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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Jésus, le subversif
Article mis en ligne le 15 octobre 2010
dernière modification le 19 juillet 2013

Les livres de Frédéric Lenoir sont passionnants pour qui veut comprendre une part essentielle de notre histoire, socle de notre monde occidental et de ses problématiques.

Un petit article paru ce 12 octobre 2010 dans La Libre résume bien une part essentielle de sa pensée au sujet du christianisme.

Je vous en fait part.

Difficile enfin d’évoquer la religion dans la cité, sans se pencher sur la chrétienté. Frédéric Lenoir, directeur de la rédaction du magazine "Le Monde des Religions" secoue quelques consciences dans son dernier édito (n°43 sept./oct.2010) [1]
qu’il nous a permis de publier ici :

Dans son dernier essai "Pourquoi le christianisme fait scandale" (Seuil, 2010), Jean-Pierre Denis, le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire chrétien "La Vie", montre comment, au cours des dernières décennies, la contre-culture libertaire issue de Mai-68 est devenue la culture dominante, tandis que le christianisme est devenu une contre-culture périphérique. L’analyse est pertinente et l’auteur plaide avec éloquence pour "un christianisme d’objection" qui ne soit ni conquérant, ni défensif. La lecture de cet ouvrage m’inspire quelques réflexions, à commencer par une question qui paraîtra à de nombreux lecteurs pour le moins provocatrice : notre monde a-t-il jamais été chrétien ? Qu’il y ait eu une culture dite "chrétienne", marquée par les croyances, les symboles et les rituels de la religion chrétienne, c’est une évidence. Que cette culture ait imprégné en profondeur notre civilisation, au point que même laïcisées, nos sociétés restent encore imprégnées d’un héritage chrétien omniprésent - calendrier, fêtes, édifices, patrimoine artistique, expressions populaires, etc. -, est indiscutable. Mais ce que les historiens appellent "la chrétienté", cette période de mille ans qui court de la fin de l’Antiquité à la Renaissance et qui marque la conjonction de la religion chrétienne et des sociétés européennes, a-t-elle jamais été chrétienne en son sens profond, c’est-à-dire fidèle au message du Christ ? Pour Sören Kierkegaard, penseur chrétien fervent et tourmenté, "toute la chrétienté n’est autre chose que l’effort du genre humain pour retomber sur ses pattes, pour se débarrasser du christianisme". Ce que souligne avec pertinence le philosophe danois, c’est que le message de Jésus est totalement subversif à l’égard de la morale, du pouvoir et de la religion, puisqu’il met l’amour et la non-puissance au-dessus de tout. A tel point que les chrétiens ont eu vite fait de le rendre plus conforme à l’esprit humain en le réinscrivant dans un cadre de pensée et des pratiques religieuses traditionnelles. La naissance de cette "religion chrétienne", et son incroyable dévoilement à partir du IVe siècle dans la confusion avec le pouvoir politique, est bien souvent aux antipodes du message dont elle s’inspire.

L’église est nécessaire comme communauté de disciples qui a pour mission de transmettre la mémoire de Jésus et sa présence à travers le seul sacrement qu’il a institué (l’Eucharistie), de diffuser sa parole et surtout d’en témoigner. Mais comment reconnaître le message évangélique dans le droit canon, le décorum pompeux, un moralisme étroit, la hiérarchie ecclésiastique pyramidale, la multiplication des sacrements, la lutte sanglante contre les hérésies, l’emprise des clercs sur la société avec toutes les dérives que cela comporte ?

La chrétienté, c’est la beauté sublime des cathédrales, mais c’est aussi tout cela. Prenant acte de la fin de notre civilisation chrétienne, un père du concile Vatican II s’est exclamé : "La chrétienté est morte, vive le christianisme !" Paul Ricoeur, qui me rapportait cette anecdote quelques années avant sa mort, a ajouté : "Moi, j’aurais plutôt envie de dire : la chrétienté est morte, vive l’évangile !, puisqu’il n’y a jamais eu de société authentiquement chrétienne." Au fond, le déclin de la religion chrétienne ne constitue-t-il pas une chance pour le message du Christ d’être à nouveau audible ? "On ne met pas du vin nouveau dans des outres vieilles", disait Jésus. La crise profonde des églises chrétiennes est peut-être le prélude à une nouvelle renaissance de la foi vive des évangiles. Une foi qui, parce qu’elle renvoie à l’amour du prochain comme signe de l’amour de Dieu, n’est pas sans une proximité forte avec l’humanisme laïque des droits de l’homme constituant le socle de nos valeurs modernes. Et une foi qui sera aussi une force de résistance farouche aux pulsions matérialistes et mercantiles d’un monde de plus en plus déshumanisé. Un nouveau visage du christianisme peut donc émerger sur les ruines de notre "civilisation chrétienne", dont les croyants attachés à l’évangile plus qu’à la culture et à la tradition chrétienne n’auront aucune nostalgie.http://www.lemondedesreligions.fr/

LALIBRE.BE, 12 octobre 2010