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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

l’agriculture chimique est-elle rentable ?
Article mis en ligne le 2 décembre 2018
dernière modification le 15 août 2018

Pour Maxime de Rostolan, la première question à se poser est : l’agriculture chimique est-elle rentable ? « Non, elle ne l’est pas ! », répond-il.

Alors que les crises alimentaires se succèdent, l’agro-écologie se profile comme solution d’avenir. Maxime de Rostolan, fervent défenseur de cette pratique agricole, fait part de ses idées révolutionnaires pour abandonner l’agriculture chimique.

On a 20 ans pour changer le monde » : c’était le titre du documentaire proposé en ouverture du festival « Nourrir Liège ». La réalisatrice Hélène Médigue a suivi durant un an, à travers les champs, Maxime de Rostolan, le fondateur du réseau « Fermes d’Avenir ».

Ingénieur de formation, il a développé en 2014 une microferme agro-écologique sur 1,4 hectare à Montlouis-sur-Loire, en Indre-et-Loire. En parallèle, grâce à sa structure Blue Bees, il a levé 3 millions d’euros en deux ans pour financer 200 projets agricoles et alimentaires vertueux. L’été dernier, il a lancé le « Fermes d’Avenir Tour », véritable parcours à la rencontre des fermes remarquables partout en France. Pendant trois mois et 30 étapes, des centaines de personnes à vélo ont visité plus de 200 fermes qui ont adopté un modèle original de développement, en phase avec la nature.


« À l’avenir, il faudra compter en triple capital : financier, humain et naturel »


Votre pari, c’est de prouver que l’agroécologie est plus rentable que l’agriculture conventionnelle. Comment y arriver ?

L’agriculture chimique n’est pas rentable. Elle est subventionnée, directement par la Politique agricole commune et indirectement par l’externalisation des coûts cachés sur la santé, l’environnement, l’emploi, la pollution de l’eau, etc. L’agroécologie est rentable parce qu’il y a moins de charges. On casse les codes de la distribution classique donc on vend mieux, avec moins d’intermédiaires et, potentiellement, on arrive à dégager un salaire correct.

Alors, va-t-on arriver à la rendre plus systématiquement rentable et viable ?

La conjoncture n’est pas favorable. Il n’y a pas de miracle : on ne va pas réussir à rendre riches les agriculteurs.

Mais on arrive à être plus résilient et autonome avec une agriculture bio. La preuve, c’est que ceux qui passent au bio ne font pas marche arrière.

Le monde agricole est très conservateur. Comment espérez-vous le convaincre de passer à l’agroécologie ?

Oui, il l’est mais les agriculteurs ne sont pas responsables. Ils ont hérité d’un modèle, peut-être légitime en son temps, mais qui a montré ses limites et qu’il faut réformer. La moitié des agriculteurs prendra sa retraite d’ici à 2025. Je ne vais pas m’échiner à essayer de les convaincre. On ne travaille qu’avec les agriculteurs installés qui le souhaitent et les nouveaux entrants dans le métier, qui sont composés pour moitié de néo-ruraux. C’est le bon sens qui est en train de revenir.

Que vous inspirent les réactions hostiles d’une bonne partie des agriculteurs à l’interdiction du glyphosate ?

La transition va être compliquée et changer, ça fait peur. Je comprends donc qu’ils freinent des quatre fers. Pour autant, il y a assez d’études alertant sur le fait que le glyphosate est potentiellement cancérigène, que les perturbateurs endocriniens contenus dans les produits phyto ont des effets délétères sur la santé, la fertilité, les fœtus, etc. Le tsunami de l’autisme arrive. On est en train de dégénérer notre espèce. Et puis, il y a la spirale de l’endettement : un agriculteur qui a investi dans du matériel de pulvérisation va devoir l’amortir en 20 ans.


• Qu’espérez vous voir évoluer d’ici 10 ans ?
 
J’espère que dans dix ans, on aura mis en place des lois qui favoriseront le déploiement de fermes agroécologiques. Parce qu’il ne faut pas oublier qu’une transition entre deux modèles agricoles prend minimum cinq ans, que c’est difficile pour les agriculteurs qui ne sont pas suffisamment aidés. J’espère qu’on aura réussi à mettre en place des conditions de travail décentes pour les agriculteurs, qui aujourd’hui peuvent arriver à la fin du mois avec 350 euros alors que le SMIC, le salaire minimum interprofessionnel de croissance, est censé concerner toutes les professions.

J’espère que les personnes qui auront investi dans l’agroécologie commenceront seulement à toucher leurs intérêts, quand les arbres plantés commenceront vraiment à donner, parce que ça veut dire qu’ils se seront impliqués sur du long terme. Et enfin, j’espère que l’on aura réussi à réaliser que le capital argent est peut-être moins important que le capital naturel et humain. Ce sera alors une vraie révolution, lorsque l’on notera la santé d’une entreprise non plus à l’aune simple de ses résultats financiers, mais que l’on regardera aussi sa capacité à maintenir le capital naturel et le capital humain en bonne santé.