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J’ai découvert Fatou Diome dans une séquence de "C ce soir" (France.tv), mais hélas, en Belgique, impossible d’y avoir accès.
L’écrivaine franco-sénégalaise Fatou Diome interroge depuis 20 ans les rêves d’immigration de la jeunesse africaine et questionne notre rapport à la mémoire de la colonisation. Son destin hors du commun, la romancière a traversé les frontières et les épreuves, mais refuse de se considérer comme une victime. Elle revendique avant tout sa liberté.
C’était une séquence tout à fait remarquable. (J’en donne les liens, ce sera utile pour les français !). Heureusement, il y a beaucoup d’autres séquences avec Fatou Diome accessibles, notamment sur Youtube.
Il y a surtout cette réponse épique lorsqu’elle est l’invitée de Frédéric Taddeï dans l’émission "Ce soir ou Jamais" du 24 avril 2015, sur la chaîne française France 2.
Il y a aussi tous ses livres.
Et aussi son histoire personnelle.
Voici quelques échos, en vrac...
1. Extrait d’un interview paru dans La Libre le 9 avril 2021
Un entretien avec Roger-Pierre Turine
Femme d’engagement, dont la voix porte fort, la Franco-Sénégalaise Fatou Diome vient de sortir un juteux recueil de nouvelles, "De quoi aimer vivre".
Franco-Sénégalaise qui vit à Strasbourg depuis 1994, sans avoir jamais renié une terre natale et une famille dont elle suit de près les péripéties, Fatou Diome, Sérère-Niominka, née Niodior, dans le Saloum, en 1968, est devenue une voix forte de la littérature sans frontières. D’une littérature qui va à l’abordage des problèmes de l’heure.
La demi-douzaine de romans publiée depuis lors, son essai, Marianne porte plainte, de 2017, chez Flammarion, pamphlet contre les discours identitaires, racistes, sexistes, islamophobes, situent une femme d’engagement, dont la voix porte fort, une énorme passion pour la liberté et la vérité la soutenant dans ses défis.
Selon les cas, son écriture émerveille par les images qu’elle recèle : elles flambent d’instinct. Ainsi dans Le ventre de l’Atlantique, paru chez Anne Carrière en 2003. Ce l’est à nouveau dans son juteux recueil de nouvelles, De quoi aimer vivre, tout juste paru chez Albin Michel. Sa dernière nouvelle, "Le vieil homme sur la barque", est un bijou. Un peu le point de départ et le compte rendu d’une vie. Chaque livre la requiert de la tête aux pieds, nouvelle aventure en quête d’une écriture revisitée par les circonstances.
Vos grands-parents occupent une place primordiale dans votre vie et votre recueil, "De quoi aimer vivre", leur est dédié, apostrophe "Djoundjoung !" en tête.
Ces deux êtres furent la chance de ma vie ! Toujours ils m’ont parlé comme à une adulte. Mon grand-père, marin pêcheur, était tendre et doux, toujours droit. Ma grand-mère fut ma mère dès mes trois mois. Trop jeune mariée, ma mère officielle, qui m’avait enfantée hors-mariage, vivait ailleurs dans le village. Longtemps, je la pris pour ma sœur.
"Djoundjoung", chez les Sérères, c’est le tambour royal, majestueux, rythme pesant. Il accueillait les personnalités et annonçait leur prise de parole ou la fin d’une guerre. Son rythme prend aux tripes, m’émeut.
J’ai écrit : "J’avais 6 ans… je m’agrippais à sa main rugueuse, comme on s’accroche à une rampe en fer forgé… J’avais six ans, j’ignorais qu’il pouvait avoir des tourments." Il était placide et serein et quand il disait "C’est la vie", je lui demandais "Mais c’est quoi, la vie ?". Il me répondait : "C’est avoir le pied marin". Accrochée à sa main, rien ne pouvait m’arriver. En y repensant, la nostalgie arrive au galop : je n’aurai plus jamais pareille main dans la mienne. Grâce à la littérature, j’ai arraché mon grand-père à l’oubli. J’en vis encore aujourd’hui. "Avoir le pied marin", je ne l’ai toujours pas. J’essaye !
(...)
Êtes-vous croyante ? Parlez-nous des Sérères…
Je crois d’une manière bizarre, syncrétique. Je crois aux forces supérieures. Selon moi, on pourrait fusionner les croyances, de quoi faire naître une grande spiritualité qui soit au-dessus de l’humain. Je lis tout ce que je peux sur le sujet. Chez nous, l’ethnie sérère est une ethnie à part, avec sa langue et sa religion, avec, pour divinité, Roog-Sène, une déformation du dieu égyptien Râ. Les Sérères sont censés venir du Nil. Notre dernier roi est mort en 1969 et le chef du village doit encore, de nos jours, donner son accord pour la visite du Président du Sénégal chez nous.
(...) Dans un livre, une humanité s’exprime. Ma douleur n’est pas ma douleur. Un livre : une manière d’être au monde. L’écriture : le lieu où je me sens chez moi. Dans un livre, d’autres que vous peuvent se retrouver. Les artistes sont des ambassadeurs de fraternité.
Et le monde ?
Le rêve enfantin de tout artiste, c’est de porter une utopie, celui d’un monde plus parfait que celui dans lequel on vit. Ce qui sépare me fatigue. Le Covid ? Que pouvais-je faire par rapport au drame de tant de morts en Alsace ? La seule manière pour moi de faire front : écrire !
De quoi aimer vivre, Albin Michel, 240 pp., 17,90 €, version numérique 13 €
2. BIOGRAPHIE de Fatou Diome, Romancière
Fatou Diome, née en 1968, est originaire de l’île de Niodor au Sénégal. Elevée par sa grand-mère et "lectrice boulimique", elle commence à écrire à l’âge de 13 ans, poursuit des études universitaires à Dakar puis épouse un français "qui la ramène dans ses bagages à Strasbourg". Fatou Diome rend compte de cette première expérience en terre française, dans un recueil de nouvelles intitulé La préférence nationale publié aux éditions Présence Africaine. Fatou Diome y décrit les aventures d’une jeune sénégalaise, licenciée ès lettres, découvrant l’Alsace et gagnant sa vie comme femme de ménage. Etudiante en doctorat de lettres modernes (thèse sur l’écrivain sénégalais Sembène Ousmane) Fatou Diome publie son premier roman chez Anne Carrière en 2003, Le ventre de l’Atlantique, qui connaît un grand succès critique (100 000 ex). Un premier roman sur l’exil où Fatou Diome, "observe avec humour et sans aucune complaisance, les sociétés française ou sénégalaise". Grâce à "son écriture lyrique et son sens de l’ironie", Fatou Diome, traversée par deux cultures, ausculte les souffrances humaines liées au déracinement, et aux désillusions provoquées par l’épreuve de l’immigration. Avec son troisième roman, Inassouvies nos vie, elle aborde la question de l’abandon des personnes âgées dans les sociétés occidentales, puis avec Celles qui attendent, rend hommage aux "mères et épouses de ceux qui tentent la traversée vers l’Europe à partir des côtes sénégalaises".
En 2013, Fatou Diome publie Impossible de grandir , un roman d’inspiration autobiographique dans lequel l’auteure fait revivre Salie, l’héroïne de son premier roman.
Bibliographie sélective, avec plein d’extraits vidéos :
[https://www.franceinter.fr/personnes/fatou-diome->https://www.franceinter.fr/personnes/fatou-diome]
"Vivre, c’est avoir le pied marin. C’est la recherche de l’équilibre, mais c’est un apprentissage de toute une vie. On tangue, mais l’essentiel c’est de ramer, et de se tenir."
#FatouDiome #DeQuoiAimerVivre
3. Extrait d’un interview sur le thème de la migration - CIRTEF - date : 17/10/2015
Montage de l’extrait par CEC [https://youtu.be/oXIVhwMtVkc->https://youtu.be/oXIVhwMtVkc]
4. Accueillir ou pas la misère du monde ?
Fatou Diome enflamme le plateau de France 2 : « Ces gens qui meurent sur les plages, si c’étaient des blancs, la terre entière tremblerait ! » (VIDEO)
L’écrivaine franco-sénégalaise Fatou Diome était l’invitée de Frédéric Taddeï dans l’émission "Ce soir ou Jamais" du 24 avril 2015, sur la chaîne française France 2. L’auteur du "Ventre de l’Atlantique" n’a pas mâché ses mots. « Ces gens là qui meurent sur les plages, et je mesure mes mots, si c’étaient des blancs, la terre entière serait en train de trembler ! Mais là, ce sont des noirs et des arabes (…) Si on voulait sauver les gens, on le ferait, mais on attend qu’ils meurent d’abord ! Et on nous dit que c’est dissuasif, mais ça ne dissuade personne, car celui qui part pour sa survie, considère que sa vie (qu’il peut perdre lors du voyage) ne vaut rien, celui là n’a pas peur de la mort ! ».
Vendredi 24 avril – Ce soir (ou jamais) ! Sur France 2
En voici un extrait.
Fatou Diomé :
– Donc maintenant, on est dans une situation où c’est ce que vous dites, qui renforce l’extrémisme. Quand vous dites que l’immigration pose un problème, il faut aussi parler des avantages de l’immigration.
Parce que moi, quand je travaille en France je paie mes impôts ici. Donc les étrangers qui sont là, il y a une partie qui peut travailler et envoyer au pays pour aider, la majorité paie ses impôts, s’installe dans vos pays, enrichisse vos pays donc ce sont des citoyens productifs. Après il faut voir il y a une minorité qui vient, il y a des morts certes. Mais je voulais souligner une chose, le discours que vous avez est encore légitime tant que l’Afrique restera muette, et moi aujourd’hui, je voulais m’indigner pour le silence de l’union africaine. Les gens là qui meurent sur les plages – et je mesure mes mots – si c’était des blancs, la terre entière serait en train de trembler. Ce sont des noirs et des arabes, alors eux quand ils meurent ça coûte moins cher. Ici, j’étais venue en 2008 et j’avais dit : l’Union européenne avec ses flottes de guerre, avec son économie, je vous dis une chose, si on voulait attaquer nos pays ici en Occident, il y aurait des moyens de se défendre donc si on voulait sauver les gens dans l’Atlantique, dans la Méditerranée on le ferait. Parce que les moyens qu’on a mis pour Frontex, on aurait pu les utiliser pour sauver les gens. Mais on attend qu’ils meurent d’abord. C’est à croire que le laisser-mourir est comme on nous dit, dissuasif. Et je vais vous dire une chose, ça ne dissuade personne. Parce que quelqu’un qui part et qui envisage l’éventualité d’un échec, celui là peut trouver le péril absurde et donc l’éviter, mais celui qui part pour la survie, qui considère que la vie qu’il a à perdre ne vaut rien, celui-là sa force est inouïe, parce qu’il n’a pas peur de la mort.
Frédéric Taddeï :
C’est exactement pourquoi il faut fermer des frontières concrètement…
Fatou Diomé :
– C’est exactement pourquoi vos discours il faut sauver l’Afrique et sauver l’Europe, vous ne pourrez pas rester soudés.
Frédéric Taddeï :
C’est la seule barrière…
– Fatou Diomé :
_Monsieur, vous ne resterez pas comme des poissons rouges dans la forteresse européenne, la crise actuelle nous a démontré ça. Au jour d’aujourd’hui, l’Europe ne sera plus jamais épargnée tant qu’il y aura des conflits ailleurs dans le monde. L’Europe ne sera plus jamais opulente tant qu’il y aura des carences dans le monde. On est dans une société de la mondialisation, ou un indien gagne sa vie à Dakar, un dakarois gagne sa vie à new-york, un gabonais gagne sa vie à Paris, et que ça vous plaise ou non c’est irréversible, alors trouvons une solution collective ou bien déménagez d’Europe parce que j’ai l’intention de rester.
[Rires]
5. Invitée : Fatou Diome - Extrait C ce soir en streaming ...
Voici, pour les visiteurs français, les liens inaccessibles aux belges :
– https://www.france.tv/.../c-ce-soir-le-debat-saison-1/2320831-invitee-fatou-diome.html
6. Fatou Diome : "Je veux que mon histoire soit un socle depuis lequel bondir vers l’avenir"
7. Tout Fatou Diome sur youtube :
https://www.youtube.com/results?search_query=fatou+diome+2021