ressources" (février 2017)
(extraits)
On apprend peu par la victoire, et beaucoup par l’échec
L’un des présupposés de la PNL dispose : "Il n’y a pas d’échec, que du feedback". Selon le philosophe et écrivain Charles Pépin, s’il est bien sur du feedback, l’échec est beaucoup plus riche. "L’échec est nécessaire, et accepter de rater ne veut pas dire que l’on est un raté." Quelle est "l’intention positive" de l’échec ? Comment l’échec peut-il devenir bienfaiteur ? Comment le transformer en une source d’apprentissage ? La particularité de Charles Pépin est de faire de la philosophie aussi un guide de vie pratique et applicable. "Les vertus de l’échec" un livre à lire, et à relire.
"Qu’ont en commun Charles de Gaulle, Steve Jobs et Serge Gainsbourg ? Qu’est-ce qui rapproche J.K. Rowling, Charles Darwin et Roger Federer, ou encore Winston Churchill, Thomas Edison ou Barbara ?", débute Charles Pépin dans son ouvrage "Les vertus de l’échec", avant de renchérir : "Ils ont tous connu des succès éclatants ? Oui, mais pas seulement. Ils ont échoué avant de réussir. Mieux : c’est parce qu’ils ont échoué qu’ils ont réussi. Sans cette résistance du réel, sans cette adversité, sans toutes les occasions de réfléchir ou de rebondir que leurs ratés leur ont offertes, ils n’auraient pu s’accomplir comme ils l’ont fait."
Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends, Nelson Mandela
L’échec est donc vertueux, mais l’est-il toujours ?
Au journaliste Quentin Périnel (Le Figaro), Charles Pépin répond de manière catégorique : "Non. Pour qu’un échec soit vertueux, il faut réunir trois conditions. La première est d’écarter tout déni de cet échec. La seconde est de bien faire la distinction entre « être un raté » et « avoir raté ». Il ne faut pas s’identifier à cet échec. Distinguer « mon échec » et l’échec de mon « moi ». Enfin, le plus important, c’est de prendre le temps d’interroger cet échec, d’y réfléchir... et c’est là que le bât blesse.
Je n’ai pas échoué des milliers de fois, j’ai réussi des milliers de tentatives qui n’ont pas fonctionné, Thomas Edison
De la confusion des niveaux logiques.
Et à Charles Pépin d’ajouter : "Lorsque nous échouons, nous nous identifions à l’échec : nous nous persuadons que c’est nous qui sommes des ratés ! Nous confondons l’échec de notre projet avec celui de notre personne."
Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaye encore. Échoue encore. Échoue mieux, Samuel Beckett
Dans un magnifique chapitre intitulé "L’échec comme expérience du réel", Charles Pépin débute avec une phrase de Marc Aurèle :"Mon Dieu, donne-moi la force d’accepter ce que je ne peux pas changer, la volonté de changer ce que je peux changer, et la sagesse de savoir distinguer les deux."
Le plaisir étant éphémère, et le désir durable, les Hommes sont plus facilement menés par le désir que par le plaisir, Gustave Lebon
Désirer, ou la magnifique quête de l’impossible.
Charles Pépin consacre un chapitre à cette quête du désir, qu’il définit comme : "Désirer, d’après son étymologie latine, vient de "desiderare", que les astrologues et les augures romains distinguaient de "considerare". "Considerare" signifiait contempler les astres pour savoir si la destinée était favorable. "Desiderare" voulait dire regretter l’absence de l’astre, du signe favorable de la destinée : "rechercher l’astre perdu." Cette définition du désir est magnifique. Elle dit ce que nous ressentons tous lorsque nous persévérons dans notre quête sans être jamais satisfaits, et éprouvons ce manque qui nous rend si vivants. Nous recherchons notre astre perdu. Peu importe qu’il se nomme éternité, reconnaissance ou plénitude intra-utérine. Ce qui importe est qu’il soit inaccessible."
Le succès, c’est aller d’échec en échec, sans perdre son enthousiasme, Winston Churchill
"Les vertus de l’échec", c’est un petit traité de sagesse, et dont l’un des messages se résume à un mot : oser.
Car comme le déclare le philosophe sur les micros de France Inter : "Oser, c’est aussi oser l’échec." Ne pas en avoir peur. Et comme le disait René Char : "Impose ta chance, serre ton bonheur, et va vers ton risque."
Quand vous jouez une note, seule la suivante permettra de dire si elle était juste ou fausse, Miles Davis
Pour aller plus loin :
– Une métaphore :
Un homme décide de se rendre chez le plus sage des gourous de son pays afin de lui demander conseil. A son arrivée, il lui demande : "O grand gourou, que faut-il faire pour vivre heureux ? - Bien juger - Oui, mais, grand gourou, que faut-il faire pour apprendre à bien juger ? - Mal juger," répond le gourou.
Le livre de Charles Pépin. "Les vertus de l’échec", Allary éditions, 250 pages
http://ressources.be/blog/un-autre-regard-sur-lechec-ses-vertus-selon-le-philosophe-charles-pepin
Dimanche 26 février 2017
2. Echec, et apprentissage : comment réellement apprendre de vos erreurs ?
D’après un article paru sur le blog de "Ressources" (février 2017)
(extraits)
Les extraits qui suivent sont tirés de livres qui ciblent les entreprises, et venant d’auteurs américains.
N’empêche ! J’y trouve des réflexions utiles dans la vie de tous les jours et dans le domaine de l’apprentissage scolaire. Il suffit au monde enseignant d’un petit effort de transposition, laissant de côté leur aspect entrepreneurial, pour y trouver matière à alimenter leurs pratiques enseignantes.
Au delà, elles peuvent parler à toute personne qui réfléchit au sens de sa vie, aux projets, petits et grands qui nourrissent le quotidien de chacun. Elles peuvent aussi permettre de comprendre dans quel monde nous vivons, je pense particulièrement au contexte politique.
C’est pour ces raisons que j’en fais part ici.
"Le meilleur et le plus difficile travail est accompli dans un état d’esprit d’aventure et de défi. Où des erreurs seront commises," William McKnight, ancien président de la société 3M. "Les erreurs ne sont pas forcément des fléaux, des catastrophes. En fait, elles ne sont pas mauvaises. Elles sont les nécessaires et inévitables conséquences de faire quelque chose de nouveau, et devraient être vues comme précieuses,"Ed Catmull, président de Pixar.
Abandon, et échec. "Depuis un certain temps, vous vous dévouez corps et âme à une activité (...) un travail, des études universitaires, une start-up, une relation amoureuse, un engagement caritatif, un sport, etc. - (...) et dans vos moment les plus honnêtes, vous vous rendez bien compte que cela ne donne rien."
Alors, pourquoi n’abandonnez-vous pas ?" demandent Steven Levitt et Stephen
Dubner dans leur ouvrage "Pensez comme un freak !" , et de répondre
• La première raison qui vous en empêche est que des personnes - des amis, parents, professeurs, etc. - vous ont inlassablement répétées qu’il ne faut pas abandonner. Que l’abandon est synonyme d’échec. Et que l’échec est mal vu dans notre société dans laquelle régne ce commandement : "Tu dois réussir...ton examen, ton permis de conduire, ton entretien d’embauche, etc."
• La deuxiéme raison, "c’est le concept des coûts irrécupérables (...) il s’agit du temps, de l’argent ou du capital-sueur que vous avez déjà investis dans un projet. On a tendance à croire qu’une fois qu’on a investi lourdement, abandonner serait contre-productif."
• La troisième raison "qui dissuade les gens d’abandonner, c’est une tendance à se focaliser sur les coûts concrets et à ne pas prêter suffisamment d’attention aux coûts d’opportunité." Il y a donc une confrontation temporelle : entre le court-terme, qui l’on peut apprécier, et le long-terme, qui est indescriptible, imprédictible. Tourne alors en boucle dans la tête du prétendant à "l’abandon" cette question à la réponse oh combien inconfortable : est-ce que le long terme et les coûts d’opportunités l’emportent sur les coûts irrécupérables ?
"En médecine ou en sciences, si vous vous engagez dans une voie sans issue, vous apportez une réelle contribution, car les autres sauront que ce n’est pas la peine de s’engager à nouveau dans cette voie. Les journalistes appellent ça un échec. Et donc les politiques ne sont pas prêts à innover et à prendre des risques," Michael Bloomberg, Homme politique étatsuniens.
De la trop grande importance accordée au succès.
Selon Levitt et Dubner, "notre société chronique le succès de manière agressive, voire hystérique. Les choses ne se passeraient-elles pas mieux pour nous tous si les échecs étaient moins stigmatisés ?" "En l’espace de 5 ans, Thomas Edison est venu avec l’ampoule, le phonographe, et l’émetteur de carbone utilisé dans les téléphones - alors qu’il a aussi déposé plus de 100 brevets qui n’ont en rien enflamé le monde, y compris une poupée parlante qui a fini par effrayer les enfants (et adultes)", explique Adam Grant dans son article "How to build a culture of originality" (HBR March 2016), avant de renchérir : " Être prolifique augmente l’originalité, parce que le volume améliore vos chances de trouver de nouvelles solutions. " Ne vous fiez pas à une, ni à 20 idées. Allez au delà, toujours au delà. Et testez. Et réussissez. Et échouez. Et apprenez.
Test, "fail", and learn.
Entre l’argent et le temps engagé dans un projet, "la clef, c’est d’arriver à un échec rapide et bon marché. C’est une devise qui nous vient de la Silicon Valley. Je préfère l’expression échouer bien ou échouer intelligemment," explique Geoff Deane, dirigeant du laboratoire "Intellectual Ventures", entreprise technologique située non loin de Seattle. Et de rajouter que le plus difficile c’est de "former les gens pour qu’ils comprennent que les risques font partie de leur boulot et que s’ils échouent bien, ils auront le droit d’échouer à nouveau (...) L’échec doit être reconnu comme une victoire." C’est ainsi qu’une coutume est d’organiser à "Intellectual Ventures", pour tout échec, une fête. Avec à boire, à manger, des mots d’hommages sur le projet enterré.
L’objectif ? Ne pas planquer l’échec sous le tapis, mais, au contraire, l’assumer, l’intégrer, l’accueillir pleinement et ouvertement. En d’autres termes : ne pas diaboliser l’insuccès de peur que les gens évitent, ensuite, de prendre des risques.
On peut dire que l’échec n’est pas nécessairement l’ennemi de la réussite, du moment qu’on en tient compte, Steven Levitt et Stephen Dubner
Succès / échecs, et le rôle du hasard.
"On attribue généralement ses succès à son travail, à son brio et à ses compétences plutôt qu’à la chance ; en revanche on impute ses échecs à la mauvaise fortune. Ce phénomène appelé biais d’attribution fait obstacle à l’apprentissage. En fait, si l’on n’admet pas que ses échecs résultent de ses propres actes, on ne tire pas les enseignements de ses erreurs.
(voir plus bas l’article "3. Auto-justification et dissonance cognitive : pourquoi ai-je toujours raison ?")
Lors d’une étude conduite avec Chris Myers, nous avons demandé aux participants de se pencher à une semaine d’intervalle sur deux tâches décisionnelles différentes. Chacune de ses tâches comportait une solution correcte, mais seules quelques personnes ont été capables de la trouver. Nous avons constaté que les participants qui avaient endossé la responsabilité de leur mauvais résultat à la première tentative avaient presque trois fois plus de chances de réussir à la seconde. Après avoir tiré la leçon de leur échec, ils ont pris de meilleurs décisions," expliquent Franscesca Gino et Bradley Staats dans leur article "Pourquoi les organisations n’apprennent pas" (HBR France Juin-Juillet 2016)
Plutôt que des sujets de honte, de sanction, les erreurs doivent être appréciées comme des occasions d’apprendre.
Et il est même possible de prédire l’insuccès avant qu’il ne se réalise potentiellement. C’est l’objet de l’analyse pré-mortem, ou du recul prospectif. Désaccordez-vous ! Au lieux de tomber dans le biais de confirmation, et de ne prendre en compte que les indices qui corroborent votre hypothèse, source de votre future décision, demandez-vous en quoi vous avez tort. Projetez-vous dans l’avenir et imaginez que votre décision a été un échec. Et soyez à l’écoute des faibles signaux, ces indicateurs qui peinent à s’exprimer. Et interrogez-vous : "Comment cela a pu se produire ? Quelle en est la cause ?" Une technique qui permet de déceler de potentiels problèmes. "Un pré-mortem cherche à déterminer ce qui est susceptible de mal se passer avant qu’il ne soit trop tard (...) ce qui permet de faire ressortir tous les défauts ou réserves que personne n’ose verbaliser."
Voir les réflexions sur l’inutilité de punir le crime de Gregory Bateson dans "La nature et la pensée" (bientôt sur le site)
Dans leur article "Increase Your Return on Failure", Julian Birkinshaw et Martine Haas s’interrogent sur cette question : Comment réellement apprendre de nos échecs ? Trois étapes sont identifiées.
Etape 1 : Apprenez de tous, oui, de tous vos échecs.
"Examiner les problèmes du passé n’est pas seulement fastidieux, c’est douloureux. La plupart d’entre nous préfèrent investir son temps à regarder vers l’avenir que vers le passé. Nous vous recommandons de décortiquer votre projet afin de savoir ce que vous avez appris de chaque choses" : les bénéficiaires (les clients, les usagers, les patients, les élèves…) et la dynamique et les évolutions sociales ou économiques environnantes ; la stratégie de votre organisation, de votre groupe, de votre école, sa culture, ses procédures, vous-mêmes et votre équipe, les tendances futures. "Nous avons constaté que lorsque vous encouragez les gens à parler de leurs projets de cette façon, le résultat est éclairant, constructif. Cela les oblige à penser à tout ce qu’ils ont appris, à comment cela pourrait les aider à aller de l’avant, et tous les effets secondaires - et positifs - qu’ils sont pu tirer de cette expérience."
Etape 2 : Partagez les leçons.
"Bien qu’il soit utile de réfléchir sur les échecs individuels, la vraie récompense vient quand vous diffusez ces leçons au sein de votre organisation. Lorsque ces informations, ces idées et ces possibilités d’amélioration acquises au cours d’un projet sans succès sont transmis à d’autres, leurs avantages - bénéfices - sont amplifiés. En réfléchissant sur les aspects positifs de ces échecs, vous construisez au sein de votre entreprise un sentiment de confiance, de bienveillance, et vous balisez un chemin, clair, pour que d’autres n’hésitent pas à prendre eux-mêmes des risques. Certaines organisations ont même formalisé le partage à l’ensemble de leurs employés des enseignements liés à l’échec. Ainsi, au sein d’Ingénieurs Sans Frontières International, une organisation à but non lucratif qui vise à améliorer la qualité de vie dans les communautés défavorisées à travers le monde, les dirigeants étaient tellement frustrés par la manque de diffusion des connaissances dans leurs réseaux - les affiliés - qu’ils ont lancé un rapport public nommé "Rapport d’échec" qui, chaque année, recense et décortique les plus gros projets qui se sont soldés par des fiasco."
Etape 3 : Passer en revue vos motifs, les "pattern" de vos échecs.
"La troisième étape consiste à prendre une vue d’ensemble au sein de votre organisation et de se demander si votre approche à l’échec fonctionne. Apprenez-vous de tous vos essais infructueux ? Partagez-vous ces leçons à travers l’organisation ? Et tout ceci vous aide, ou pas, à améliorer votre stratégie et son exécution ?"
"Ces examens, ces questions, montrent à vos collaborateurs une plus grande ouverture d’esprit face à l’échec. Nous avons vu plusieurs entreprises créer des prix célébrant l’échec : l’agence de New York Gris a un prix d’échec héroïque ; NASA a “Lean Forward”, “Fail Smart award”, et le Groupe Tata a le “Dare to Try award”, qui comptait 240 souscriptions en 2013."
Nous voulons que les gens soient audacieux, et qu’ils n’aient pas peur d’échouer, confia à "Bloomberg Businessweek", en 2009, Sunil Sinha, chef de "Tata Quality Management Services"
"L’échec est moins douloureux lorsque vous en extrayez le maximum de valeurs, de données. Si vous apprenez de chaque erreur, grandes et petites, partagez ces leçons, et vérifiez périodiquement que ces processus aident votre organisation à évoluer plus efficacement dans la bonne direction, et que votre "retour sur échec" monte en flèche."
Aussi, préférez l’équivalent anglais de l’expression française "prendre un risque", et qui est "take a chance". Et donc, dès demain, qu’est-ce que vous allez faire pour saisir votre chance ?
Sources :
• "Pensez comme un Freak", Steven Levitt et Stephen Dubner, éditions De boeck, 2016
• "Increase your return on failure", Julian Birkinshaw et Martine Haas, Harvard Business Review, May 2016
• "How to build a culture of originality", Adam Grant, Harvard Business Review, March 2016
• "Pourquoi les organisations n’apprennent pas", Francesca Gino et Bradley Staats, Harvard Business Review France, Juin/Juillet 2016
3. Auto-justification et dissonance cognitive : pourquoi ai-je toujours raison ?
un article paru sur le Blog de "Ressources" (février 2017)
Nous sommes tous capables de croire des choses que nous savons être fausses, puis, quand notre erreur est finalement évidente, de déformer impudemment les faits afin de prouver que nous avions raison. Intellectuellement, il est possible de continuer à procéder ainsi pendant une durée indéterminée : seul s’y oppose le fait que, tôt ou tard, une conviction erronée se heurte à la dure réalité, généralement sur un champ de bataille, George Orwell
Pourquoi avons-nous tant de peine à reconnaître nos propres erreurs ? Alors que nous avons pris de mauvaises décisions, pourquoi nous justifions-nous ? Alors que pléthores de faits nous accablent pour une faute que nous avons commise, pourquoi tentons-nous de nier la réalité ? Compilant plus d’un demi-siècle de recherche, Carol Tavris et Elliot Aronson mettent en lumière l’importance de l’auto-justification dans nos vies. "Nous déformons systématiquement nos souvenirs et nos récits de manière à maintenir la plus grande consonance possible entre ce que nous avons fait et ce que nous pensons être."
Mensonge et auto-justification.
"La plupart des gens, dans la plupart des cas, ne cherchent pas à tromper qui que ce soit, pas plus qu’ils ne disent toute la vérité. Nous ne mentons pas : nous nous justifions," expliquent Tavris et Aronsons. Plus précisément, nous nous auto-justifions. "Entre le mensonge conscient, qui vise à tromper les autres, et l’auto-justification inconsciente, destinée à nous tromper nous-mêmes, s’étend une zone grise fascinante, dans laquelle opère une historienne qui ne sert que son propre intérêt et à laquelle nul ne peut se fier : notre mémoire.(…) Notre mémoire fait disparaître les dissonances. « Historienne révisionniste », elle réinterprète le passé à l’aune de nos intérêts présents."
Qu’est-ce que l’auto-justification ?
"L’auto-justification ne consiste pas à mentir ou à trouver des excuses. Bien évidemment, on ment et on invente des histoires invraisemblables pour s’épargner la colère d’un partenaire, d’un parent ou d’un employeur, pour éviter d’être poursuivi en justice ou jeté en prison, pour ne pas perdre la face, pour éviter de perdre son emploi, ou pour se maintenir au pouvoir. Cependant, il existe une différence très nette entre l’exercice auquel se livre un homme coupable pour convaincre d’autres personnes de ce qu’il sait pertinemment être faux (« Je n’ai pas eu de relation sexuelle avec cette femme » ; « Je ne suis pas un escroc ») et le processus par lequel il se persuade lui-même qu’il a fait quelque chose de bien. Dans le premier cas, il ment consciemment pour sauver sa peau. Dans le second cas, il se ment à lui-même. C’est en cela que l’auto-justification est plus puissante et plus dangereuse que le mensonge explicite. Elle permet aux personnes coupables de se convaincre qu’elles ont fait tout leur possible, et que, finalement, elles ont même fait quelque chose de bien. « Je n’avais pas le choix », se disent-elles. « En fait, c’était une excellente solution. » « J’ai fait ce qu’il y avait de mieux pour mon pays. » « Ces salauds n’ont eu que ce qu’ils méritaient. » « Je suis dans mon bon droit. » "
Auto-justification et dissonance cognitive.
"Le moteur de l’auto-justification, la force qui nous pousse à justifier nos actes et nos choix - surtout les mauvais - est une sensation désagréable, que le psychologue Festinger appela “dissonance cognitive”. La dissonance cognitive est l’état de tension dans lequel se trouve une personne qui à deux cognitions (idées, attitudes, croyances, opinions) psychologiquement incompatibles, telles que “fumer est une habitude stupide : on peut en mourir” et “je fume deux paquets par jour”. La dissonance provoque un désagrément psychique, allant du léger accès à l’angoisse profonde. Les personnes qui la subissent ne peuvent dormir tranquilles tant qu’elles n’ont pas trouvé un moyen de l’atténuer. Pour une fumeuse, le moyen le plus direct d’y parvenir consiste à arrêter de fumer. Cependant, si elle tente de le faire et qu’elle échoue, elle cherchera à réduire sa dissonance en se persuadant que la fumée n’est pas finalement pas si nocive, que ses risques sont largement compensés par le fait qu’elle lui permet de se détendre et qu’elle lui évite de prendre du poids (après tout l’obésité est aussi une source de risques pour notre santé), et ainsi de suite. La plupart des fumeurs parviennent à diminuer leur dissonance par de tels moyens, aussi ingénieux qu’illusoires."
De la juste part de responsabilité.
"Lorsque nous construisons les récits qui “donnent sens” à nos expériences, nous faisons preuve de complaisance. Les coupables ont tendance à minimiser leur responsabilité morale ; les victimes ont tendance à magnifier leur innocence. Que nous nous trouvions d’un côté du mur ou de l’autre, nous déformons systématiquement nos souvenirs et nos récits de manière à maintenir la plus grande consonance possible entre ce que nous avons fait et ce que nous pensons être. En mettant ces déformations systématiques en évidence,”nous comprenons mieux comment chaque partie, au sein d’un conflit “perçoit et comprend aussi mal les actes de l’autre"
Accepter, reconnaitre ses torts et rebondir.
"En tant qu’êtres humains faillibles, nous partageons tous une même tendance impulsive à nous justifier et à refuser d’assumer la responsabilité de nos actes dès lors qu’ils se révèlent néfastes, immoraux ou stupides. Nous ne sommes pratiquement jamais amenés à prendre des décisions de nature à changer la vie ou à provoquer la mort de millions de personnes. Cependant, que les conséquences de nos erreurs soient tragiques ou insignifiantes, que leur portée soit immense ou minime il nous est généralement difficile, voire impossible, de dire :"j’ai eu tort ; j’ai commis une grave erreur." Plus les enjeux - affectifs, financiers ou moraux - sont importants, plus cette difficulté est grande."
Pourquoi j’ai toujours raison, et pourquoi j’ai aussi toujours tort.
"Pourquoi j’ai toujours raison, et les autres ont tort" est un livre qui invite, avec pédagogie et avec une foultitudes d’exemples, à comprendre comment fonctionne le mécanisme psychologique de l’auto-justification. Comprendre pour ne plus subir. Comprendre pour ne plus être esclave de son fonctionnement. Restez humble par rapport à vos souvenirs, ayez un esprit critique envers votre mémoire et rappelez-vous qu’"une erreur ne devient une faute que si vous refusez de la corriger" (JFK).
"Pourquoi j’ai toujours raison, et les autres ont tort", Carol Tavris & Elliot Aronson, Clés des Champs / Flammarion, 415 pages
http://ressources.be/blog/autojustification-et-dissonance-cognitive-pourquoi-ai-je-toujours-raison
Lundi 27 février 2017