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LARCENCIEL - site de Michel Simonis
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"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

Plaidoyer pour la Création d’un véritable Islam belge
Colloque de "La Pensée et les hommes", novembre 2010
Article mis en ligne le 22 janvier 2013
dernière modification le 9 décembre 2020

"Le devoir de tout citoyen responsable sera de soutenir les musulmans acquis à la ’démocratie de pacification’ contre le radicalisme islamiste au repli identariste et communautariste. "
Chemsi Cheref-Khan

Chemsi Cheref-Khan incarne la vision laïque de l’Islam en Belgique.
Ce franc-maçon jette les bases d’une meilleure représentation musulmane.

"Je me bats depuis longtemps pour que notre pays se dote d’un Institut d’humanisme musulman que j’envisage au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles".

Chemsi Cheref-Khan
(Photo LLB)

Vivant et travaillant en Belgique depuis un demi-siècle, Chcmsi Cheref-Khan est connu dans les milieux laïques et musulmans et dans les cénacles intellectuels comme le zélateur d’un humanisme musulman et d’un islam des Lumières intégré dans la société occidentale. Face à divers constats récents que cette idée, que le monde politique appelle de ses vœux, a du mal à émerger, il a décidé de révéler son appartenance à la franc-maçonnerie afin de "booster" celles et ceux qui pensent comme lui en vue de jeter, enfin, les bases d’un véritable islam belge. Avec parmi les outils pour le promouvoir la création d’un Institut pour un humanisme musulman.

• Pourquoi dévoiler votre qualité de maçon, membre du Grand Orient de Belgique ?

L’islam belge, ça fait vraiment très longtemps qu’on en parle et que rien ne progresse. Un peu plus de 10 ans après mon arrivée en Belgique, l’islam était la deuxième religion en Belgique. Lors du débat parlementaire sur sa reconnaissance, en 1974, certains élus plaidaient déjà pour le soustraire aux influences étrangères. Il était bien en place... A cause de la crise du pétrole, pour faire de bonnes affaires ou encore pour remercier le roi d’Arabie saoudite pour sa générosité après l’incendie de l’Innovation, la Belgique avait concédé le Pavillon oriental, dans le parc du Cinquantenaire, à l’Arabie saoudite. Il se mua en Grande Mosquée et devint le siège européen de la Ligue islamique mondiale dont le rôle ne cessa de s’accroître. Mais entretemps, le Parlement ignorait tout de la doctrine juridique de l’islam. C’était dérangeant pour un esprit critique car la reconnaissance fut acquise pour des raisons diverses. L’on voulait intégrer les musulmans ou alors les voir préserver leurs racines pour qu’ils rentrent chez eux ; il y avait les promesses de juteux contrats et on voulait soutenir les Américains, qui s’alliaient aux musulmans les plus radicaux dans leur lutte contre le communisme. Cela ne s’est jamais vraiment arrangé. Les remous récurrents au sein de l’Exécutif des Musulmans de Belgique attestent aussi, si nécessaire, qu’il est urgent de changer de cap. On doit d’autant plus se battre pour cet islam belge en ces temps agités où d’aucuns voudraient mettre tous les musulmans dans le même sac. [1]

• Etre musulman et franc-maçon n’est-il pas un peu antagoniste ?

Des courants de l’islam [2] peuvent se retrouver avec certaines déclinaisons de la franc-maçonnerie. Le musulman, e’est celui qui se reconnaît comme tel ; en d’autres termes, c’est une affaire entre lui et Dieu. Le franc-maçon est celui qui est reconnu comme tel par ses frères.

• Votre coming-out maçonnique est aussi lié à certains replis frileux.

Mais oui, les signaux positifs ne sont pas venus. Pire, c’est le contraire qui s’est produit. J’ai été terriblement déçu par les Assises de l’interculturalité qui n’ont pas hésité à faire l’éloge du communautarisme alors que l’on présentait l’élection d’une députée bruxelloise voilée comme un progrès. C’est pourquoi je veux interpeller directement les citoyens et mes frères et mes sœurs qui incarnent la conscience de la société civile, étant les dépositaires de l’héritage des Lumières. Il est temps de me manifester, j’approche de la septantaine. Qu’est ce que je risque ?

• Vous n’hésitez pas à appeler le cardinal Danneels à la rescousse...

J’aime de fait faire référence à une prise de parole du cardinal à la fin de son mandat d’archevêque. Il avait dit fort pertinemment que l’Eglise catholique s’était frottée aux Lumières et que cela lui avait fait le plus grand bien. L’islam doit aussi connaître une telle expérience et devenir libéral et humaniste. Le moment est venu pour les musulmans européens d’envisager cette révolution des esprits.

• D’un point de vue sociétal, franc-maçonnerie et islam ne sont-ils pas difficilement conciliables ?

On connaît mal la contribution décisive des francs-maçons de toutes origines parmi lesquels il y avait aussi des musulmans, à l’émergence des courants réformateurs dans l’islam. Parmi ces courants, le plus remarquable est celui qui a mené à la création de la république de Turquie qui a apporté la preuve que l’islam dans un Etat laïque est non seulement souhaitable mais tout à fait possible. Mais voilà, ce rôle éminent de la franc-maçonnerie est ignoré non seulement des musulmans, mais aussi - et e’est plus étonnant - des francs-maçons européens.

• Ce qui s’y était passé peut-il se reproduire dans les pays du printemps arabe ?

Face aux révoltes populaires, on se demande si le Printemps arabe va évoluer vers le modèle iranien de la République islamique ou s’inscrire dans la foulée du modèle turc de la République laïque. L’intérêt des peuples arabes et celui des musulmans européens sans compter l’intérêt fondamental des démocraties européennes elles-mêmes, est que ce dernier modèle s’impose.

• Comment le modèle turc s’est-il imposé ?

Son succès fut basé sur une certaine réforme de l’islam. On a séparé Je domaine public du droit du domaine intime de la foi. Et on a lu des textes sacrés comme le Coran avec les yeux du XX’ siècle.

• De quoi jeter les bases d’un islam belge ?

Il. faut lancer un collectif citoyen pour la démocratie musulmane afin de défendre cet islam de la modernité en Belgique et en Europe. Dans cette optique je me bats depuis longtemps pour que notre pays se dote d’un Institut d’humanisme musulman que j’envisage au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

• N’est-ce pas le rôle de l’exécutif ?

J’ai publié une tribune dans "La Libre" dans laquelle j’avais évoqué la mise sur pied d’un conseil humaniste musulman parce que j’estimais que les musulmans éclairés devaient aussi être écoutés et représentés parallèlement à leur représentation sur le plan du culte. Cela fonctionne bien dans la communauté juive, où vous avez le Consistoire central israélite et des coupoles regroupant une série d’associations mettant en exergue les valeurs du judaïsme. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas chez les musulmans ? Et puis, ça aurait son sens ; on ne peut nier que l’exécutif est celui des mosquées, qui ne représente pas tout l’islam, pas plus que le Consistoire ne prend la parole au nom de tous les juifs.

"les démocrates musulmans ne doivent pas abandonner la foi de leurs ancêtres mais elle devrait les pousser à embrasser un Islam humaniste, respectueux de l’Etat de droit et des autres convictions".

Entretien Christian Laporte
LLB. Mis en ligne le 2 février 2012


Épinglé

Turco-kurde et Belge

Bio-express.

Chemsi Cheref-Khan est né en Turquie voici près de 70 ans d’une mère turque et d’un père kurde. II a fait ses études secondaires au Lycée franco-turc de Galatasaray considéré comme "une fenêtre ouverte sur l’Occident". Licencié en sciences sociales et docteur en droit (ULB), il est administrateur de sociétés.

Chemsi Cheref-Khan a fondé avec d’autres le comité belge de "Ni putes, ni soumises" et est membre fondateur du "Rappel", le Réseau d’actions pour la promotion d’un Etat laïque ainsi que de l’Association européenne pour la pensée libre. II est également administrateur de "La Pensée et les hommes". Le 13 novembre 2010, il avait mis sur pied le colloque "Une majorité musulmane à Bruxelles en 2030 : comment nous préparer à mieux vivre ensemble", qui a fait l’objet d’un dossier spécial publié par "la Pensée et les hommes".
C.L.