Bandeau
LARCENCIEL - site de Michel Simonis
Slogan du site

"To do hay qui ver con todo" (tout a à voir avec tout) Parole amérindienne.
Comprendre le présent et penser l’avenir. Cerner les différentes dimensions de l’écologie, au coeur des grandes questions qui vont changer notre vie. Donner des clés d’analyse d’une crise à la fois environnementale, sociale, économique et spirituelle, Débusquer des pistes d’avenir, des Traces du futur, pour un monde à réinventer. Et aussi L’Education nouvelle, parce que Penser pour demain commence à l’école et présenter le Mandala comme outil de recentrage, de créativité et de croissance, car c’est aussi un fondement pour un monde multi-culturel et solidaire.

Michel Simonis

UNE OBSESSION SIONISTE : se débarrasser des Palestiniens
par Michel Staszewski
Article mis en ligne le 4 octobre 2025
dernière modification le 5 octobre 2025

Le nettoyage ethnique de la Palestine est indissociable du projet sioniste, une colonisation de peuplement qui vise à remplacer la population locale par des Juifs venus d’ailleurs.

Les premiers sionistes émigrent d’Europe vers la Palestine vers 1880. Ce territoire est alors peuplé d’environ 500000 habitants, dont 85% de musulmans, 10% de chrétiens et 5% de juifs. La minorité juive autochtone ne se distingue des autres habitants de cette région que par sa religion. Sa langue usuelle est l’arabe palestinien. Elle n’utilise l’hébreu (ancien) que pour l’accomplissement des rites religieux. Elle ne peut être qualifiée de sioniste car elle ne manifeste aucune aspiration à ne vivre qu’entre Juifs et certainement pas à la création d’un État juif.

LES « SIONISTES SOCIALISTES », CHAMPIONS DE L’ÉVICTION DES PALESTINIENS

Par contre, les premiers immigrants sionistes partagent tous le projet de créer un État juif en Palestine. Mais ils sont divisés entre ceux qui sont prêts à engager, à bas prix dans les entreprises qu’ils créent, de la main-d’œuvre locale pour les fonctions subalternes et les « sionistes socialistes » qui l’excluent, au nom du refus de l’e exploitation de l’Homme par l’Homme ». Ce courant « sioniste socialiste » va bientôt dominer, et pour longtemps, le Yishouv [1]
Le déplacement forcé des paysans palestiniens non propriétaires des terres sur lesquelles ils travaillaient comme métayers commence donc, à petite échelle, bien avant la création de l’État d’Israël.

1948 ET APRÈS : UNE NAKBA CONTINUE

En 1947, les Juifs constituent moins d’un tiers de la population totale de la Palestine. En novembre, la décision prise par l’Assemblée générale de l’ONU, contre l’avis unanime des Palestiniens,
de créer un « État juif » sur 56 % du territoire de la Palestine, bien qu’approuvée par les dirigeants sionistes, va cependant les placer, de leur point de vue, devant un problème redoutable : 45 % des habitants du territoire qui leur est alors attribué sont des Arabes, musulmans et chrétiens.

Profitant de leur supériorité militaire, ils vont « régler ce problème » en appliquant leur plan Dalet : préparé dès la fin des années 1930, son but était de provoquer le départ forcé d’un maximum d’Arabes des territoires aux mains des sionistes [2]. C’est ainsi qu’à la veille de l’entrée en Palestine de troupes de cinq États arabes, le 15 mai 1948, près de 400 000 Palestiniens ont déjà été expulsés du territoire alors contrôlé par les groupes armés sionistes, ou en ont fui, terrorisés par les massacres commis par ces mêmes groupes.

À la fin des combats (juillet 1949), ce sont entre 750 000 et 800 000 Palestiniens, soit environ 80% de ceux qui habitaient le territoire désormais sous le contrôle de l’État d’Israël (78% de la Palestine mandataire [3]) qui auront été chassés et empêchés d’y revenir. Ceux qui ne l’ont pas quitté ou qui ont réussi à y revenir clandestinement ne constituent alors plus que 17% de la population de I’ « État juif ».

Dans les années suivantes, ces exilés seront remplacés par des centaines de milliers de Juifs venus essentiellement d’Europe et, surtout, du monde arabe.

La fin des combats ne signifie pas celle des expulsions. Non seulement l’armée israélienne traque et tue les exilés qui tentent de revenir dans leurs foyers mais elle organise de nouvelles expulsions. Ainsi, plusieurs milliers d’habitants d’al-Majdal (renommée « Ashkelon » par les Israéliens) seront expulsés du territoire désormais devenu Israël entre décembre 1949 et l’automne 1950. Entre 1949 et 1951, 17 000 Bédouins sont chassés du désert du Naqab (Néguev) vers la Jordanie et l’Égypte [4]. L’historien israélien llan Pappe mentionne des expulsions massives jusqu’en 1953. En 1956, le général Yitzhak Rabin fera encore expulser 700 personnes vers la Syrie. Et, en 1962, 750 membres de la tribu bédouine d’al-Hawashli seront embarqués dans des camions et déportés hors du pays [5] .

”LE GÉNOCIDE EN COURS, MÊME S’IL FAIT D’INNOMBRABLES VICTIMES, N’A PAS POUR OBJECTIF PREMIER DE MASSACRER OU FAIRE MOURIR DE FAIM L’ENSEMBLE DE LA POPULATION DE CE TERRITOIRE. C’EST L’ÉPOUVANTABLE MOYEN UTILISÉ POUR PROVOQUER LE DÉPART MASSIF DES SURVIVANTS.”

1967 : UN NETTOYAGE ETHNIQUE MASSIF ... MAIS INCOMPLET ... QUI SE POURSUIT

En juin 1967, l’armée israélienne conquiert le reste de la Palestine, le plateau syrien du Golan et le désert égyptien du Sinaï. Cette conquête s’accompagne de nouveau d’un nettoyage ethnique des populations arabes de ces territoires mais qui ne réussira qu’en partie : il sera quasi total sur le plateau du Golan (110 000 expulsés sur un total de moins de 120 000 habitants) mais les Israéliens ne réussiront à forcer à l’exil « que » 100 000 personnes, des exilés de 1948 et 200 000 habitants natifs de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie. De la bande de Gaza, sur un total de 385 000 habitants, moins de 50 000 fuiront, seront chassés ou incités financièrement à partir [6].

Même si, depuis lors et continuellement, des milliers de Palestiniens seront encore contraints à l’exil par les autorités israéliennes sous divers prétextes, sur l’ensemble du territoire de la Palestine, désormais entièrement sous domination israélienne, la proportion de Palestiniens ne cessera d’augmenter au point de dépasser aujourd’hui légèrement celle de la population juive. À défaut de pouvoir les expulser tous de leur pays, les dirigeants israéliens refusent d’accorder des droits politiques aux Palestiniens des territoires conquis depuis 1967, même à ceux de Jérusalem-Est, territoire pourtant annexé à Israël, et leur rend la vie quotidienne de plus en plus insupportable.

En Cisjordanie, le morcellement du territoire consécutif aux accords d’Oslo de 1993, la poursuite de l’occupation militaire et de la colonisation, les destructions de bâtiments construits « illégalement », les déplacements forcés de Palestinien·nes au sein des territoires occupés et les entraves mises à leur circulation rendent leur vie économique et sociale de plus en plus éprouvante. À quoi s’ajoutent la répression implacable de toute forme de résistance et l’agressivité de plus en plus meurtrière -et impunie- des colons. Tout cela va pousser une petite minorité d’habitants qui en ont la possibilité à s’expatrier.

LE GÉNOCIDE DES GAZAOUIS AU SERVICE DU NETTOYAGE ETHNIQUE

Après la prise du pouvoir par le Hamas à Gaza en 2007, les dirigeants israéliens décrètent que ce territoire devient une « entité hostile ». Les Gazaouis sont dès lors sévèrement rationnés en biens aussi indispensables que la nourriture, l’eau potable, les matériaux de construction, les équipement médicaux, les médicaments, les carburants et l’électricité. Ils seront aussi régulièrement victimes de nombreux bombardements meurtriers ainsi que d’incursions militaires terrestres tout aussi sanglantes.

En 2012, l’ONU publie un rapport qui prédisait déjà que si un tel blocus de Gaza devait se poursuivre, la vie y deviendrait impossible en 2020 [7]. En 2017, Robert Piper, coordinateur des affaires humanitaires pour le territoire palestinien occupé, affirmait, quant à lui, dans un autre rapport [8] que les conditions de vie à Gaza étaient déjà devenues invivables : 90 % des entreprises avaient cessé leurs activités ; plus de 60% des jeunes étaient sans emploi ; l’eau était devenue à 96% impropre à la consommation ; la distribution d’électricité oscillait entre 4 et 8 heures par jour. Pour survivre, 80 % de la population dépendait désormais de l’aide humanitaire fournie par l’ONU ou par des organisations non gouvernementales.

L’opération armée menée par le Hamas le 7 octobre 2023 a servi de prétexte au gouvernement d’extrême droite, parvenu au pouvoir en décembre 2022, pour mettre en œuvre un plan visant, à terme, à vider la bande de Gaza de ses habitants palestiniens. Le génocide en cours, même s’il fait d’innombrables victimes, n’a pas pour objectif premier de massacrer ou faire mourir de faim l’ensemble de la population de ce territoire. C’est l’épouvantable moyen utilisé pour provoquer le départ massif des survivant-es. 
Le Premier ministre israélien ne s’en cache pas.

Tout au long du combat que les dirigeants sionistes ont mené pour concrétiser leur projet d’établir puis de maintenir un « État juif » en Palestine, ils ont mis en pratique, à grande ou à petite échelle selon les circonstances, ce crime contre l’humanité que constitue le nettoyage ethnique des Palestinien-nes. Depuis octobre 2023, cette obsession de vider les territoires sous le contrôle d’Israël d’un maximum ”d’Arabes" les a conduits, à Gaza, à perpétrer le pire des crimes de masse, un génocide, dont ils espèrent que les survivant-es finiront enfin par se résigner à l’exil.

Michel Staszewski

Les notes sont incluses dans le texte.

DOSSIER du trimestriel "PALESTINE", n° 105 - p. 6 à 9.
Voir l’introduction du dossier et les autres textes de ce dossier sur mon blog Larcenciel-Palestine.